C’est l’information principale apportée par les comptes économiques rapides outre-mer (Cerom) de la Polynésie française publiés ce matin par l’ISPF pour l’année 2022. À 660 milliards de Francs Pacifique, le produit intérieur brut progresse de 4,5%. Un bon résultat, mais insuffisant pour neutraliser les effets de l’inflation. Nadine Jourdan, directrice de l’ISPF, était l’Invitée de la rédaction de notre partenaire Radio1 ce mardi.
Chaque année dans chacun des outre-mer français, sont publiés les « comptes économiques rapides » de l’année précédente – les comptes définitifs n’étant arrêtés qu’à N+3. Les acteurs et décideurs économiques disposent ainsi d’une photographie récente, qui peut-être encore un peu floue et dont le focus sera affiné dans les mois qui viennent.
À 660 milliards de Fcfp, le produit intérieur brut a progressé de 4,5% l’an dernier, plus de deux fois la progression constatée en 2021.
On retrouve quasiment le niveau de PIB de 2019, avant la crise sanitaire. Le fait le plus saillant est bien sûr la reprise du tourisme.
L’ISPF comptabilise 218 750 visiteurs en Polynésie l’année dernière. Le secteur touristique a globalement vu ses revenus augmenter de 60% par rapport à 2021, contribuant à lui seul 70 milliards au PIB. Un exploit puisque les frontières n’ont rouvert entièrement qu’en mai 2022. Les hôtels ont plus que doublé leurs revenus – + 105% entre 2021 et 2022 – notamment en augmentant leurs prix de 40 à 50% face à une demande forte. Les compagnies aériennes ont, elles, augmenté leurs revenus de 53%.
Les autres produits d’exportation (les séjours touristiques, générateurs de devises, sont comptabilisés dans les exports) font moins bonne figure en 2022 : si les volumes exportés de produits de la mer sont stables, ceux de la perle de Tahiti sont en chute, mais avec un prix au gramme qui approche les 1 000 Fcfp.
La consommation des ménages atone à +0,7%
La consommation des ménages, qui représente les deux-tiers du PIB, a progressé de 7% l’an dernier. Mais une fois calculé le poids de l’inflation, la plus forte de tous les outre-mer en 2022, qui n’avait pas été observée « depuis les années 80 », les dépenses des ménages n’ont réellement progressé que de 0,7%.
Les embauches (+4,5% en effectifs), les hausses du smig et du point d’indice des fonctionnaires ont permis de limiter la casse, mais sont insuffisantes pour soutenir le pouvoir d’achat des familles. D’autant que les hausses de prix les plus importantes ont touché l’alimentation et les carburants : le prix par kilo importé de produits énergétiques a augmenté de 76% entre 2021 et 2022, et celui des produits alimentaires de 26%. Des dépenses contraintes qui seraient devenues insurmontables sans le soutien public aux prix. Au final, les Polynésiens ont perdu 1,4% de pouvoir d’achat, dit Nadine Jourdan qui souligne aussi que derrière ces chiffres généraux, les situations individuelles sont très disparates.
Les coûts de construction en hausse de 11%
Les investissements progressent légèrement en volume (+0,7%), mais « en valeur, ils s’envolent (+8%) », dit l’ISPF. La progression provient principalement des entreprises (même si leur excédent brut d’exploitation accuse une baisse de 2,2%), les investissements des ménages marquant une légère baisse en volume, et ceux du Pays étant stables aux alentours de 30 milliards, un chiffre que l’ISPF considère comme la limite structurelle de ce que l’administration peut mettre en œuvre.
L’indice des prix du BTP progresse de 11% en moyenne annuelle. Une photographie plus précise montre les augmentations des composants principaux de la construction. Le bitume et le ciment montrent les plus fortes hausses.
2023, une bonne année ?
Mais malgré des coûts de main d’œuvre et de matériaux en hausse, et des taux d’intérêt en hausse, la production de crédit bancaire reprend du poil de la bête au premier semestre 2023, précise Nadine Jourdan : « On ne perçoit pas que la hausse des taux ait cassé la dynamique d’investissement »
Le tourisme se porte toujours bien : le fenua a accueilli 120 000 touristes sur le premier semestre 2023. Sur cette période, « la consommation des ménages continue à résister, et l’emploi salarié continue d’augmenter sur un rythme annuel d’environ 4% ». Quand à l’inflation, elle ralentit, dit Nadine Jourdan, et s’établit aujourd’hui à un rythme annuel d’environ 3,8%. Ainsi, si le rythme du premier semestre se maintient au second, la croissance de 2023 pourrait atteindre 1,5%, « tout dépendra de comment la consommation des ménages tiendra. »
– Le recensement général agricole va démarrer le 16 août et se prolonger jusqu’à fin novembre. – L’étude sur la comparaison des prix entre l’Hexagone et le fenua est attendue pour le mois d’octobre. Pour rappel, la dernière comparaison montrait un écart de prix de 38% sur un panier composé des mêmes produits. – L’établissement des numéros SIREN (répertoire national des entreprises) pour les entreprises polynésiennes : le numéro TAHITI n’étant pas reconnu par la système national, l’absence de numéro SIREN augmente la difficulté d’obtenir des aides nationales, comme ce fut le cas au début de l’allocation des PGE. |
Par Caroline Perdrix pour Radio 1