INTERVIEW. Aérien : Sur la fermeture de la ligne Papeete-Seattle d’Air Tahiti Nui, Moetai Brotherson regrette un manque de coordination

©Outremers360 / Présidence de la Polynésie française (Archives)

INTERVIEW. Aérien : Sur la fermeture de la ligne Papeete-Seattle d’Air Tahiti Nui, Moetai Brotherson regrette un manque de coordination

En mission à Paris cette semaine, le président de la Polynésie française est revenu sur la fermeture de la ligne directe entre Papeete et Seattle, la plus déficitaire d’Air Tahiti Nui, et évoque les réflexions de la compagnie internationale polynésienne en réaction à l’étude du cabinet de conseil Arthur D. Little. Pas forcément enclin à renoncer au hub tokyoïte -l’autre ligne déficitaire de la compagnie-, la direction réfléchit à un retour à Sydney, en « alternative ou complément » à Tokyo, et son impact inéluctable sur sa flotte.

Outremers360 : La compagnie aérienne Air Tahiti Nui va arrêter de voler en propre jusqu'à Seattle, parce que la ligne est déficitaire. C'était une des conclusions de l'étude du cabinet Arthur D. Little que la compagnie avait commandée. Qu'est-ce qui a fait que cette ligne n'a pas marché alors même que les chiffres du tourisme en Polynésie sont bons ?

Moetai Brotherson : C'est une question que j'avais posée au moment où je suis arrivé et où cette ligne venait d'être ouverte. J'avais demandé l'étude préalable qui avait mené l'ouverture de cette ligne. On m'a dit qu'il n'y en avait pas. J'étais un peu surpris. On m'a donné des explications à l'époque : c'est la région la plus riche des États-Unis, c'est celle qui fournit le plus de touristes à Hawaii, etc.

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L'idée, si je me souviens bien, c'était de dire : On va essayer de capter ces touristes qui sont déjà allés six fois à Hawaii depuis Seattle et qui veulent peut-être voir autre chose. Mais un peu à l'image de ce qui a été fait avec la reprise de la ligne sur Tokyo, ça ne s'est pas fait de manière suffisamment coordonnée avec Tahiti Tourisme (établissement public chargé de promouvoir la destination, ndlr), qui n'a pas été mis dans la boucle.

Je dirais que les coûts d'approche pour faire venir les touristes ont été un peu oubliés dans la démarche. Il ne suffit pas d'avoir des avions, il faut que les gens montent dedans. Pour qu'ils montent dedans, il faut qu'ils connaissent le produit et ce n'était pas le cas.

Est-ce que vous allez suivre l'autre recommandation de l'étude qui est de fermer Papeete-Tokyo ou rester sur une ligne saisonnière pour garder un vol vers l’Asie ?

Pour l'instant, ça ne fait pas partie des décisions qui ont été prises par le conseil d'administration (de la compagnie, ndlr). Tokyo, c'est notre gateway, notre porte d'entrée et de sortie vers l'Asie, on ne peut pas arrêter les vols comme ça.

J'ai demandé à la direction générale de réfléchir à revenir aux dates et aux heures qu'on avait avant 2018. Il faut savoir que le marché japonais est un marché très particulier. Les Japonais ont cinq jours de congés dans l'année, pas un de plus. Donc, quand ils prennent des congés, ils veulent être cinq jours en congé. Or, si vous leur faites un planning de vol qui les fait arriver le mardi après-midi et repartir le vendredi matin, vous voyez bien qu'ils passent trop de temps dans l'avion par rapport aux cinq jours de congé qu'ils ont.

Avant 2018, les dates qui étaient en place sur la ligne Papeete-Tokyo n'étaient pas les mêmes. Les touristes japonais arrivaient le lundi matin, donc ils étaient directement en vacances. Ils avaient passé un jour de week-end dans l'avion et ils repartaient le samedi matin. À cette époque-là, on avait plus de touristes japonais. Là, je parle pour les touristes japonais.

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Ensuite, se pose une autre question : est-ce que Tokyo est réellement le bon point d'entrée pour le reste de l'Asie, pour la Chine, la Corée, Singapour, etc. Ce sont des questions auxquelles on réfléchit. Une des suggestions évoquées dans l'étude d'Arthur D. Little, c'est la réouverture de Sydney. Cette réouverture, elle se ferait à la fois pour le marché australien, mais aussi parce que depuis qu'on a fermé le Papeete-Sydney (en 2009, ndlr), les choses ont beaucoup évolué en Australie.

L'Australie, dans la région, c'est l'économie qu'elle vend en poupe. Il y a énormément de touristes asiatiques qui voyagent en Pacifique en venant d'abord en Australie. C'est un peu la réflexion derrière cette possible réouverture d'un direct vers Sydney, c'est de se dire : Est-ce que ça peut être une alternative à Tokyo, ou un complément ? Ça suppose aussi des réaménagements de flotte. Ce sont des réflexions qui sont en cours à l'heure actuelle.

Il y avait aussi une réflexion sur un partenariat, en tout cas l'entrée d'un partenaire dans l'actionnariat de la compagnie. Où est-ce qu'on en est ?

Là-dessus, je suis un peu contrarié puisque c'était un des objets principaux de mon déplacement à Hong Kong, au Salon World Routes. Je devais rencontrer certains partenaires potentiels. Malheureusement, je ne peux pas lutter contre un typhon de force 10 (Hong Kong a été touchée au même moment par le typhon Regasa, ndlr). Il n'y avait plus de vol (…), donc ça ne s'est pas fait.

Mais c'est toujours, une priorité de faire rentrer un autre actionnaire. Aujourd'hui, le pays est au taquet en matière d'actionnaires : 85%, on ne peut pas aller au-delà. Ça réduit nos marges de manœuvre. Et l'idée, ce n'est pas simplement de faire rentrer un partenaire financier, c'est de faire entrer quelqu'un, une entreprise qui a une valeur ajoutée dans le secteur à la fois de l'aérien et du tourisme.

Est-ce que ça pourrait être une compagnie aérienne, par exemple ?

Ça pourrait être une compagnie aérienne, mais pas forcément.