Cela n’était pas arrivé depuis 1982 : un indépendantiste a été élu à la tête du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Louis Mapou, membre de l’exécutif pour le groupe UNI, a été élu avec six voix sur onze, grâce à un accord trouvé avec l’autre groupe indépendantiste UC-FLNKS.
« C'est un honneur et un privilège. On doit porter un héritage qui est lourd, celui de notre figure de proue, Jean-Marie Tjibaou », a déclaré Louis Mapou après son élection, rendant ainsi hommage au dirigeant kanak assassiné en 1989. De 1982 à 1984, Jean-Marie Tjibaou avait été élu vice-président (donc chef effectif) du Conseil du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Louis Mapou demeure le premier indépendantiste Kanak à la tête du gouvernement collégial calédonien depuis l’accord de Nouméa (1998).
Louis Mapou, 62 ans, a obtenu six votes parmi les onze membres du gouvernement : les trois voix de son parti, l'Union nationale pour l'indépendance (UNI) et les trois voix de l'autre branche du FLNKS, l'Union Calédonienne (UC). Le loyaliste Thierry Santa, président sortant, a remporté quatre suffrages et le membre du gouvernement issu du parti de centre droit, Calédonie ensemble, a voté blanc.
Pour l'heure, le gouvernement calédonien n'a pas de vice-président, fonction généralement dédié à la partie adverse. Les non indépendantistes de l'Avenir en Confiance ont refusé cette élection, estimant que « les partisans du Non ont été majoritaires lors des deux derniers scrutins, les indépendantistes ont fait le choix de rompre les équilibres institutionnels à quelques mois de la fin de l’Accord de Nouméa ».
Le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu a adressé « ses félicitations républicaines » à Louis Mapou et l'a invité pour une rencontre prochainement à Paris ou en visioconférence pour évoquer, entre autres, la crise sanitaire et « les difficultés structurelles des finances publiques calédoniennes ». L’État a notamment acté une aide exceptionnelle de 82 millions d’euros à la Nouvelle-Calédonie pour soutenir la stratégie sanitaire de l’archipel qui devrait rester fermer jusqu’à la fin de l’année.
Cette élection, remportée pour la première fois par un kanak, met fin à une crise institutionnelle de plus de cinq mois durant laquelle le 17e gouvernement de l'accord de Nouméa, élu le 17 février, n'a pu entrer en fonctions car les frères ennemis du FLNKS -l'UNI et l'UC- se disputaient la présidence, entre Louis Mapou d’un côté et Samuel Hnepeune pour l’UC, qui devrait finalement démissionner de l’exécutif. Un accord a finalement été trouvé la semaine dernière : l’UNI prendrai la tête du gouvernement tandis que l’UC, en la personne de Roch Wamytan, garderai la présidence du Congrès.
Toutefois, l’Éveil océanien, partenaire de l’UC au Congrès et qui avait soutenu Roch Wamytan en 2019 et 2020, a annoncé son soutien à une candidature non indépendantiste dans un souci de « partage des compétences » et de « rééquilibrage politique ». Virginie Ruffenach, membre du Rassemblement-LR et chef du groupe Avenir en Confiance au Congrès, a d’ores et déjà annoncé sa candidature. Une initiative qui n’emporte pas l’adhésion de l’autre groupe non indépendantiste Calédonie ensemble, qui dénonce une « déclaration unilatérale (…) au mépris des autres formations politiques ».
Cette élection du président du gouvernement calédonien intervient quelques jours avant le renouvellement du Congrès de l’archipel, prévu fin juillet, et à quelques mois seulement du troisième et dernier référendum d’indépendance de l’accord de Nouméa, fixé au 12 décembre.