De retour de Paris, où les acteurs économiques et sociaux ont été réunis en marge des négociations sur l’avenir institutionnel, le porte-parole du gouvernement, Christopher Gygès, annonce plusieurs « mesures concrètes » et engagements « à court terme » de l’État. Parmi eux, l’extension de la garantie émeutes, un risque qui n’est plus couvert par les assurances depuis le 13 mai et qui devrait être pris en charge au niveau national. L’exécutif calédonien a par ailleurs formulé de nombreuses demandes qu’il souhaiterait voir inscrites dans un « pacte économique et social » qui serait adossé à un accord politique global, à commencer par le désendettement de l’archipel. Explications de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
Quels sont les points positifs et négatifs ?
Le porte-parole du gouvernement juge essentiel que le monde économique, et plus largement « les représentants de la société civile », aient pu être entendus et associés aux discussions en cours sur l’avenir institutionnel au sommet organisé à Bougival, en région parisienne.
Pour autant, Christopher Gygès regrette un format « trop large » (la délégation comprenait de nombreux représentants des syndicats, des organisations patronales, des chambres consulaires, des maires, etc.) pour une séquence « relativement courte », de seulement un jour et demi (le jeudi 4 et le vendredi 5 juillet, le matin).
« Ce n’est pas forcément propice à la prise de décision. Chacun fait son discours et il n’y a pas vraiment de débat sur les questions à traiter », regrette le membre de l’exécutif, qui salue tout de même de nombreuses avancées « positives » avec l’État et revient de Paris avec quelques « annonces concrètes ».
Vers un pacte économique et social « adossé » à l’accord politique
Selon Christopher Gygès, l’État a, par la voix du ministre des Outre-mer Manuel Valls, acté qu’un « pacte économique et social » soit « adossé » au futur accord politique, si les délégations aboutissement à court ou à moyen terme à un consensus sur le volet institutionnel.
« Au niveau du gouvernement et de la délégation non-indépendantiste de manière générale, on se réjouit de cette annonce. Nous aurons des demandes assez précises dans le cadre de cet accord économique, qui devra encore être détaillé et conclu quand il y aura l’accord institutionnel ». Finances publiques, dettes, réformes, lutte contre la vie chère, accompagnement de la filière nickel… Des « mesures précises et concrètes » sont attendues de l’État.
Assurances, fonds de solidarité… Quelles sont les annonces de l’État ?
Ce collège économique et social s’est traduit pas plusieurs annonces « à court terme » de la part de l’État. À commencer par l’extension de la garantie émeutes des assurances, qui n’est plus couverte depuis la crise du 13 mai et qui constitue un véritable frein aux investissements et à la reprise de l’activité dans le pays.
« Aujourd’hui, quand on fait un contrat d’assurance, cette garantie émeutes saute, car les compagnies ne veulent plus gérer ce risque. Ce n’est d’ailleurs pas que pour la Nouvelle-Calédonie, mais plus largement pour l’Outre-mer, notamment aux Antilles, où il y a eu récemment des violences. Dans ce contexte, l’État se substituerait aux assurances », déclare le porte-parole du gouvernement, qui qualifie cette décision de « très importante » pour le pays. « C’est quelque chose qui est très attendu localement et qui devrait entrer en vigueur dans les prochains mois. »
Autre « avancée » actée : les sociétés sinistrées, dont les dossiers ont été « bloqués » lors du deuxième versement du fonds de solidarité dédié aux entreprises, verront leur demande finalement « traitée » par l’État, en vue, éventuellement, du versement d’une nouvelle aide.
Enfin, la délégation économique a obtenu que les entreprises calédoniennes puissent bientôt bénéficier d’une immatriculation à l’Insee (l’Institut national de la statistique et des études économiques), ce qui leur permettra notamment de répondre aux appels d’offres nationaux lancés dans l’Hexagone.
Abandon des prêts, de la dette Cafat… Quelles demandes du gouvernement à « long terme » ?
Alors que les comptes sociaux présentent des déficits abyssaux depuis de longues années, et que les caisses des collectivités sont exsangues, les finances publiques ont occupé une part importante des discussions qui se sont déroulées au ministère de l’Outre-mer.
Dans la perspective du pacte économique et social, le gouvernement demande plusieurs « mesures concrètes à long terme » à la France, à commencer par la transformation en subventions des prêts accordés par l’État pour surmonter la crise, ce qui est le « sujet numéro 1 ». De même, l’exécutif espère le « comblement » de la dette de la Cafat par l’Hexagone afin de « repartir sur des bases saines » sur le Ruamm.
En ce qui concerne, la vie chère et le « quotidien » des Calédoniens, la délégation a réitéré sa demande pour que la Nouvelle-Calédonie soit intégrée à la péréquation tarifaire de l’électricité. Derrière ce terme technique, le principe est simple, puisque ce dispositif prévoit que les coûts fixes de cette énergie soient répartis d’une manière identique sur l’ensemble du territoire national. Par conséquent, si le pays en bénéficiait, la facture des Calédoniens baisserait. Une demande similaire a été formulée pour le fret, en ce qui concerne les produits de première nécessité.
Enfin, ce pacte économique et social comprendrait également l’incontournable volet du nickel. « Il faut un accompagnement au soutien de la reprise des usines et au financement de la transition énergétique du secteur, tout comme un accompagnement sur le financement des grands travaux pour relancer l’économie », liste Christopher Gygès. « Aujourd’hui, on a bon espoir que l’État nous accompagne sur ces sujets, du moins si la Nouvelle-Calédonie s’engage dans un accord institutionnel. Ce pacte serait un peu le pendant des accords de Bercy de 1998. À l’époque, ils avaient été signés en amont de l’accord de Nouméa, qui avait prévu un volet économique, et notamment sur le nickel. »
Un accord politique « plus que souhaitable »
Mais encore faut-il qu'un consensus politique puisse se dégager prochainement. Ce en quoi veut croire le porte-parole loyaliste du gouvernement. « Avoir le président de la République, le Premier ministre, les présidents des deux chambres, Sénat et Assemblée nationale, le ministre des Outre-mer et toutes les instances possibles de l'État, aucune région ou territoire de la République n'est traitée comme ça », remarque Christopher Gygès. « Cela fait plusieurs jours que les délégations se parlent sans quitter la table, ce qui est un autre point positif. Par ailleurs, le respect du choix des Calédoniens, exprimé par trois fois, a été confirmé par le président de la République, ce qui nous satisfait au sein de la délégation non-indépendantiste. L'accord est plus que souhaitable et c'était important que les acteurs économiques puissent le dire. Je crois qu'il y a une vraie volonté commune de tous, en tout cas lors de la réunion de Paris, à trouver une issue favorable pour la Nouvelle-Calédonie ».
Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes