Le fondateur de l’Union syndicale des travailleurs Kanak et des exploités (USTKE) et du Parti travailliste, est décédé ce jeudi 20 octobre à Paris des suites d’une longue maladie, a finalement confirmé la famille du défunt après plusieurs heures de doute. Âgé de 71 ans, il était une figure des luttes indépendantistes et syndicales kanak.
Originaire de Tiga et connu pour ses méthodes parfois jugées radicales, à la fois par ses pairs indépendantistes et les non-indépendantistes calédoniens, Louis Kotra Uregei a débuté son action militante aux côté des Foulards rouges, mouvement pionnier de la revendication kanak fondé par Nidoïsh Naisseline en 1969. La trentaine et alors membre de la Fédération des Fonctionnaires, il fonde l’USTKE en décembre 1981. En 1984, le syndicat est une des composantes fondatrices du FLNKS mais en 1989, l'USTKE quitte le front indépendantiste en raison de la séparation du syndicalisme et de la politique.
C'est au début des années 2000 que Louis Kotra Uregei, et par prolongement l'USTKE, s'éloigne du FLNKS, se rapprochant des organisations altermondialistes comme la Confédération paysanne de José Bové. En 2007, Louis Kotra Uregei fonde le Parti travailliste, émanation politique du syndicat, qui reste en marge du FLNKS. Élu des Îles Loyauté, Louis Kotra Uregei a aussi siégé au Congrès de 2009 à 2019, date à laquelle il démissionne de ses mandats. Il fut notamment vice-président de la commission des infrastructures publiques et de l’énergie et la présidence de la commission des sports.
En 2020, Louis Kotra Uregei uni son parti avec le Mouvement nationaliste, indépendantiste et souverainiste (MNIS) pour former le Mouvement nationaliste pour la souveraineté de Kanaky (MNSK) dont il avait été élu à la présidence. Cette alliance s’est posée comme une « alternative » à l’historique FLNKS, notamment dans le dialogue avec Paris. Le MNIS quittera finalement cette alliance à la veille des Législatives de 2022.
Lors du premier référendum d’indépendance en 2018, le Parti travailliste de Louis Kotra Uregei s’était positionné sur une non-participation, puis avait finalement fait campagne au second référendum. Et comme l’ensemble des organisations politiques, coutumières et sociales indépendantistes, il avait appelé à la non-participation au dernier référendum. Acteur politique incontournable en Nouvelle-Calédonie, Louis Kotra Uregei fut, à 37 ans, signataire de l'accord de Matignon-Oudinot, en tant que chef de l'USTKE.
« Une grande perte pour la Nouvelle-Calédonie »
« Il laisse une empreinte impérissable » a réagi le président UC-FLNKS du Congrès, Roch Wamytan. Louis Kotra Uregei « n’a cessé d’œuvrer tout au long de sa vie pour la construction du pays, tant au niveau politique que syndical. L’intransigeance et la radicalité dont il faisait preuve dans tous ses combats était redoutée par ses détracteurs et admirée par ses camarades, une volonté de fer qui a, à maintes reprises, contribué à la justice sociale ». Regrettant « une grande perte pour la Nouvelle-Calédonie », Roch Wamytan souligne cette « voix du pays » qui « s’est éteinte, laissant derrière elle un silence assourdissant ».
Dans un communiqué, l’Union Calédonienne (UC) a rendu hommage à « un dirigeant indépendantiste, qui ne mâche pas ses mots et qui n’a pas froid aux yeux », « et qui savait rappeler à la génération de leaders d’aujourd’hui où et comment il avait fallu se battre pour se faire entendre sur la scène nationale et internationale ». Le président de la province des Îles Loyauté, Jacques Lalié, souligne « une source d’inspiration » et « un combattant de la liberté, de la tolérance et du dialogue ». « Il fut aussi un farouche promoteur de l’accession des Kanak et des océaniens aux postes de responsabilités ici au Pays », rappelle de son côté Victor Tutugoro, membre du bureau politique du FLNKS et président de l’UPM.
La Fédération des Fonctionnaires a salué « l’impulsion apportée au syndicalisme (…) émanant de ses actions de terrain pour la mise en place des comités d’entreprises ». « L’histoire retiendra qu’il fut un homme convaincu » a écrit la province Sud, dirigée par la loyaliste et secrétaire d’État Sonia Backès. « Au fil des ans, le syndicaliste radical qu’il fut, laissa place à l’élu de la province des Îles et du Congrès, avec lequel des voies de discussion furent possibles ». « Malgré notre forte opposition politique, je garderai le souvenir de relations toujours respectueuses » abonde Thierry Santa, chef de file du Rassemblement-LR. Le Haut-commissaire a lui salué le « militant engagé et homme de conviction ».
De l'autre côté du Pacifique, le fondateur du parti indépendantiste Tavini Huira'atira, Oscar Temaru, a rendu hommage au « sage » et au « compagnon de lutte » qui a « toute sa vie durant, combattu pour le bien-être du Peuple Kanak ». Pour Oscar Temaru, ami de Jean-Marie Tjibaou, Louis Kotra Uregei est « un modèle pour notre propre combat et une inspiration pour la libération de Ma’ohi Nui ».