La vice-présidente de la Polynésie française, chargée notamment de la Culture, a proposé hier en conseil des ministres le classement du buste de Pouvānaˈa a ˈŌˈopa et du site « Tāta'a i Fānātea » au titre des monuments historiques de la Collectivité.
« Le buste de Pouvānaˈa a ˈŌˈopa est une véritable œuvre d’art que le Pays propose de classer au titre des monuments historiques du Pays. La personnalité, le charisme du Metua et son amour du peuple polynésien appuie et justifie cette demande » explique le Conseil des ministres du gouvernement de la Polynésie française.
Inaugurée le 10 mai 1982, date d’anniversaire du « Metua » (père) Pouvānaˈa a ˈŌˈopa, ce buste avait été commandé par le Here Aia (héritier du Rassemblement démocratique des populations tahitiennes (RDPT) fondé par Pouvānaˈa a ˈŌˈopa). « Posé sur un socle en béton et soutenu par deux colonnes d’une hauteur de 4 mètres, ce monument est un incontournable de la place Taraho’i », où siège notamment l’assemblée de la Polynésie.
Originaire de l’île de Huahine, Pouvānaˈa Tetuaapua a ˈŌˈopa, est considéré comme le fondateur de la classe politique tahitienne moderne. Il participe à la 1ère Guerre mondiale comme volontaire du Bataillon du Pacifique. Puis, lors de la 2nde Guerre mondiale, il se rallie au Général de Gaulle et devient un farouche partisan de la France Libre.
Le 27 février 1947, le Comité Pouvānaˈa ˈŌˈopa est créé et a pour objectif de créer un parti politique avec des représentants dans chaque île ou district. Leur slogan est « Tahiti d’abord et pour les Tahitiens ». En 1949, Pouvānaˈa a ˈŌˈopa est élu député de la Polynésie française. Le 17 novembre 1949, l’Union des Volontaires et le Comité Pouvānaˈa fusionnent pour former le Rassemblement démocratique des populations tahitiennes (RDPT). Le RDPT devient le premier parti politique polynésien et Pouvānaˈa a ˈŌˈopa en prend la présidence.
En octobre 1958, accusé d’avoir été l’instigateur d’incendies dans Papeete, il est arrêté et est condamné à 8 ans de réclusion criminelle et à 15 ans d’interdiction de séjour en 1959. Gracié par le général de Gaulle, il revient à Tahiti en 1968. Il est élu sénateur en 1971 et décède en 1977. En 2018, la justice reconnaît l’innocence du Metua et annule la décision de 1959.
« La proposition de classement au titre des monuments historiques du Pays du buste réalisé par l’artiste Georges Oudot fait honneur à cet homme qui n’a eu de cesse de se battre pour les intérêts de sa population et de ses générations futures » précise encore la vice-présidente Éliane Tevahitua.
« Tāta'a i Fānātea », site symbolisant le parcours de l’âme
Localisé sur la pointe nord-ouest de l’île de Tahiti et situé à la jonction des communes de Faˈa'ā et Punaauia, le site de « Tāta'a i Fānātea » est jalonné d’éléments relatifs au parcours de l’âme. Sur le plan sémantique, le terme « Tātaˈa » est significatif : « ta’a » qui veut littéralement dire « se détacher de », n’est pas sans rappeler la référence de l’âme ou varua qui, au moment du décès, se sépare de l’enveloppe matérielle qu’est le corps ou tino pour ensuite se diriger vers la pointe Tāta'a afin de se recueillir.
Selon les traditions orales, l’âme devait au préalable plonger dans de l’eau très froide pour se ressourcer. Ces points d’eau douce ont été identifiés, la source Punau ou Vaiaitu située à Punaauia et Vaitupa, à Faˈa'ā. Une fois cette étape franchie, l’âme se présentait ensuite face à deux pierres, l’une appelée pierre de vie, ofa'i ora disposée sur la droite du promontoire et qui permettait à l’âme de poursuivre son chemin, l’autre appelée pierre de mort, ofa'i pohe posée sur la gauche du promontoire et qui séparait à jamais l’âme de son corps. En 2019 lors d’une prospection archéologique, Mark Eddowes, archéologue présent en Polynésie française depuis plus de trente ans atteste de l’existence de ces deux pierres.
Dans les deux cas, le chemin emprunté par l’âme depuis Tāta'a devait lui permettre de rejoindre le mont Rōtu’i, situé à Mo'orea et, de là, elle se dirigeait ensuite vers Ra'iātea où elle devait atteindre le mont Temehani. Ainsi, 5 éléments majeurs font partie intégrante du site « Tāta'a i Fānātea » : la colline du site Tāta'a ; les sources Punau et Vaitupa ; la falaise Te Hi'u ; l'empreinte du pied de Pai, Te-tapua'e-'āvae-nō-Pai ; le banian situé à proximité de la route de ceinture ; la petite passe, Te-Ava-iti-nō-Veo.
La pointe Tāta’a revêt un caractère sacré pour les Polynésiens. Les autorités ont souvent formulé leur volonté de préserver cet espace. En 2006, la pointe Tāta’a est répertoriée par arrêté CM du 7 juillet 2006 dans l’inventaire provisoire des sites archéologiques, historiques et légendaires de Polynésie française ainsi que sur la liste des sites classés au titre de leur intérêt culturel ou historique.
En 2007, une demande d’inscription sur la liste des sites à classer de la pointe Tāta’a en tant que patrimoine culturel immatériel est présentée auprès de la Commission des sites et des monuments naturels qui émet un avis favorable à la demande. En 2014, la loi du Pays du 23 janvier 2014 institue un zonage d'une partie de la commune de Punaauia, prévoyant notamment un périmètre de protection de la zone patrimoniale du site de « Tāta'a i Fānātea ».
Si de nombreuses tentatives de classement sont initiées et parfois soutenues par les associations, il n’en demeure pas moins que la procédure reste lettre morte. Le Pays propose aujourd’hui et au vu des éléments ethnolinguistiques et juridiques dont il dispose, le classement du site de « Tāta'a i Fānātea » au titre des monuments historiques en vertu du code du patrimoine.
Ces classements sont rendus possibles sur le fondement de la loi du Pays du 19 novembre 2015 instituant un code du patrimoine de la Polynésie française et précisant le contenu de son livre VI relatif aux monuments historiques, sites et espaces protégés, ainsi que de l’arrêté CM du 25 avril 2016 relatif à la partie réglementaire du code du patrimoine de la Polynésie française.