Le sujet du droit à l’autodétermination des peuples, notamment ceux de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, est en première place des « principaux sujets de préoccupations » du 6ème rapport périodique du comité des droits de l’homme sur la France. Le comité demande à l’État de « faciliter et expédier la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », en « collaborant pleinement » avec le comité spécial sur la décolonisation. Un sujet de notre partenaire Radio 1 Tahiti.
Interpeller la communauté internationale, et « mettre la pression » au travers de nouveaux relais. C’était tout l’objectif du déplacement de Richard Tuheiava et Marielle Kohumoetini, membres du parti indépendantiste polynésien, qui s’était rendu à Genève, fin octobre, en même temps qu’une délégation du controversé groupe d’initiative de Bakou. Et c’est visiblement réussi.
Deux semaines après la prise de parole des deux représentants du Tavini Huiraatira devant le comité des droits de l’homme, qui réunit des experts internationaux chargés surveille l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques entré en vigueur en 1976, l’organisme onusien a examiné le « rapport périodique de la France ». Un document qui dresse l’état des lieux du respect des droits de l’homme dans le pays.
Le comité « s’inquiète de l’absence de progrès réalisé sur la question relative à l’autodétermination »
Lors de la dernière session de ce type, en 2015, l’outre-mer français n’avait été cité que pour pointer du doigt la « surpopulation carcérale et l’insuffisance des aménagements de peine » – qui concernent d’ailleurs la Polynésie au premier chef. Des problèmes qui « persistent » note cette année le comité, y ajoutant les « mauvaises conditions matérielles dans de nombreux lieux de privation de liberté », ou la « surreprésentation des personnes autochtones dans les prisons » de Nouvelle-Calédonie.
Mais les territoires du Pacifique sont surtout cités au chapitre « Droit à l’autodétermination », entièrement nouveau. Et qui figure dans ces observations officielles en tête des « principaux sujets de préoccupation de recommandations ». Comme l’avait précisé Richard Tuheiava avant son départ à Genève, l’ONU avait préalablement jugé « que l’exercice du droit à l’autodétermination, c’est un droit fondamental, c’est un droit humain ». Et donc si un État membre ne coopère pas dans le cadre d’un dialogue sur ce droit qui est actuellement en cours à New York pour Maohi Nui, il viole ce droit fondamental », expliquait l’ancien sénateur aujourd’hui directeur de cabinet de Tony Géros, président de l’Assemblée territoriale de Polynésie. D’où l’idée d’interpeller ce comité.
Ainsi les experts des droits de l’homme, malgré les précisions de la France sur le statut d’autonomie de ses collectivités, « s’inquiète de l’absence de progrès réalisé sur la question relative à l’autodétermination du peuple de la Polynésie française ». « L’État partie devrait faciliter et expédier la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en collaborant pleinement avec le Comité spécial chargé d’étudier la situation de ces deux territoires non autonomes conformément à la Charte des Nations Unies et à la résolution 1514 de l’Assemblée générale », recommande l’organisme onusien.
Manque d’écoute en Nouvelle-Calédonie
Une interpellation qui s’applique à la fois à la Polynésie et à la Nouvelle-Calédonie, où un processus d’autodétermination a bien été lancé, mais dont les modalités d’applications sont jugés « préoccupantes ». Sans surprise, le comité des droits de l’homme se félicite de l’abandon du projet de loi constitutionnelle sur le corps électoral -projet qui a mis le feu aux poudres sur le Caillou et engendré les émeutes de mai dernier-. Mais il dénonce le maintien, en 2021, du troisième référendum malgré le refus, puis le boycott, des autorités coutumières kanak et des partis indépendantistes.
« L’État partie devrait consulter les peuples autochtones de la Nouvelle Calédonie et de la Polynésie française afin d’obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé avant l’adoption de toute mesure relative au processus d’autodétermination », précise le texte. Il interpelle en outre sur le respect du « principe d’irréversibilité constitutionnelle posé à l’article 5 de l’Accord de Nouméa » en Nouvelle-Calédonie pour « garantir l’intégrité du processus de décolonisation ».
Jusqu’à présent, toute la stratégie onusienne du Tavini Huiraatira était concentrée sur le comité spécial de décolonisation, dont les rapports remontent chaque année à la quatrième commission puis à l’assemblée générale de l’ONU. Depuis la réinscription de la Polynésie sur les territoires non-autonomes en 2013, les résolutions de l’ONU s’enchaînent pour demander à la France de lancer un processus d’autodétermination, via un référendum, dans le pays. Ce que Paris refuse de façon ferme et constante.
Lors de la dernière réunion de la quatrième commission, à New York, l’ambassadeur français avait de nouveau expliqué que l’État travaillait avec la Polynésie à son développement, dans le cadre de son statut d’autonomie, sans que l’ONU n’ait une quelconque place dans cette relation. Une position qui commence à lasser au Tavini Huiraatira. Ces dernières semaines, Moetai Brotherson avait interpellé Paris sur le risque que le parti indépendantiste polynésien choisisse de « s’extraire du processus onusien », et Tony Géros avait confirmé que la base du parti serait « reconsultée » sur la stratégie internationale et pourrait choisir « un positionnement beaucoup plus ferme ».
Charlie René pour Radio 1 Tahiti