La conférence économique consacrée au plan de sauvegarde, de reconstruction et de refondation (S2R) de la Nouvelle-Calédonie a débuté ce jeudi matin, en présence de François-Noël Buffet et de l’ensemble des acteurs économiques. L'événement, qui se poursuivra la semaine prochaine, doit amorcer une vaste transformation des modèles économique, social et sociétal calédoniens, dont la crise a révélé les défaillances. De son côté, le ministre a rappelé le prêt garanti par l’État de 60 milliards de Fcfp auprès de l’AFD. Détails de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
C’est « une étape cruciale pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie » qui a été franchie, ce jeudi 17 octobre, au centre culturel Tjibaou. Devant une salle comble, dans laquelle avait pris place l’ensemble des acteurs économiques, politiques et syndicaux, le président du gouvernement Louis Mapou a ouvert la conférence économique dédiée au plan de sauvegarde, de reconstruction et de refondation (S2R) de la Nouvelle-Calédonie. Elle doit se poursuivre jusqu’à mardi et fixer les grands principes de la transformation du pays.
En visite sur le territoire depuis mercredi, le ministre des Outre-mer François-Noël Buffet a participé au lancement de l’évènement avant de s’envoler en direction de Koné. « C’est un honneur que vous nous faites d’effectuer votre première visite ministérielle en Nouvelle-Calédonie et d’accepter dans votre programme très chargé d’ouvrir cette conférence », a salué Louis Mapou, avant de le remercier pour le soutien financier de l’État depuis le déclenchement des violences, en mai.
Trois ans pour réformer le pays
Le plan S2R du gouvernement représente un vaste « chantier » auquel ont déjà contribué « toutes les collectivités et institutions, les acteurs économiques et sociaux, des organismes publics privés ainsi que plus de 3 000 contributeurs libres ». L’exécutif calédonien a tracé une « trajectoire de trois ans » au terme de laquelle le pays devra avoir rétabli ses comptes publics et sociaux grâce à une série de réformes. Un programme ambitieux quand on connaît l’état des comptes des collectivités et le manque à gagner qu’ont représenté les destructions de mai et juin dans les recettes sociales et fiscales du pays. Il faudra donc faire face à « la difficulté et l’effort » pour y parvenir.
Il faudra, aussi, pouvoir compter sur l’aide de l’État, a tenu à souligner le chef de l’exécutif calédonien. « Au nom de tous, je sollicite le soutien fort de l’État pour nous accompagner dans cette fin d’année 2024, tout au long de l’année 2025 et au-delà dans le cadre d’un partenariat pluriannuel gagnant/gagnant à construire pour répondre aux enjeux de cette refondation et de sa construction ». Un soutien « massif » dont le territoire a besoin « dès à présent » pour surmonter la crise.
« Pas de promesses qu’on ne pourra pas tenir »
« La solidarité nationale a joué et continuera de jouer en Nouvelle-Calédonie », a répondu François-Noël Buffet, qui a pris la parole à la suite de Louis Mapou. Le ministre s’est toutefois montré évasif sur le futur soutien de l’État, esquivant les annonces chiffrées. Il a simplement rappelé qu’un prêt de 60 milliards de la Nouvelle-Calédonie auprès de l’AFD serait garanti par l’État. Un emprunt déjà inscrit au projet de loi de finances 2025 et qui se résume à un remboursement des avances octroyées par l’État en 2024. Rien, en revanche, sur le chômage partiel ou le fonds de solidarité à destination des entreprises, deux dispositifs en fin de vie.
Les questions de Mimsy Daly, présidente du Medef, adressées au ministre sur la prolongation du dispositif de chômage partiel et total lié aux exactions, n’auront pas vraiment permis d’en savoir plus sur l’engagement de l’État. « Il [François-Noël Buffet NDLR] a indiqué tout à l’heure aux représentants des syndicats qu’il allait poursuivre le chômage partiel jusqu’en fin d’année dans des modalités qu’il nous reste à préciser », a dévoilé Louis Mapou à la presse quelques minutes après le départ du ministre.
Une phrase de son discours semble toutefois résumer la position actuelle de l’État sur le dossier calédonien : « Il ne peut pas y avoir à cet instant de promesses qu’on ne pourra pas tenir ». Pas de quoi rassurer le monde économique.
« Rien de concret, de chiffré, et d’effectif », regrette Calédonie ensemble
Quelques heures après le discours de François-Noël Buffet à l’ouverture de la conférence S2R, le parti Calédonie ensemble s’est fendu d’un communiqué pour dénoncer l’absence d’annonces du ministre des Outre-mer. « Il n’y avait rien de concret, de chiffré, et d’effectif au plan économique et social dans le discours de François-Noël Buffet », a fustigé le parti de Philippe Gomès.
Calédonie ensemble regrette le manque de propositions du ministre sur « l’accompagnement des salariés privés d’emploi et sur le financement des indemnités de chômage », sur « le soutien aux entreprises », ou encore sur « la compensation dans la durée des pertes de recettes fiscales et sociales ». « Comme si l’État ne portait aucune responsabilité dans la crise systémique, économique et sociale que notre pays doit affronter. »
« Le pays brûle et l’État regarde ailleurs »
L’annonce, par François-Noël Buffet, d’un prêt de 60 milliards de francs auprès de l’AFD n’a pas non plus convaincu le parti. « La seule perspective tracée par le ministre -déjà annoncée dans la loi de finances déposée sur le bureau du Parlement- est d’endetter la Nouvelle-Calédonie à hauteur de 60 milliards supplémentaires en 2025, pour rembourser les avances consenties par l’État… en 2024. »
La preuve, pour le parti, que « Bercy a clairement pris le pas sur le ministère des Outre-mer et le gouvernement local » et que l’État cherche désormais à ce que la Nouvelle-Calédonie « coûte le moins cher possible ». « Le pays brûle et l’État regarde ailleurs », conclut Calédonie ensemble.
Baptiste Gouret pour Les Nouvelles Calédoniennes