Nouveaux rebondissements autour du pacte du nickel, décidément loin de faire consensus. Alors que les élus du Congrès étaient réunis, ce mercredi, pour approuver ou non ce document, les groupes Calédonie ensemble, UNI, UC-FLNKS et Éveil océanien ont déposé une motion préjudicielle pour « ajourner ces débats » tant que le pacte ne sera pas renégocié avec l’État. Sauf que le président du gouvernement Louis Mapou a estimé que la Nouvelle-Calédonie « doit signer » ce document, avec ou sans la majorité de l’hémicycle du boulevard Vauban. Explications de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
Après de nombreux reports, l’examen du pacte du nickel était enfin à l’ordre du jour, ce mercredi 3 avril, de la séance publique du Congrès pour que les élus habilitent, ou non, le président du gouvernement Louis Mapou à le signer à Paris. Un document crucial puisqu’il pose la stratégie, négociée depuis plusieurs mois entre les responsables politiques, les industriels et l’État, censée assurer la pérennité et la rentabilité de l’industrie métallurgique du Caillou. Sauf que ce pacte du nickel est loin de faire consensus.
À l’image de ce nouveau rebondissement : les groupes Calédonie ensemble, UC-FLNKS, UNI et Éveil océanien, ont déposé une motion préjudicielle, qui vise à ajourner le débat autour de ce document. Ces élus pointent notamment que ce pacte ne comprend « aucun engagement fort » des industriels et des actionnaires, alors qu’il « impose » à la Nouvelle-Calédonie « des efforts substantiels en matière minière et fiscale » ainsi qu'aux Calédoniens à travers une contribution financière à hauteur de 8 milliards de francs par an (financés par la réforme de la TGC) « afin de se substituer aux actionnaires et aux usines ».
« Être partie prenante de la politique nationale et européenne »
Dans ce contexte, l’intergroupe Calédonie ensemble, UC-FLNKS et Éveil océanien, et UNI, propose que ce pacte soit renégocié « conformément à la perspective tracée par le président de la République » pour s’inscrire dans le cadre du plan France 2030 afin de « donner les moyens nécessaires » à l’industrie métallurgique calédonienne « d’être partie prenante » de la politique nationale et européenne.
C’est pourquoi ces élus considèrent que le pacte du nickel doit être « pleinement intégré à l’accord politique global » sur l’avenir institutionnel du pays car sur ce sujet-là également « le consensus demeure garant de la stabilité de notre pays ». Pour l’intergroupe, qui a rédigé et lu un long argumentaire de huit pages, « il est donc absolument nécessaire » que ce pacte soit renégocié avec l’État avant qu’il ne soit examiné par le Congrès.
« Les Calédoniens attendent de nous du courage »
De son côté, Sonia Backès, au nom des Loyalistes-Le Rassemblement, balaie d’un revers de manche ces arguments. « Il y a urgence. Les Calédoniens, dont les 13 200 familles qui travaillent et dépendent des usines, attendent de nous du courage et que nous prenions nos responsabilités », martèle la présidente de la province Sud qui tient à préciser que l’État « ne vient pas voler le nickel calédonien, mais propose plusieurs dizaines de milliards pour sauver les usines avec des contreparties, dont la rentabilité des entreprises. »
Sonia Backès demande ainsi à habiliter le président du gouvernement à le signer, ou alors à ce que le chef de l’exécutif le fasse, lui qui en a la compétence seul. Pour mémoire, initialement Louis Mapou avait indiqué qu’il ne le signerait pas sans un vote favorable à la majorité des élus du Congrès.
« De quoi avez-vous peur ? »
Sauf que le chef du gouvernement a finalement changé de position et annoncé devant l’hémicycle : « nous devons signer ce pacte », qui est « un accord de court terme » car « ce sont des orientations ». Louis Mapou rappelle que depuis sa prise de fonction « je ne suis pas là pour quémander en tant qu’indépendantiste dans un processus d’émancipation. »
Le chef de l’exécutif s’adresse ainsi à l’alliance à l’origine de la motion préjudicielle. « Vous êtes sûrs de votre coup ? Le moindre mal, c’est de disposer de ce pacte pour gérer la difficulté et je souhaite que vous m’habilitiez à le signer », insiste Louis Mapou. « L’analyse de cette motion, je la partage, mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Autorisez-moi à y aller. De quoi avez-vous peur ? De nos militants ? Rien ne nous engage (à cette signature). Si le mouvement indépendantiste ne veut pas me soutenir, je prendrai mes engagements auprès du gouvernement central en tant que président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. »
Scène pour le moins rare, la prise de parole et de position de Louis Mapou a été applaudie par le camp Loyalistes-Le Rassemblement.
Nouveau rendez-vous la semaine prochaine ?
Pour autant, comme la commission plénière autour du pacte, censée se réunir le mardi 2 avril, avant cette séance publique, a été annulée, ce texte ne peut pas être voté. « Si le texte ne peut pas être voté aujourd’hui, comment cela se fait-il qu’il est présenté en séance publique et qu’il n’a pas été retiré de l’ordre du jour » s’interroge, passablement agacé, le député Nicolas Metzdorf. « Une impasse juridique » se sont justifiés les services du Congrès face à un cas qui soulève « des difficultés » et pour lequel « il n’y a pas de bonne solution ».
La motion préjudicielle a donc finalement été votée avec 34 voix pour (groupes Calédonie ensemble, UC-FLNKS, UNI et Éveil océanien) et 18 voix contre (Loyalistes-Le Rassemblement). Le débat est donc renvoyé devant la commission plénière « qui pourrait se tenir rapidement », assure le président du Congrès Roch Wamytan. Objectif affiché : l'organiser d'ici la semaine prochaine.
Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes