Nouvelle-Calédonie : Pour Jean-François Merle, le maintien du référendum au 12 décembre est « une aventure incertaine »

Nouvelle-Calédonie : Pour Jean-François Merle, le maintien du référendum au 12 décembre est « une aventure incertaine »

Le Conseiller d’État honoraire et ancien Conseiller technique Outre-mer de Michel Rocard, Jean-François Merle, a publié une longue tribune sur le choix du gouvernement d’avoir maintenu le référendum d’indépendance en Nouvelle-Calédonie au 12 décembre, qualifiant ce choix d’ « aventure incertaine ».

« En décidant de maintenir au 12 décembre prochain le troisième et dernier référendum d’autodétermination prévu par l’accord de Nouméa, Emmanuel Macron vient d’engager la Nouvelle-Calédonie dans une aventure incertaine » a écrit ce proche de l’ancien Premier ministre Michel Rocard. En tant que Conseiller technique chargé de l’outre-mer, Jean-François Merle a notamment suivi la négociation et la mise en œuvre de l’Accord de Matignon sur la Nouvelle-Calédonie en 1988. 

Pour Jean-François Merle, qui défend l'idée d'une indépendance-partenariat entre la Nouvelle-Calédonie et la France, « le choix du 12 décembre (contribue) à replacer la Nouvelle-Calédonie au nombre des enjeux de l’élection présidentielle », alors qu’en 1988, « Michel Rocard avait demandé aux participants de prendre l’engagement solennel que, dans les années futures, où que se trouvent les uns et les autres, ils agissent pour que, plus jamais, la Nouvelle-Calédonie ne soit un enjeu de politique intérieure ». 

L’ancien Conseiller salue ainsi l’engagement, et le « bon sens », de l’ancien Premier ministre d’Édouard Philippe, en 2019, de ne pas organiser le 3ème référendum « entre le milieu du mois de septembre 2021 et la fin du mois d’août 2022 », respectant ainsi « la continuité politique » qui est « de bien distinguer les échéances électorales nationales et celles propres à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie ». « Pendant trente-trois ans, les grands partis de gouvernement et les principaux leaders politiques y ont été fidèles » insiste Jean-François Merle, selon qui « aucune explication convaincante n’a été donnée pour justifier ce revirement par rapport à la sage position énoncée par Édouard Philippe ».

Selon lui, la récente crise sanitaire se heurte à « la pleine reconnaissance de l’identité kanak » inscrite dans l'accord de Nouméa. S’il souligne le taux de vaccination qui dépasse les 60% et le taux d’incidence en baisse constante, Jean-François Merle évoque toutefois « les rituels de deuil » kanak pour étayer sa critique sur le choix du 12 décembre. « Pour l’immense majorité des personnes concernées par ces décès, l’heure n’était pas à la campagne électorale – quelle que soit l’importance de la revendication d’indépendance », explique le Conseiller d’État qui rappelle que « près des deux tiers des morts appartiennent aux communautés océaniennes, kanak et Wallisiens ».

« Dans le rapport particulier au temps qui est celui des cultures océaniennes, celui du deuil l’emporte sur celui de la politique » a-t-il poursuivi, regrettant « la façon désinvolte – sinon condescendante – avec laquelle a été accueillie la demande des partis indépendantistes ou du Sénat coutumier de différer le scrutin en raison des conséquences de la pandémie sur l’organisation des deuils kanak montre que cette reconnaissance n’est pas encore partagée par tous ». « La « pleine reconnaissance » de l’identité kanak eût consisté à marquer que l’on avait compris cette signification et qu’on la traitait avec respect. Il manquait un président croyant aux forces de l’esprit… », a ajouté Jean-François Merle.

Il ajoute également que « l’argument selon lequel, en démocratie, les élections se font à la date prévue (avancé par Sébastien Lecornu, ndlr) ne parvient pas à convaincre, car il est quand même paradoxal de noter qu’en 2020, le deuxième tour des élections municipales a été reporté de mars à juin, par mimétisme avec l’Hexagone alors que la Nouvelle-Calédonie se trouvait « Covid free », tandis que là, en pleine pandémie qui, même en régression, est loin d’être maîtrisée et qui en tous cas ne permet pas une campagne électorale « normale », on se refuse à reporter le scrutin ».

La non-participation des indépendantistes au référendum « ne prouvera rien » et ne « règlera rien » estime encore Jean-François Merle, s’interrogeant sur « sa légitimité politique ». « La période qui s’ouvrira le 13 décembre est donc à hauts risques », entrevoie encore Jean-François Merle, regrettant également que « l’image de la France sur le plan international n’en sortira pas grandie ».