Nouvelle-Calédonie : 7 100 emplois en moins en 2024 dans un marché du travail déstabilisé

©Aurélia Dumté / Les Nouvelles Calédoniennes

Nouvelle-Calédonie : 7 100 emplois en moins en 2024 dans un marché du travail déstabilisé

Selon l’Institut de la statistique et des études économiques (Isee), l’année 2024 est marquée par un net recul de l’emploi salarié en Nouvelle-Calédonie. La crise du nickel et les émeutes de mai ont provoqué une chute brutale des embauches et un déséquilibre du marché du travail. Au total, 108 100 personnes ont exercé une activité salariée. C’est 7 100 de moins qu’en 2023. Un sujet de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.

 Une année noire. Les derniers chiffres de l’emploi en Nouvelle-Calédonie en 2024, tout juste publiés par l’Isee laissent apparaître, qu’en moyenne, « 82 000 personnes étaient salariées au dernier jour de chaque trimestre ». Mais entre le premier et le quatrième trimestre, les effectifs ont chuté de 14,2 %, sur fond de « crise économique et institutionnelle majeure ».

Au total, ce sont 108 000 personnes distinctes qui ont occupé un emploi salarié au cours de l’année, « un effectif en recul de 6 % sur un an, et même inférieur aux niveaux observés en 2020 et 2021 », c’est-à-dire au plus fort de la pandémie de Covid-19.

33 400 personnes ont fini l’année sans emploi

L’Isee attribue cette contraction à la fois à la crise du nickel qui a frappé le territoire en début d’année, ainsi qu’aux événements survenus à partir du 13-Mai. De quoi « perturber le marché de l’emploi, créant un déséquilibre marqué entre les entrées et les sorties de l’emploi salarié ».

Si la mise en place de dispositifs de chômage partiel renforcés est venue atténuer cette tendance, « de nombreuses entreprises ont gelé leurs recrutements ». Conséquence : 33 400 personnes ayant travaillé en 2024 ont terminé l’année sans emploi, ce qui ne représente pas moins d’un tiers des actifs salariés de l’année.

Les embauches s’effondrent après mai

En 2024, le nombre d’embauches a reculé de 30 % par rapport à 2023, poursuit l’Isee. Si les recrutements restaient « proches de la moyenne des années précédentes » entre janvier et avril, ils « chutent à moins de 40 % des niveaux moyens entre mai et août ». Concrètement, en 2024, à partir du 13-Mai, seuls 5 510 nouveaux salariés ont été embauchés, « deux fois moins qu’en 2023 et le plus bas niveau depuis 2019 », précise l’institut.

Le rapport souligne également que le ratio embauches/débauches diminue de manière sensible en 2024. Comprenez : le marché calédonien, qui offrait « en moyenne 18 embauches pour 10 débauches (ratio 1,8) » ces dernières années, n’en offre plus que « 12 pour 10 (ratio 1,2) ». Parallèlement, « les licenciements ont plus que doublé en un an », et « les ruptures conventionnelles ont été multipliées par quatre », des chiffres à mettre en perspective « avec la fermeture de l’usine KNS ».

Les jeunes et les hommes en première ligne

Parmi les populations les plus touchées par cette tendance : les jeunes. En 2024, 23 900 personnes de moins de 30 ans ont eu une activité salariée, « soit 4 600 de moins qu’en 2023 (-16 %) ». Le nombre d’embauches dans cette tranche d’âge a chuté de « près de 60 % après le 13 mai ». Inversement, « les salariés de 60 ans et plus progressent de 7 % », un phénomène que l’Isee attribue en partie à la réforme qui fait reculer l’âge de la retraite de 60 à 62 ans.

Autre fait saillant, les hommes subissent davantage ce recul de l’emploi « -7,2 % des effectifs salariés », que les femmes (- 5,1 %). L’Isee relève également que « 24 % des hommes ayant travaillé en 2024 finissent l’année sans emploi, contre 21 % des femmes ». Le rapport explique que les femmes, davantage concernées par les emplois pluri-contrats (au moins deux contrats de travail salarié au cours de l’année), ont souvent « perdu une partie de leurs contrats, mais pas tous », mais cela « traduit une fragilité accrue en termes de revenus », tempère le rapport.

Les salariés précaires davantage fragilisés

En 2024, « 77 % des salariés n’ont eu qu’un seul contrat au cours de l’année », tandis que « 23 % ont cumulé au moins deux contrats ». Ces salariés pluri-contrats, souvent jeunes et employés à temps partiel, enregistrent la baisse la plus forte : -14 % en un an. Une chute qui atteint 26 % chez les moins de 30 ans. Quant au ratio moyen de contrats chez ces salariés, il passe de 2,1 à 1,9 pour les femmes et de 1,7 à 1,6 pour les hommes.

Le privé perd plus d’emplois que le public

Si le secteur privé concentre 76 % des salariés, il subit également l’essentiel des pertes d’emploi : -7,5 % (6 700 salariés en moins) sur un an. Un recul qui est plus modéré dans le public (-1,7 %), porté par la baisse du nombre de contractuels (-4,5 %). Quant aux effectifs des fonctionnaires, d’État et territoriaux, ils « restent stables », indique l’Isee.

Après les émeutes, « 86 % des salariés débauchés relevaient du secteur privé », contre 11 % de contractuels et 2 % de fonctionnaires. Les hommes et les jeunes (moins de 30 ans), surreprésentés dans le secteur privé, sont logiquement les plus touchés : « -17 % chez les jeunes, -9 % chez les hommes, contre -6 % chez les femmes », précise l’Isee.

L’institut conclut que le marché de l’emploi est « complètement déstabilisé après les émeutes », et ce malgré les mesures de soutien. Les pertes d’emploi de 2024 effacent « les gains cumulés des années 2022 et 2023 », qui correspondent au rebond post-Covid, estime-t-il, et replacent la Nouvelle-Calédonie « sous les niveaux de 2020 ».

Julien Mazzoni pour Les Nouvelles Calédoniennes