Invitée de nos confrères et partenaires de NC News, Mimsy Daly, Présidente du Medef-NC, s’est exprimée sur la situation économique du territoire, alors que l’horizon se dégage du point de vue de la crise sanitaire, mais s'assombrit en raison des répercussions du conflit en Ukraine. Une constante demeure selon la présidente du réseau d’entrepreneurs, la relance économique est nécessaire.
Interviewée par NC News, la présidente du Medef-NC est revenue sur plusieurs points économiques du territoire, qui a connu de nombreux événements au cours des deux dernières années. Entre référendum et crise sanitaire, c’est maintenant une potentielle crise sur le prix des matières premières liée au conflit ukrainien qui s’annonce, alors que le territoire doit trouver sa voie, institutionnelle et économique, qui augure des changements importants. Plusieurs thèmes ont été abordés lors de l’échange.
Vers la fin d’une crise sanitaire
La récente levée de l’obligation vaccinale, actée le 24 février au Congrès, a été reçue avec un grand soulagement par les entreprises du territoire.
« On attendait avec impatience qu’une décision soit prise à ce niveau-là, puisqu’on avait une deadline au 28 février sur cette obligation vaccinale, notamment pour les secteurs dit « sensibles », avec des sanctions non-prévues et en discussion. Sanction n’est pas le terme exact, c’était plutôt des interruptions du contrat de travail en cas de non-vaccination, ce qui posait un certain nombre de problèmes aux entreprises, il faut être très clair. Donc oui, bien sûr, la levée de l’obligation vaccinale s’accompagne d’une levée de contraintes pour l’entreprise, et on ne peut que s’en satisfaire ».
Une amélioration qui ne signifie pas pour autant la fin des contraintes, puisque certaines mesures restent de mise, entre septaine, port du masque, ou encore durée des arrêts de travail liés au Covid, jugés « trop longs » par l’organisation patronale.
La levée de ces mesures serait, selon Mimsy Daly, une « question de cohérence. Une des principales contraintes qui reste encore, ce sont les jauges, qui affectent directement plusieurs secteurs. La restauration, les bars, les salles de sport, qui se retrouvent contraints de limiter l’accès à leurs établissements de façon assez importante, avec des impacts forts sur leurs chiffres d’affaires ».
Pour en finir avec ces freins aux entreprises, il s’agirait de réaliser une évaluation sanitaire claire, selon la présidente du Medef-NC, notamment de la part des services de la Direction des Affaires Sanitaires et Sociales (DASS).
La retraite de 60 à 62 ans
Le territoire a récemment acté un report de l’âge de départ à la retraite, qui passera de 60 à 62 ans par tranches progressives de 6 mois. Une mesure prise face à une situation de grande difficulté rencontrée par la Caisse de Compensation des Prestations Familiales, des Accidents du Travail, et de prévoyance des travailleurs (CAFAT).
Déficitaire de 7 milliards de Francs CFP (58,8 millions d’euros) en 2021, avec bilan prévisionnel identique pour l’année 2022, le système « allait dans le mur » selon la présidente du Medef-NC.
La décision est donc bien accueillie pour les entreprises, et l’organisation patronale attend que cette dernière, valable aujourd’hui pour le secteur privé, soit également appliquée au secteur public.
Cependant, il ne s’agit pas d’une solution définitive selon Mimsy Daly :
« Pour autant, les grandes tendances démographiques, l’allongement de la durée de vie, l’augmentation des salaires et des droits à la retraite, font que, il va falloir régulièrement se reposer la question de la pérennité du système ».
La dépense publique, talon d’Achille du territoire
Autre grand sujet propre au territoire, son importante dépense publique. Une question connue de longue date en Nouvelle-Calédonie, récemment ravivée par la visite du président de la Fédération des Entreprises des Outre-mer (FEDOM), qui pointait du doigt une dépense publique excessive.
Un point de vue partagée par le Medef-NC :
« Oui, on a été amené à le dire plusieurs fois, notamment quand on envisage une réforme fiscale pour la Nouvelle-Calédonie, c’est la soutenabilité de notre modèle. Aujourd’hui la dépense publique c’est plus de 60% de notre PIB, ce qui dans une économie autonome imposerait des taux de prélèvement obligatoire de plus de 60% du PIB, ce qui n’est pas tenable ».
La question de la dépense publique et de sa réduction est un enjeu crucial selon la présidente de l’organisation patronale, notamment dans un cadre du transfert des compétences. Une « remise à plat » de tout le système est nécessaire et « l’impôt ne peut pas tout régler ».
Les concertations sont en train de se mettre en place entre le gouvernement, le congrès, les acteurs économiques et les partenaires sociaux : « Nous avons bon espoir que dans les semaines qui viennent ce dialogue se poursuive et que la réforme fiscale fasse l’objet d’une véritable réflexion sur ces impacts économiques notamment ».
La lutte contre les inégalités au cœur du projet de territoire
Axe défendu par les institutions, la lutte contre les inégalités est une nécessité pour le développement du territoire. Selon Mimsy Daly, « la première inégalité c’est celle de l’emploi. Le taux d’emploi en Nouvelle-Calédonie est trop faible, il est de 10 points inférieur à ceux de pays à PIB et richesse comparable, donc il faut trouver les ressorts de la relance de l’emploi sur notre territoire ».
Un autre axe de développement important dans ce domaine pour le Medef-NC est la réduction des inégalités fiscales, afin d’équilibrer le soutien à l’économie, et faire en sorte d’éviter que ce dernier « ne concerne que fortement certains secteurs au détriment d’autres ».
La relance économique par l’investissement
Après deux années de crise sanitaire et économique, et dans un contexte d’incertitudes au regard de la situation géopolitique européenne, la relance de l’économie Calédonienne est au cœur des réflexions. Selon le Medef-NC, une clé majeure de cette problématique est la question de l'investissement public et privé. Un domaine étroitement lié aux questions fiscales.
« Le sujet fiscal est fondamental et notamment parce qu’il est nécessaire de relancer l’investissement en Nouvelle-Calédonie, ce n’est pas que l’investissement public, mais aussi attirer l’investissement privé, qu’il soit intérieur ou extérieur, et cela suppose un contexte favorable aux investisseurs et on considère qu’on n’est pas encore totalement là ».
Un autre point capital dans ce contexte est celui de l’emploi. En dehors des questions d’inégalité évoquées, les acteurs économiques du territoire relèvent de fortes tensions en matière de recrutement et de compétences dans certains secteurs.
Mimsy Daly relève tout particulièrement des carences dans les secteurs du tourisme, du médical, de l’audit, des finances, de la comptabilité.
L’accès à cette compétence est primordial et la réouverture des frontières à l’issue de la crise sanitaire est une première bonne nouvelle afin de permettre l’obtention de compétences dans l’Hexagone. Mais selon la présidente du Medef-NC, il s’agit également de travailler au développement de formations au sein même du territoire afin de faire face à cette problématique.
Le projet institutionnel, grande inconnue pour le monde économique
Alors que le référendum de projet institutionnel pour la Nouvelle-Calédonie est prévu à l’horizon de juin 2023, des changements importants pourraient impacter l’organisation et le cadre même du monde économique Calédonien. Des questions et discussions pour lesquelles le monde économique calédonien souhaitent être partie-prenante, mais qui, aux vues du calendrier, inquiètent l’organisation patronale.
« Je vous dirais qu’on est un peu inquiet sur le planning pour être très franc, puisque les discussions semblent repoussées déjà à l’échéance des présidentielles, que derrière il restera un an pour déterminer ce projet institutionnel, et qu’aujourd’hui, il n’y a pas de méthode réelle qui nous est proposé, ni pas l’Etat ni par l’exécutif au niveau local ».
Si le Medef-NC souhaite intégrer les débats, il s’agit d'abord d’avoir une visibilité sur le calendrier, selon Mimsy Daly, qui déplore : « aujourd’hui, on n'en a pas ».
« On n'est pas très au clair sur la façon dont ce projet va se dessiner, et s'il doit être mis au vote des calédonien en juin 2023, il me semble qu’on est assez loin d‘avoir des pistes qui se dégagent, ou en tout cas une méthode qui permette de contenter tout le monde ».
Damien Chaillot