En place à Doniambo, la centrale accostée temporaire (CAT) assurera l’alimentation en électricité de la SLN jusqu’en 2025, date à laquelle le réseau électrique, devenu plus vert, est censé prendre le relais de l’autoproduction pour tous les métallurgistes. Mais le système électrique sera-t-il prêt à temps ? Un dossier de notre partenaire Actu.nc.
Exit le projet de centrale pays à Doniambo qui courrait depuis des années. « Place à un vrai projet pays de développement de la transition énergétique qui ne servira pas à un seul acteur », a confirmé Christopher Gygès, membre du gouvernement en charge de la transition énergétique.
Décarboner la métallurgie
Autrement dit, à partir de 2025, l’idée est que les trois métallurgistes – SLN, KNS et Prony Resources – sortent d’un modèle d’autoproduction et s’arriment au réseau électrique, largement décarboné. Tout l’enjeu est de verdir la métallurgie car le secteur représente encore 75 % de la consommation électrique du territoire et 50 % des émissions de gaz à effet de serre. L’objectif fixé par le Schéma pour la transition énergétique de Nouvelle-Calédonie 2022 est d’intégrer au minimum 50 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique de la métallurgie, d’ici à 2030. Et même 70 %, espère Christopher Gygès.
Le 24 mai dernier, le gouvernement a signé avec la Société le nickel (SLN), Prony Resources et Enercal un accord-cadre en ce sens. « Cet accord prévoit 70% d’ENR à l’horizon 2030, le fait que la SLN se raccorde au réseau électrique et que la SLN rende totalement l’énergie du barrage de Yaté au système électrique, ce qui a été acté », alors qu’aujourd’hui 90 % de la production va à la SLN et 10 % à la distribution publique. La SLN et Prony Resources ont adhéré au projet de s’arrimer à un réseau électrique décarboné et les discussions sont en cours avec KNS pour que l’usine du Nord se joigne à la démarche. Christopher Gygès est confiant : « ils rentreront dans le dispositif. La question c’est quand : ce mois-ci ou le mois prochain ? ».
A fond le photovoltaïque
Pour mener à bien cette révolution énergétique, le plan s’appuie sur une trajectoire énergies renouvelables intensive avec le lancement de 1 000 mégawatts supplémentaire d’ici 10 ans en énergie renouvelables, soit 100 par an en photovoltaïque au minimum. Réalisable ? Christopher Gygès estime que oui. « Par rapport aux ambitions qu’on s’était fixées en 2025, on est déjà au résultat de 2026 avec ce qu’on a déjà̀ autorisé en séance du gouvernement, donc ça va plus vite que prévu. Tout cela est possible car on a construit une vraie filière ENR ces trois dernières années », soutient-il.
Par ailleurs, les délais administratifs afin de construire des fermes photovoltaïques sont désormais réduits d’un an et demi « à deux mois ». Et le Caillou, qui se veut précurseur en la matière, peut s’appuyer sur la présence des grands groupes ancrés sur le territoire, tels que Engie, Akuo, Urbasolar ou encore TotalEnergies. TotalEnergies exploite notamment Helio Boulouparis 2, la plus grande centrale photovoltaïque avec stockage de France.
Cap sur le stockage
« Pour réaliser cette transition énergétique, une grosse capacité en stockage est nécessaire », soutient le membre du gouvernement. Notamment pour compenser l’intermittence de l’énergie solaire, la nuit et les jours de pluie, alors que les usines, gourmandes en énergie, continuent de tourner. A cette fin, le gouvernement envisage la création d’un premier parc de batteries de 25 mégawattheures.
« L’appel à projet a été lancé et le projet sera autorisé d’ici la fin de l’année et construit l’année prochaine », souligne Christopher Gygès. A cela s’ajoute la construction d’une station de transfert d’énergie par pompage (STEP), qui s’appuiera sur du stockage hydraulique. L’idée ? « Se servir d’une ancienne mine désaffectée pour construire 2 bassins alimentés par une ferme photovoltaïque. La journée l’eau monte, et le soir elle descend », précise-t-il.
Le hic, c’est le coût de ce dispositif : 35 milliards de francs. Une somme pour laquelle le membre du gouvernement espère notamment obtenir un coup de pouce de l’État lors de son déplacement à Paris ce mois-ci. Aujourd’hui, grâce au développement à grande échelle du photovoltaïque et à la baisse du coût des équipements, certaines fermes solaires parviennent à produire une électricité au coût de 6 francs kilowattheure, hors stockage.
Or celui-ci reste coûteux. Une ferme de 60 MW, c’est 6 milliards de francs, rappelle Christopher Gygès. D’ailleurs, la première ferme solaire avec stockage, inaugurée à Ouatom le 12 mars 2019, reste peu compétitive avec un coût de production de 17,5 francs le kilowattheure. L’objectif est d’atteindre progressivement un coût de production de l’électricité de l’ordre de 10-11 francs par kilowattheure (stockage et transport inclus) alors que celui-ci est aujourd’hui de 17-18 francs, indique le membre du gouvernement.
Du charbon au gaz à Prony Energies
Quant aux 30 % d’énergies fossiles qui alimenteront encore le réseau public d’ici 2030 – ce qui permettra de le sécuriser, ils seront concentrés à Prony Energies, la centrale attenante à l’usine du Sud, dont Christopher Gygès souhaite voir l’alimentation passer du charbon au gaz. « Le gaz, c’est mieux que le charbon en termes de bilan carbone », soutient-il, « et après cette première étape, on veut avoir des moteurs qui soient compatibles avec de l’e-méthane ou de l’hydrogène ».
Pour convertir Prony Energies au gaz, des investissements seront également nécessaires, de l’ordre de 65 milliards de francs. Là encore, le soutien de l’État sera requis. Il pourrait toutefois prendre plusieurs formes au-delà des subventions demandées, telles qu’une garantie ou un prêt à long terme.
Développement à vitesse grand V Selon le dernier Schéma pour la transition énergétique de Nouvelle-Calédonie (STENC) adopté en 2016, l’enjeu était de passer à 100 % d’énergies renouvelables sur la distribution publique d’ici à 2025. « En raison du fort développement du photovoltaïque, ce sera certainement le cas dès l’année prochaine », assure Christopher Gygès. En chiffres Malgré les résultats obtenus grâce à la politique publique du STENC 2016, la Nouvelle-Calédonie conserve un caractère carboné. De fait, 80 % de l’électricité calédonienne est encore produite à partir d’énergies fossiles importées (fioul et charbon principales). Cela tient au fait que les métallurgistes ont longtemps été réfractaires au développement des ENR. Or 75 % de la production électrique est consommée par la métallurgie. |
Béryl Ziegler pour Actu.nc