Les microplastiques, fléau des lagons perlicoles de Polynésie française

© Ifremer

Les microplastiques, fléau des lagons perlicoles de Polynésie française

L'Ifremer et le gouvernement de Polynésie française ont réalisé une étude sur la présence des microplastiques au sein des trois lagons abritant des élevages d'huîtres perlières. Dans ces zones pourtant peu peuplées et peu fréquentées par les visiteurs, les microplastiques sont pourtant significativement présents.
 


Les microplastiques désignent les fragments de moins de 5mm de matière plastique, qui représentent 90% des résidus plastiques flottants dans l'océan, estimés entre 93.000 et 236.000 tonnes. Sa faible taille favorise sa dispersion de la surface aux sédiments, et son ingestion par nombres de créatures marines.
Le constat, connu de tous et visible à de nombreux endroits de la planète, a également été fait en Polynésie française, où les premiers relevés laissaient suspecter la présence significative de microplastiques. En ce sens, la Direction des Ressources Marines de Polynésie a financé des analyses complémentaires afin d'estimer plus précisément la quantité de microplastiques dans certains lagons.
 

L'Ifremer, chargé de l'étude, a ainsi lancé des études dans trois lagons abritant des sites de perliculture, Ahe, Manihi et Takaroa, et le constat est sans appel. Les microplastiques sont omniprésents malgré la faible fréquentation des sites, relevés dans les eaux de surface (de 0,2 à 8,4 microplastiques par m3), la colonne d’eau (de 14,0 à 716,2 microplastiques par m3) et les tissus d’huîtres perlières en élevage (de 0,3 à 21,5 microplastiques par g de chair humide).
Un niveau particulièrement élevé, particulièrement nocif pour les huîtres capables de filtrer jusqu’à 25 litres d’eau de mer par heure, caractéristique qui en fait un des bivalves les plus sensibles à la pollution plastique au monde.
Or, les lagons de l'archipel de Tuamotu, où cette étude a été menée, sont pourtant particulièrement préservés de l'activité humaine, peu dérangés par le tourisme, n'habritant pas d'industrie lourde, où les principales activités économiques sont la pêche et la perliculture. 



L'ifremer a donc tenté de remonter la source de cette pollution. « Nos investigations mettent en évidence la présence dominante de fragments de microplastiques de petite taille (20–200 µm), qui semblent issus de débris de plus grande taille. La nature des plastiques identifiée  dans l’eau est semblable à celle relevée chez l’huître perlière qui se nourrit de particules comprises entre 2 et 200 µm », selon Arnaud Huvet, biologiste à l’Ifremer à Brest et co-auteur de l’étude.
Parmi ceux-ci, le polyéthylène est trouvé en abondance, d'une couleur noire-grise montrant certaines similitudes avec les équipements en plastique utilisés en perliculture, dont les collecteurs de naissains et les cordes qui fixent les stations d’élevage.

Un constat qui se confirme par l'étude historique des sites, bassins de perliculture depuis une quarantaine d'années. Or, suite à une chute du cours de la perle dans les années 2000, le secteur a traversé une période de crise qui a conduit à la fermeture en cascade de fermes perlières et parfois à l’abandon des installations dans les lagons.
À cette source de contamination, pourraient aussi s’adjoindre à la marge les déchets plastiques issus des activités domestiques, de la pêche ou de la proximité de la Polynésie française avec le gyre océanique du Pacifique, réunion de différents courants marins qui charrie également une grande quantité de plastiques.

Fort de ces résultats, la nécessité de pratiques durables dans le secteur de la perliculture, notamment par le renforcement de la loi en vigueur encadrant les activités professionnelles liées à la production et à la commercialisation des produits perliers et nacriers en Polynésie Française, est ainsi envisagée. De même, un plan de gestion et de valorisation des déchets perlicoles est aussi à l’étude.

Par la mise en œuvre de méthodes plus respectueuses de l'environnement, l'Ifremer affirme pouvoir permettre une amélioration de la capacité reproductive de l'huître ainsi que le fonctionnement des gènes impliqués dans les mécanismes de défense face au stress, effets néfastes de la présence de microplastique dans leur milieu.
 

Damien CHAILLOT