Nouvelle-Calédonie :  Quel rôle pour l'énergie photovoltaïque dans la transition énergétique calédonienne ?

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Nouvelle-Calédonie :  Quel rôle pour l'énergie photovoltaïque dans la transition énergétique calédonienne ?

La Nouvelle-Calédonie compte aujourd’hui parmi les 10 plus gros émetteurs de CO2 par habitant par an. Dans le cadre de la révision du Schéma de transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie (STENC), Christopher Gygès, membre du gouvernement en charge de l’énergie, a présenté, jeudi dernier, une nouvelle version comportant une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 70% d’ici 2035 pour le territoire. Et le photovoltaïque pourrait y jouer un rôle majeur. Eclairage avec notre partenaire Actu.NC
 

«La transition énergétique concernera nos enfants et petits-enfants », déplore le Collectif de Mobilisation intergénérationnelle pour l’avenir (MIA). Si le projet de remplacement de la centrale thermique de Doniambo est sur la table depuis une douzaine d’années, aucune solution n’est encore actée. Alors que l’option solaire a été écartée, fin 2020, par les actionnaires de NCE (Nouvelle-Calédonie Energie), le choix du photovoltaïque semble pourtant, aujourd’hui, la meilleure des options.

Selon un rapport mondial en 2017, le Qatar, les Emirats arabes unis, l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis ou encore l’Australie... tous faisaient partie des plus gros émetteurs de CO2 par habitant par an. Logique puisque ce sont des pays producteurs de pétrole. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est la présence de la Nouvelle-Calédonie dans ce classement (6e).

Des raisons expliquent néanmoins son intégration à ce palmarès. La partie prépondérante de la consommation en Nouvelle-Calédonie est évidemment liée au nickel. Sur l’énergie global, la métallurgie et les mines (de nickel) représentent un peu plus de 60% de l’énergie totale du territoire calédonien. De plus, la métallurgie est très consommatrice d’électricité notamment à travers les fours électriques, représentant 76% de l’énergie. Alors pourquoi ne pas tendre Vers un modèle plus vert en misant sur le photovoltaïque ?

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Un panorama métamorphosé depuis 5 ans

Cette empreinte carbone peut être diminuée en investissant dans des centrales photovoltaïques adossées à des batteries pour le stockage, ce qui permettrait, en partie, de décarboner la production d’or vert et d’obtenir un nickel propre. Entre les directives européennes de la COP21 prônant -30% de gaz à effet de serre sur les industries, nos industriels ne semblent pas eN capacité de répondre à ces exigences, encore moins pour le 0% en 2050. « Si nous faisons l’investissement de l’usine à gaz, nous ne serons pas en capacité de répondre à ces exigences », affirme Joël Kasharérou, président de Construire autrement.

Il y a 20 ans, la Nouvelle-Calédonie ne produisait de l’énergie qu’à partir du fossile, « il n’y avait pas d’autres réponses sérieuses », assure un acteur du dossier. En effet, les énergies renouvelables (EnR) de l’époque étaient alors très coûteuses. Toutefois, le panorama s’est complètement métamorphosé depuis 5 ans. Aujourd’hui, les prix du kilowatt-heure d’électricité (kWh) en Calédonie ont été divisés par 10. Ils sont passés de 30 francs CFP au début des années 2000 à 3,3 francs CPF actuellement. Un changement dû notamment au développement des EnR à grande échelle et de l’implication de la Chine dans ce marché. Dans les hypothèses émises par les spécialistes ces derniers mois, le prix du kilowatt-heure devrait encore baisser. En Europe d’ailleurs, dans des pays qui ont un ensoleillement comme la Calédonie – au Sud du Portugal par exemple – le kilowatt-heure est à 1,7 francs CFP.

Pour le développer, il est important d’avoir des facteurs associés à un foncier disponible important. « Le ratio est à peu près d’un méga-watt pour un hectare », explique une source proche du dossier. Si pour plusieurs territoires d’Outre-mer la surface manque, la Nouvelle-Calédonie, elle, peut se targuer d’avoir de grands espaces. Une aubaine pour le développement du photovoltaïque.

Un tournant politique et financier

Reste encore à savoir comment gérer l’intermittence du photovoltaïque. Deux solutions sont techniquement accessibles aujourd’hui : l’énergie fossile, en complément du photovoltaïque, ou le stockage par des batteries – au lithium qui peuvent durer 20 ans et sont recyclables (comme au Canada). Toutefois, ces deux solutions sont antagonistes. A la Nouvelle-Calédonie de choisir la meilleure des solutions.

En outre, selon les spécialistes, il semblerait que ce soit le moment opportun de franchir le pas du solaire. En décembre 2017, la plus grosse centrale photovoltaïque au monde produisait 100 méga-watt-heure. Or, les capacités de stockage se sont développées avec des centrales qui ont multiplié par 12 le nombre de méga-watt-heure stockés avec comme exemple la Californie (1 200 méga-watt-heure).

Un tournant politique et financier est donc en cours dans plusieurs pays. Sur le plan mondial, de grands mouvements prônent le verdissement de l’économie et en particulier la transition énergétique dans le domaine électrique. Les banques se mettent également à faire de la publicité sur le vert avec notamment la « Bank of Australia ». « Venez chez nous parce que nous nous ne prêtons plus à l’industrie fossile et nous sommes d’accords pour dire qu’il y a une crise climatique ! ». Un slogan que l’on peut retrouver sur les abribus à Sydney. En Europe, le directeur général de la Banque européenne d’investissement appelait à une fin des investissements dans l’énergie fossile, en janvier dernier.

Une énergie photovoltaïque compétitive et responsable

Pour le collectif MIA, il existe donc une convergence politique, des ONG environnementales et une attente sociale forte. « La métallurgie SLN n’aura une existence dans le temps que si elle fait cette transition EnR. C’est aussi un enjeu industriel », confirme Christian Collot, membre du collectif. En France, le plan ‘‘France relance’’ a été élaboré afin de donner la priorité au verdissement de notre économie, à la défense de la compétitivité des entreprises et au renforcement de la cohésion sociale et territoriale. Un plan ambitieux en faveur des énergies renouvelables semble cocher ces 3 cases. Le stockage pourra se situer en brousse, générant une activité territoriale intéressante, des emplois, des filières créées.

La Nouvelle-Calédonie a choisi la voie du charbon, il y a une quinzaine d’années. Un choix industriel, économique et environnemental qui s’est révélé décevant. Le photovoltaïque – associé à des solutions de stockage – permettrait de développer un nickel vert à la fois compétitif et responsable puisqu’il est l’énergie la moins chère et la moins polluante au monde. C’est la seule chance de conserver une métallurgie du nickel sur le territoire calédonien en résistant à la concurrence de pays comme l’Indonésie et les Philippines. NCE, qui gère le remplacement de la centrale, doit annoncer en septembre
les vainqueurs de l’appel d’offres. Et les acteurs concernés de décider de l’avenir du Caillou.

Prony Resources lance la tendance solaire

L’usine du Sud a l’ambition d’atteindre le zéro carbone d’ici 2040. Elle s’appuiera pour cela sur une ferme solaire de 200 mégawatts (MW) qui fournira l’énergie nécessaire au site hydrométallurgique d’ici 2025. Un site de stockage sera adossé à cette installation. Les premiers panneaux photovoltaïques seront pour leur part installés d’ici 2022. De nouveaux procédés industriels moins polluants devraient également voir le jour, sous l’impulsion des partenaires et investisseurs du consortium (Tesla, Trafigura) et pour répondre aux normes de l’Union européenne.



Hugo Coeff