Le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) a rendu publique, ce mercredi 24 septembre, sa « déclaration unitaire » d’accès à la pleine souveraineté de Kanaky. Un document auquel se sont notamment ralliés des représentants coutumiers et religieux. Objectif : proclamer l’indépendance « dès que les conditions seront réunies » et « au plus tard avant les élections présidentielles de 2027 ». Explications de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
L’annonce avait été faite aux lendemains de l’insurrection du 13-Mai. Ce mercredi 24 septembre 2025, date anniversaire de la prise de possession par la France en 1853 de la Nouvelle-Calédonie, qui a marqué « plus d’un siècle d’affrontements sanglants entre les chefferies kanak et le colonisateur », le FLNKS a convié la presse pour ouvrir un nouveau chapitre de son histoire en lisant officiellement la déclaration d’indépendance de Kanaky.
Une démarche « unitaire » à laquelle se sont également ralliés le Mouvement nationaliste indépendantiste souverainiste (MNIS), l’Église protestante de Kanaky-Nouvelle-Calédonie (EPKNC) ainsi que les représentants coutumiers réunis au sein de l’instance autochtone de discussion (IAD). Ce document de quatre pages retrace notamment les épisodes les plus sombres du pays, depuis les révoltes de grands chefs jusqu’au code de l’indigénat, périodes marquées par « des massacres et des déplacements de population qui ont totalement déstabilisé la société kanak ».
Dans ce contexte, et alors que la France « n’a jamais assumé ses responsabilités sur la décolonisation », le Front rappelle que le peuple Kanak n’a pas abandonné son droit à l’autodétermination, notamment lors des accords de Matignon, puis de Nouméa. Pour autant, « après trente ans de paix, l’avenir de la Nouvelle-Calédonie s’est assombri », dès 2018, en raison de la stratégie géopolitique française adoptée par le président de la République Emmanuel Macron.
Selon les signataires de la déclaration, « les rivalités des grandes puissances » dans la région, ont « relégué le droit du peuple kanak derrière les intérêts diplomatiques de Paris ». En parallèle, les trois référendums et plus particulièrement la dernière consultation de 2021 (boycottée par le camp indépendantiste) ont « scellé la rupture de confiance avec l’État », « confisquant » par là même l’exercice du droit à l’autodétermination qui « sans le peuple colonisé, n’a aucune légitimité. »
Un climat qui a conduit à l’insurrection du 13-Mai, en « réponse à l’énième passage en force de l’État sur la question du corps électoral ». Cette crise « a mis en lumière la précarité des liens sociaux, les tensions identitaires et le désarroi d’une partie de la jeunesse tout en questionnant notre capacité collective à bâtir un avenir commun ». Des émeutes qui ont « affirmé que le peuple kanak est déterminé et ferme dans sa revendication d’indépendance ».
« S’affranchir de l’économie coloniale de comptoir »
Riches de ces arguments, le Front et ses alliés exhortent la France à « honorer plus que jamais l’engagement pris par la signature de l’accord de Nouméa » qui ne « souffre d’aucune ambiguïté ». Les signataires s’appuient notamment sur le point 5 du préambule de l’accord, stipulant que « l’État reconnaît la vocation de la Nouvelle-Calédonie à bénéficier à la fin de cette période d’une complète émancipation. »
C’est pourquoi, le document « refuse le changement de trajectoire introduit » par la signature de l’accord de Bougival, le 12 juillet dernier (dont le FLNKS s’est finalement retiré), qui « conduit à l’intégration définitive du peuple kanak dans la République française », autrement dit, « à l’assimilation et au néocolonialisme ». D’autant plus que les signataires « considèrent les limites du système économique et social actuel » que les institutions calédoniennes « ne parviennent pas à réformer pour s’affranchir durablement de l’économie coloniale de comptoir. »
« Projet de société inclusif, solidaire et durable »
Le FLNKS et ses alliés « exigent » donc officiellement de la part de la France, ce mercredi 24 septembre 2025, « le respect du processus de décolonisation et l’engagement à faire accéder Kanaky à la pleine souveraineté ». Et ce, dans le cadre des discussions et négociations avec « la puissance administrante » qui doit, par ailleurs, maintenir les élections provinciales en novembre 2025 « au plus tard » en vue de « redonner une légitimité aux représentants de la population au sein des institutions ».
Dans ce contexte, les signataires « déclarent que l’indépendance sera proclamée dès que les conditions seront réunies, au plus tard avant les élections présidentielles de 2027 ». Objectif affiché : « élaborer un projet de société inclusif, solidaire et durable avec la prise en compte de la légitimité coutumière et la souveraineté des chefferies », mais aussi « avec l’ensemble de la société civile et des autorités religieuses ».
Le FLNKS recomposé un an après le retrait du Palika et de l'UPM
Longtemps dirigé par quatre partis historiques, le FLNKS s’est recomposé autour de nouveaux « groupes de pression » intégrés lors du 53e congrès de Pagou, à Koumac, en août 2024. Désormais, le Front est formé de sept composantes : l’Union calédonienne (UC), le Rassemblement démocratique océanien (RDO), le Mouvement océanien indépendantiste (MOI), la Dynamik unitaire Sud (DUS), le Parti travailliste (formation politique de l’USTKE), la Confédération nationale des travailleurs du Pacifique (CNTP) et la Dynamique autochtone (DA).
La déclaration d’indépendance n’implique donc ni le Palika, ni l’UPM, qui se sont retirés du FLNKS en novembre 2024, quelques semaines après que Christian Tein, porte-parole de la CCAT soupçonné d’avoir orchestré les émeutes du 13-Mai, a été désigné président du Front indépendantiste. Le Palika estimait alors que le format proposé par le FLNKS, « instrumentalisé par certaines composantes », ne permet plus de porter convenablement son projet politique phare : l’accession à l’indépendance avec partenariat.
Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes