Jour historique en Nouvelle-Calédonie. En plus d’une participation qui bat des records, l’archipel envoie à l’Assemblée nationale son premier député issu du mouvement indépendantiste depuis Rock Pidjot, entre 1978 et 1986. Le député sortant Nicolas Metzdorf réussit à se maintenir dans la 1ère circonscription.
Le rapporteur de la loi constitutionnelle visant au dégel du corps électoral provincial, dont l'adoption au Parlement a mis le feu aux poudres depuis mai dernier en Nouvelle-Calédonie, retrouvera le Palais Bourbon. Nicolas Metzdorf, élu en 2022 sous l’étiquette Renaissance dans la 2ème circonscription, a obtenu pour ce second tour 52,41% des suffrages, soit 34 557 voix. Pari réussi donc pour le député loyaliste qui est venu se frotter à l’électorat de Nouméa et des îles.
Face à lui, la candidate indépendantiste Omayra Naïsseline a recueilli 31 399 voix, soit 47,59% des suffrages exprimés. Bien que très en avance dans les Îles -Lifou, Ouvéa, Maré, Tiga et île de Pins-, la candidate n’a pas réussi à faire le poids à Nouméa, où elle est distancée de 21 239 voix par son adversaire Nicolas Metzdorf. Sur l’ensemble de la circonscription toutefois, l’indépendantiste a nettement amélioré le score de 2022, gagnant 18 420 voix ce dimanche, là où les non indépendantistes n’en gagnent que 8 905. Une progression due à la mobilisation de l’électorat kanak indépendantiste.
Dans la 2ème circonscription, c’est Emmanuel Tjibaou, fils du leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou, qui s’impose avec 57,01% des suffrages exprimés, contre 42,99% pour Alcide Ponga, candidat des Loyalistes et du Rassemblement-LR. Emmanuel Tjibaou a survolé l’élection dans les communes de l’Est et du Nord de la Grande Terre. Et s’il n’est pas en tête dans les communes du Grand Nouméa -Mont-Dore, Païta, Dumbéa-, ses scores honorables le maintiennent en tête de ce second tour.
Ces législatives anticipées en Nouvelle-Calédonie sont historiques à plus d’un titre. D’abord, la victoire d’Emmanuel Tjibaou signe le retour d’un député indépendantiste kanak à l’Assemblée nationale depuis Rock Pidjot. Ce dernier, ancien président de l’Union calédonienne (UC), avait été député de 1978 à 1986, date à laquelle le découpage électoral change, devenant plus difficile pour l’électorat indépendantiste. Figure historique de l’UC, Rock Pidjot était d’abord autonomiste, avant de transiter vers le combat indépendantiste, sous l’impulsion de Jean-Marie Tjibaou.
Historique également de par la mobilisation des électeurs. Selon les estimations encore provisoires, 71,03% des électeurs calédoniens se sont rendus aux urnes ce dimanche. Du jamais vu pour une élection législative qui, habituellement, ne mobilise pas l’électorat et particulièrement l’électorat kanak et indépendantiste. Il faut remonter à 1981 pour voir une bonne participation aux Législatives, où 63,73% électeurs s’étaient mobilisés. La participation de ce second tour reste dans la lignée du premier, déjà important.
À titre de comparaison, les législatives de 2022 avaient rassemblé 45,15 % des électeurs. Les provinciales de 2019 avaient, elles, rassemblé 66,47% des électeurs sur l’ensemble de l’archipel, tandis que les deux premiers référendums d’autodétermination avaient mobilisé plus de 80% des électeurs de la liste électorale spéciale. Pour rappel, sur les quatre parlementaires calédoniens, deux sont désormais indépendantistes puisqu’en septembre 2023, Robert Xowie (UC) a été élu sénateur à la surprise générale.
À noter qu'au global, sur les deux circonscriptions, les indépendantistes enregistrent 82 345 voix contre 72 979 pour les non indépendantistes, représentés ici par l'aile dure de la mouvance, le tout sur un corps électoral général. Une « déroute politique » pour le chef de file de l’aile non indépendantiste modérée, Philippe Gomès, très critique sur « la radicalité à l'œuvre depuis 2019 ».