Pour le monde économique néo-calédonien, en quête de stabilité, ce n'est pas tant le résultat du troisième référendum d'autodétermination prévu dimanche qui importe, mais ce qui se passera le jour d'après.
L'accord de Nouméa de 1998, qui organise l'émancipation progressive de l'archipel, a prévu une série de trois référendums d'autodétermination, dont le dernier aura lieu le 12 décembre. Mais les indépendantistes ont appelé à bouder ce dernier référendum, invoquant l'impossibilité d'organiser « une campagne équitable » alors que l'archipel est touché depuis septembre par une épidémie de Covid-19.
« Le monde économique a souhaité maintenir cette date parce que la situation est assez difficile en ce moment », explique le président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) David Guyenne. « Ce qui nous importe le plus, c'est ce projet qui va se faire après le référendum, plus que le référendum en soi, car on est tous sur la même pirogue et on gagnera tous ensemble ou on perdra tous ensemble », dit-il. « Ça fait trois ans que les référendums et les campagnes électorales s'enchaînent et ça a un impact sur l'économie, sur la visibilité qu'ont les chefs d'entreprise par rapport à leurs investissements, à leur clientèle », poursuit-il.
« Depuis trois ans, on a perdu 10 000 personnes, et 15 000 personnes nettes en dix ans. C'est 6% de Calédoniens qui sont partis et ça impacte la consommation, les investissements, le moral des chefs d'entreprise », assure encore David Guyenne, soulignant « une période d'incertitude institutionnelle et de questionnement des Calédoniens ». « Le secteur du BTP est au point mort et le tourisme au fond du trou dans un contexte de Covid », ajoute-t-il.
Perspectives d'avenir
« Le chiffre d'affaires du BTP, c'est 60% du privé et 40% du public », mais « tout s'est figé dans l'attente de ce troisième référendum », « c'est un arrêt quasi global de tous les investissements du privé », que ce soient les villas individuelles, la promotion immobilière ou les opérateurs miniers, confirme Silvio Pontoni, gérant d'une entreprise de BTP et membre du Medef. « Nous avons besoin de visibilité sur un minimum de deux ans, trois ans, alors que là on a des carnets de commandes à trois mois. Pour des entreprises comme les nôtres, ce n’est juste pas possible », raconte-t-il.
Cela pousse certaines entreprises à s'interroger sur leur futur en Nouvelle-Calédonie. Alors que l'économie de l'île est déjà touchée de plein fouet par la crise sanitaire, « des entreprises qui sont prêtes à arrêter me disent : ‘Si après le 12 décembre j'ai des perspectives d'avenir, je vais réinvestir dans le territoire. Si j'en n’ai pas, je ferme ma boite, je pars et je licencie mon personnel’ », prévient Yann Lucien, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CGPME).
« La principale question que se posent les entrepreneurs c'est : qu'est-ce qu'on fait l'année prochaine si les indépendantistes ne veulent pas travailler avec les loyalistes pour écrire le destin commun ? », ajoute-t-il. Sur ce territoire où le tissu économique est formé à plus de 90% de TPE-PME, « si les indépendantistes ne se mettent pas autour de la table dans les mois qui viennent pour qu'on écrive cette feuille de route, il y a une partie des TPE-PME et des artisans qui vont cesser leur activité et ça va être des milliers d'emplois de perdus », assure Yann Lucien.
Pour ne pas arriver à ce scénario catastrophe, « le monde économique, réuni dans le collectif NC Eco, a essayé de voir comment rebondir, et préparer la Nouvelle-Calédonie de demain. Ce qui se fera forcément par un travail sur l'économie, la prospérité, le social et le sociétal », selon David Guyenne. Le président de la CCI estime que « quand on parle d'institutions, on clive les Calédoniens, on oppose des blocs politiques, des blocs parfois ethniques, alors que quand on parle d'économie et quand on parle de société, on est plus dans le vivre-ensemble concret ».
Avec AFP.