Originaire de l’île de Taha'a en Polynésie française, Kalea Hanere est partie en France il y a une dizaine d'années afin de pouvoir terminer sa « transition ». Aujourd'hui, elle est fière de porter les couleurs de la Polynésie lors de la prestigieuse et renommée élection de Miss Trans Star International qui aura lieu le 12 mars prochain à Barcelone. Un portrait de notre partenaire TNTV.
Née à Taha’a, Kalea Hanere part vivre à Tahiti avec sa mère à l’âge de 10 ans. Déjà passionnée par les concours de beauté, elle est élue Miss Vahine Tane en 2006. Peu de temps après, à 20 ans, elle s’envole pour la France pour raisons personnelles, par envie d’ailleurs, et surtout afin de « faire plus rapidement [sa] transition » : « pour moi, de rester à Tahiti, ce n’était pas évident pour faire ma transition. Donc j’ai préféré venir ici afin de devenir la femme que j’ai toujours voulu être. À Tahiti, on n’a pas les mêmes moyens qu’en France où les traitements sont pris en charge par la sécurité sociale ».
En effet, en Polynésie, à l’heure actuelle, aucun traitement hormonal n’est pris en charge par la CPS, ni les opérations chirurgicales : « On sait très bien, à Tahiti, que si on veut faire notre transition rapidement, il faut aller en France, c’est plus facile pour nous là-bas. On n’est vraiment pas accompagnés à Tahiti. (…) En plus de ça, il y a une aide pour ceux qui souhaitent faire des opérations, grâce à des équipes qui traitent les dysphories de genre dans les hôpitaux et qui nous facilitent l’accès à des opérations, via un suivi médical ».
« Je lance un message aux dirigeants de la Polynésie : faites quelque chose pour nous, les personnes trans de Polynésie, pour qu’on puisse faire directement chez nous notre transition, sans partir ailleurs, et que l’on n’ait pas peur. Ce n’est pas facile de tout devoir quitter, sa famille, ses amis… pour venir ici » confie Kalea. Aucune discussion ne serait en cours du côté du Pays pour améliorer la prise en charge des personnes transsexuelles. « Certains trans ont même du mal à trouver du travail. Il y a énormément de trans qui se prostituent, qui sont rabaissées, mal vues, et pointées du doigt » déplore la jeune femme.
Après quelques années passées à Paris, la trentenaire vit désormais à Toulon. Sa transition terminée depuis un peu plus de 5 ans, Kalea n’envisage pourtant pas de revenir vivre en Polynésie : « J’ai ma vie ici, j’ai tout ce qu’il faut, je suis posée et j’y suis bien ». À côté de son travail dans la restauration, elle est également modèle : « Je travaille avec beaucoup de marques tahitiennes pour promouvoir le fenua ». Loin des yeux, mais pas du cœur donc.
Miss Trans Star International, plus qu’un concours, un combat
En 2008, Kalea participe au concours Miss Trans France à Paris, et est élue « Miss Photogénique » : « J’ai toujours été attirée par les élections. Pour moi, c’est important de représenter la beauté d’une femme ». Et après une pause de 14 ans, elle se lance à nouveau dans les concours : « J’attendais d’être stable au niveau de ma vie professionnelle, sociale… avant de me relancer dans les élections. Aujourd’hui, je suis prête ».
Et Kalea ne se lance pas dans n’importe quelle élection de beauté, mais celle de Miss Trans Star International, un concours reconnu mondialement : « C’est surtout le plus important au niveau européen » précise-t-elle. C’est la première fois que Tahiti sera représentée à l’élection : « Je suis la toute première candidate polynésienne à ce concours. C’est un honneur d’y aller pour la première fois, et d’ouvrir la voie, je l’espère à d’autres de mes consœurs polynésiennes. Mon but, c’est d’aller le plus loin possible et de représenter notre Pays ». L’élection aura lieu le 12 mars 2022 à Barcelone.
Et toute la difficulté pour la jeune femme, c’est de participer en tant que candidate libre, sans comité derrière elle : « Je n’ai pas de comité de Miss Trans France ou de Tahiti qui me suit et me prépare, malheureusement, je n’ai pas cette chance comme d’autres candidates. Je me prépare toute seule, et c’est beaucoup de travail. C’est vraiment très dur. Ce n’est pas une petite élection, c’est vraiment une grande élection ».
L’espoir « qu’on évolue à Tahiti »
Aussi, Kalea confectionnera elle-même son costume national, dont le show aura lieu le 11 mars. Mais elle n’est pas prête de se décourager, au contraire, elle est plus motivée que jamais : « Je n’y vais pas que pour moi, j’y vais pour une communauté, j’y vais pour défendre notre communauté de personnes trans et la communauté LGBT. (…) J’y vais aussi pour faire un peu bouger les choses en Polynésie. Le plus important, c’est de défendre une cause. Je n’y vais pas juste pour la beauté. Il y a un combat derrière. Ce n’est pas un concours de beauté banal. Beaucoup militent à travers cette élection ».
Kalea espère que sa participation au concours aura des retombées en Polynésie : « De médiatiser ma participation au concours va me donner de la visibilité, et grâce à ça, on pourra me reconnaitre et je pourrai essayer de faire quelque chose, car une personne “ordinaire”, peu connue, aura plus de mal à faire bouger les lignes. J’espère avoir le soutien de la Polynésie pour l’élection, pour revenir ici et essayer de voir ce que je pourrai faire avec l’association Cousins Cousines, par exemple ».
« Il y a encore beaucoup à faire pour qu’on soit totalement acceptés dans notre société et pour qu’il n’y ait plus d’élections que de trans ou de femmes… et qu’il y ait qu’une seule et unique élection car on représente toutes un genre qui est la femme, mais c’est déjà un bon début et c’est déjà très bien qu’il y ait des femmes transgenres qui participent à ces élections » poursuit-elle. D’ailleurs, première avancée en la matière : les candidates transgenres avec état civil féminin peuvent, si elles le souhaitent, participer à Miss France : « Peut-être qu’un jour Miss Tahiti acceptera aussi des personnes transgenres » nous dit Kalea.
La Miss reste résolument optimiste : « C’est le moment de faire évoluer les choses pour les hommes et femmes trans en Polynésie, même si c’est difficile de mettre en place des choses pour nous, même si c’est beaucoup de travail, beaucoup de réflexions. Mais il faut au moins essayer. J’ai espoir qu’un jour on y arrive, et qu’on évolue à Tahiti ». Un espoir certainement en train de se réaliser puisqu'Abel Hauata, transsexuelle affichée, vient de remporter la couronne de Miss Université de la Polynésie française.
Noémie Schétrit pour TNTV.
À noter que Kalea Hanere ne sera pas la seule représentante ultramarine au concours Miss Trans Star International puisque la Réunionnaise Louïz portera l'écharpe de la France à ce concours.