Pacifique/Économie : effondrement en Nouvelle-Calédonie, dynamiques globalement positives en Polynésie et à Wallis et Futuna, selon les synthèses annuelles 2024 de l’IEOM

Vue du port de Papeete en Polynésie ©DR

Pacifique/Économie : effondrement en Nouvelle-Calédonie, dynamiques globalement positives en Polynésie et à Wallis et Futuna, selon les synthèses annuelles 2024 de l’IEOM

L’Institut d’émission d’Outre-mer (IEOM, Banque centrale des collectivités ayant pour monnaie le franc Pacifique) vient de publier trois synthèses annuelles sur les économies de la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie et Wallis et Futuna en 2024. Sans surprise, cet organisme constate une grave crise en Nouvelle-Calédonie consécutive aux émeutes, mais de la confiance en Polynésie et une dynamique positive à Wallis et Futuna. Tour d’horizon.

 

En Nouvelle-Calédonie, les émeutes de mai 2024, ajoutées aux difficultés dans le secteur du nickel, ont conduit à un effondrement de l'ensemble des indicateurs économiques, selon l’IEOM. Concernant l’emploi salarié, 11 500 personnes auraient perdu leur emploi l’année dernière. « Au 4e trimestre 2024 (chiffres estimés ISEE, Institut de la Statistique et des Études Économiques de Nouvelle-Calédonie), l’emploi salarié privé serait en recul de 17,2% en glissement annuel », indique l’Institut d’émission d’Outre-mer. Malgré une relative stabilisation de la situation politique, la plupart des chefs d’entreprise n’envisagent pas de recruter pour le reste de 2025. L’inflation a été maîtrisée (1% en 2024 contre 1,7% en 2023), mais la consommation des ménages est en net repli, de même que les octrois de crédits d’investissement.

Tous les secteurs connaissent une situation dégradée, observe l’IEOM. La filière nickel, stratégique pour le territoire, vit une crise sans précédent, marquée par des licenciements, des ruptures d’approvisionnement, des blocages et destructions, les désengagements des industriels actionnaires, et la baisse des cours du minerai. « Après deux années consécutives de hausse, la production métallurgique recule de 48,6% en 2024, pour s’établir à 53 327 tonnes de nickel contenu. La production de ferronickel diminue fortement (-47,8%), tout comme celle de NHC (-50,2%. NHC, Nickel Hydroxyde Cake, mélange de nickel et de cobalt utilisé notamment dans la fabrication de batteries de véhicules électriques, ndlr). Dans le sillage de cette contraction, les exportations de produits métallurgiques enregistrent un repli de 45% en volume sur l’année 2024 », rapporte l’étude.

Le secteur du BTP est à l’arrêt, ajoute l’IEOM, suivant une baisse d’activité de plusieurs années, confirmée par une diminution drastique de consommation de ciment de 34,3% en 2024. Dans le domaine du tourisme, après une année 2023 encourageante, la fréquentation a enregistré une forte contraction après les émeutes. « En 2024, le nombre de touristes de séjour (hors croisiéristes) a fortement reculé, atteignant 59 399 arrivées contre 125 097 en 2023. Bien qu’il demeure supérieur aux plus bas enregistrés durant la crise sanitaire, il reste bien inférieur à celui observé lors de la reprise de 2022 (78 749 touristes), faisant de 2024 la troisième année la plus faible en termes de fréquentation touristique depuis 2013 », précise l’organisme.

Nouvelle-Calédonie

La situation est bien meilleure en Polynésie, où le bilan est jugé « satisfaisant » par l’IEOM, et la confiance des entreprises, « solide ». « Selon l’enquête emploi de l’ISPF (Institut de la statistique de la Polynésie française, ndlr) menée au deuxième trimestre 2024, le taux de chômage s’est replié à 7,5% (8,5% un an plus tôt) et le taux d’emploi s’est amélioré de 1,9 point (57,7% contre 55,8% en 2023) », relève la synthèse annuelle. L’inflation a considérablement ralenti en 2024 (hausse moyenne de 1,2% sur l’année, contre +3,3% en 2023 et 6,4% en 2022), ce qui a renforcé le pouvoir d’achat des ménages.

La bonne tenue de l’économie et du marché du travail a notamment été portée par les secteurs du tourisme et du BTP. « Franchissant un nouveau record, la fréquentation touristique s’est élevée à 264 000 visiteurs, soit 2000 de plus qu’en 2023, grâce à la dynamique du secteur de la croisière », note l’IEOM. Ce dernier a enregistré une augmentation de 19%. Toutefois, l’hébergement de tourisme terrestre s’est replié de 3%. La filière BTP a quant à elle bénéficié de l’organisation des épreuves de surf des Jeux Olympiques, des réalisations prévues pour les Jeux du Pacifique en 2027, et des travaux liés à l’installation de deux câbles sous-marins par Google. « En 2024, les dépenses liquidées se sont établies à 15,6 milliards XPF, dépassant de plus d’un quart leur niveau de l’année précédente (12,1 milliards XPF) », souligne l’étude.

Petit bémol, les exportations de perles de Tahiti ont baissé de moitié en volume et en valeur en 2024, ne rapportant que 7 milliards XPF contre 17 milliards XPF en 2023. Les recettes à l’export de poissons demeurent stables à 2,3 milliards XPF. Pour 2025, même si l’optimisme est de mise, l’IEOM reste prudente : « La politique économique menée par la nouvelle administration états-unienne pourrait avoir un impact négatif sur l’économie polynésienne ; les exportations – certes limitées- vers ce pays (essentiellement du poisson frais) pourraient ainsi pâtir de la hausse des droits de douane, mais surtout une éventuelle récession aux États-Unis ou une baisse du cours du dollar américain pourraient dissuader une partie de la clientèle américaine à visiter la Polynésie française, alors qu’elle en constitue aujourd’hui le principal marché émetteur ».

Polynésie

À Wallis et Futuna, la dynamique est aussi globalement positive même si l’on relève des tendances contrastées. L’inflation s’est établie à 2,9% en 2024 contre 4,9% en 2023. Toutefois, les prix de l’alimentation et des produits manufacturés ont augmenté respectivement de 2,7% et 0,9%. Sur le marché de l’emploi, l’IEOM observe une hausse des effectifs déclarés de 1,3% en rythme annuel (de fin septembre 2023 à fin septembre 2024) portée par le secteur public (+3,8%, 60% des salariés). En ce qui concerne la consommation des ménages, elle résiste avec des importations de biens en progression en valeur en 2024 (+3,8%).

« Le dynamisme des secteurs économiques s’infléchit légèrement », souligne l’étude. Dans le BTP, l’activité a ralenti en 2024 avec, notamment, des importations en valeur de ciment en baisse de 16,7% par rapport à 2023. Le secteur du commerce reste résilient, et « confirme sa grande place dans l'activité économique du Territoire ». « Principal poste des importations représentant plus d’un quart du total, les importations de produits des industries agricoles et alimentaires diminuent très légèrement en 2024, et atteignent 2645 millions de F CFP. En volume à l’inverse, ces importations augmentent de 6% et ce malgré la hausse des prix des produits alimentaires en 2024 », ajoute l’IEOM.

 Au niveau des échanges, l’étude constate que les émeutes en Nouvelle-Calédonie ont eu des conséquences significatives pour l’économie de l’archipel avec une chute du trafic aérien due à la fermeture de l’aéroport de la Tontouta à Nouméa, affectant de fait le transport des passagers et le fret commercial aérien. Par ailleurs, des familles entières originaires de Wallis et Futuna sont rentrées sur le Fenua : « les données à venir pourront probablement quantifier l’impact de ces retours sur l’économie de Wallis et Futuna. L’apaisement observé depuis plusieurs mois, s’il continue en 2025, contribuera à retrouver les niveaux de passagers sur le territoire observés en 2023 », conclut l’IEOM.

 

Wallis et Futuna

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PM