Nouvelle-Calédonie : « En 2026, Ducos deviendra le premier marché 100 % local du pays », assure Jean-Christophe Niautou

©Anthony Tejero / Les Nouvelles Calédoniennes

Nouvelle-Calédonie : « En 2026, Ducos deviendra le premier marché 100 % local du pays », assure Jean-Christophe Niautou

L’annonce est tombée ce samedi 11 octobre. À partir de 2026, le marché de Ducos ne proposera plus que des étals « 100 % locaux ». Objectifs : permettre à davantage de producteurs de réduire les intermédiaires et donc de mieux vivre de leur travail, favoriser les cultures alternatives en période creuse et faire baisser la facture pour les consommateurs sur fond de crise et de flambée des prix dans le pays. Entretien de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes avec le président de la Chambre d'agriculture et de la pêche Jean-Christophe Niautou.

Le parcours prévention santé Do Kamo s’est clôturé ce samedi aux halles de Ducos à l’occasion d’un grand marché visant à sensibiliser les Calédoniens à adopter une alimentation plus saine et plus variée. Pourquoi avoir choisi ce lieu ?

Il s’agit d’un partenariat avec l’agence sanitaire et sociale (ASS NC) qui clôture son parcours Do Kamo ici après avoir fait le tour du pays, avec le fameux slogan « Mangez mieux, bougez plus ». Or l’alimentation pour une bonne santé, c’est typiquement le sujet qui nous concerne tous et c’est pour ça qu’on a décidé conjointement d’organiser ce grand marché, tourné vers le local.

Tous les Calédoniens connaissent le marché de Ducos du samedi matin, qui draine entre 3 000 et 5 000 chalands pour 80 exposants. Depuis le mois de mars, nous l’avons également déployé le mercredi après-midi, ce qui permet à de nouveaux exposants de venir parce qu’il n’y a pas forcément la place le samedi matin. C’est aussi l’occasion pour d’autres consommateurs qui travaillent à Ducos, dans les bureaux du centre-ville, etc., de venir faire leur course à la pause déjeuner ou plus tard. C’est une véritable évolution.

Vous avez annoncé, ce samedi, un autre tournant dans l’évolution du marché de Ducos l’an prochain. De quoi s’agit-il ?

Nous avons décidé que le marché du Ducos deviendra, à compter du 1er janvier 2026, le premier marché 100 % local du pays. Ça veut dire qu’on n’y trouvera plus que des produits locaux, issus de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche ou de l’agro-transformation locale, à base de produits locaux. Il deviendra ainsi le seul marché de Nouvelle-Calédonie exclusivement tourner autour du manger local.

Est-ce possible aujourd’hui d’avoir un véritable marché 100 % local toute l’année, en raison de la saisonnalité, notamment en période chaude et humide, lorsqu’il y a peu de maraîchage ?

C’est typiquement le genre de remarques qui nous est régulièrement remonté. On travaille depuis un certain nombre d’années sur la transition alimentaire et donc sur des produits qui peuvent se substituer à d’autres cultures qui n’existent pas à une saison donnée. Si on se focalise sur les contraintes, on n’avancera pas. On préfère se dire qu’il y a aujourd’hui beaucoup de producteurs, de pêcheurs, d’éleveurs, d’agro-transformateurs qui aimeraient avoir une place à Ducos, y compris durant les périodes de mars, avril, mai, juin, qui sont plus creuses avec moins de maraîchage effectivement.

Les pommes de terre locales sont à l’honneur en ce moment sur les étals ©Anthony Tejero / Les Nouvelles Calédoniennes

Le chaland ne trouvera pas forcément le produit importé de saison, mais il y a bien d’autres espaces dans Nouméa et partout ailleurs en Calédonie pour trouver ces produits.

Est-ce une manière aussi de pousser les Calédoniens à réfléchir à leur consommation et les inciter à changer de comportement ?

Cela permettra peut-être déjà de donner de la chance à toutes ces productions alternatives qui ont été développées ces dernières années.

Pouvez-vous donner un exemple ?

Quand ils voyagent au Vanuatu, tous les Calédoniens mangent du chou kanak. De retour ici, ils n’en mangent plus, alors qu’il est en production partout dans le pays. C’est un produit qui n’a pas de problème de saisonnalité et qui peut largement trouver une place sur le marché en début d’année lorsque vous n’avez pas de chou de Chine, de salade, etc. C’est un exemple parmi d’autres.

Cette initiative pourrait aussi être l’occasion de mieux mettre en avant des produits transformés. On parle de frites surgelées et, plus largement, de produits qui sont vraiment conçus avec une base locale. En tant que représentants de la Chambre d'agriculture et de la pêche, si on ne le fait pas, on ne le fera jamais. Donc, on tente l’expérience. Et je suis persuadé que dans un an, on se demandera pourquoi ne pas l’avoir fait avant ?

Pour autant, ça ne devrait pas transformer en profondeur ce marché qui est déjà très axé sur les produits locaux…

Exactement, quand on parle de premier marché 100 % local, on a l’impression que c’est une révolution. Mais ce n’est qu’une confirmation de la volonté qu’on a. Ce marché a été créé il y a 25 ans pour la production locale. Au fil des ans, il y a eu quelques nouvelles orientations et aujourd’hui, le marché est mûr.

Pourquoi ?

On a désormais une production locale qui est plus importante, y compris durant les mois difficiles de l’année. Par ailleurs, le secteur de la distribution est totalement déstructuré depuis les émeutes. Des grandes surfaces ont disparu et des producteurs ont perdu leur circuit de vente. Avec cette démarche qui consiste à renforcer les marchés locaux, on souhaite donner une perspective à ces producteurs, ces pêcheurs qui peuvent trouver ici, à Ducos, un circuit de distribution de proximité, qui non seulement leur rend service en termes de marges, mais qui rend également service aux consommateurs, qui ont accès à des produits frais à bien meilleur marché qu’ailleurs.

Justement entre la vie chère et le contexte de crise, les Calédoniens disent qu’il est de plus en plus difficile de manger des fruits et légumes, notamment en ville. Comment comptez-vous essayer d’y remédier ou du moins d'atténuer ce frein économique ?

La question est intéressante parce qu’en vérité le problème du pouvoir d’achat est le même chez nous, agriculteurs ou pêcheurs, que pour le reste de la population. On rencontre aussi des problèmes de coûts de production qui n’ont fait qu’augmenter ces dernières années, avec des prix qui sont restés relativement stables, voire qui sont allés à la baisse, compte tenu du déséquilibre entre l’offre et la demande depuis mai 2024. Donc aujourd’hui, finalement, on va pouvoir répondre à ces deux contraintes qui touchent les professionnels et les clients.

Les habitués de Ducos connaissent bien ces visages, qui se lèvent tôt chaque samedi matin pour proposer fruits et légumes à des prix concurrentiels ©Anthony Tejero / Les Nouvelles Calédoniennes

Les consommateurs sont le plus souvent à la recherche de prix bas, mais aussi de qualité, et les agriculteurs-pêcheurs sont à la recherche d’une meilleure marge pour leur production. Je pense que les marchés de proximité, et le marché de Ducos en particulier, ont la capacité de répondre à ces deux besoins.

Pourquoi le circuit court est-il à favoriser pour faire des économies ?

Concrètement, lorsque vous venez à Ducos, vous avez au maximum un intermédiaire. Ce sont des producteurs de la côte Est ou du Nord qui passent par un colporteur parce qu’ils ne peuvent pas venir à Nouméa ou qu’ils n’ont pas la gamme nécessaire pour faire un marché. Dans d’autres circuits de distribution, vous avez au minimum deux, voire trois intermédiaires et, forcément, chaque intermédiaire prend sa marge. Au final, les prix sont plus élevés.

Mais tous ces circuits de distribution correspondent à des besoins. Il ne faut pas les opposer. Nous pensons, aujourd’hui, que le marché du Ducos est un outil de distribution complémentaire aux autres. D’ailleurs, il n’est ouvert que le samedi et le mercredi. Il faut bien que le reste du temps d’autres circuits soient proposés.

Propos recueillis par Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes