Les transports en commun de Nouvelle-Calédonie sont à l'arrêt depuis le début des violences tandis que le sud du territoire reste inaccessible par la route. Conséquence : nombre de Calédoniens passent des heures dans leur voiture, misent sur la solidarité familiale ou tentent leur chance en bateau.
Sur le quai de Port-Moselle, dans le centre de Nouméa, Francine guette la mer. D'ici à quelques minutes, elle l'espère, se profilera l'un des nombreux semi-rigides qui font chaque jour les allers-retours entre la commune du Mont-Dore, au sud, et la capitale calédonienne.
« J'attends mes filles car comme on ne peut plus circuler, j'ai dû déménager pour le moment à Nouméa sinon j'allais perdre mon travail. Elles restent avec leurs grands-parents à la maison, de l'autre côté. Et ils me les amènent sur mes jours de congé. C'est difficile pour une maman mais je n’ai pas le choix », dit-elle.
Depuis le début des violences liées à la mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle du dégel du corps électoral, le 13 mai, l'unique route qui relie Nouméa au sud de l'archipel, et notamment la commune du Mont-Dore, est coupée au niveau de la tribu de Saint-Louis.
Même quand il n'y a pas de blocage, l'automobiliste risque de recevoir des cailloux, voire d'être visé par des coups de feu. Plusieurs vols à main armée ont été recensés. Les forces de l'ordre, présentes en permanence, déconseillent tout passage quand elles n'interdisent pas totalement la circulation si la situation est jugée trop dangereuse.
Le trajet entre le Mont-Dore, commune résidentielle, et Nouméa, centre de la vie économique, qui prenait auparavant moins d'une demi-heure aux 7 000 personnes effectuant le trajet chaque jour, est devenu un casse-tête. Pour leur permettre de circuler, le Syndicat mixte des transports urbains (SMTU) a donc mis en place des rotations par bateau, avec l'appui de la province Sud.
« Mais il faut parfois faire la queue deux heures pour espérer monter dans une navette », déplore Hinerae, lycéenne qui se « lève à 04h pour venir faire la queue à 05h et être sûre de pouvoir monter dans la navette de 06h ». Épuisée, la jeune fille « ne fait pas le trajet tous les jours. Je récupère les devoirs mais je suis inquiète pour mon année scolaire », raconte-t-elle.
Galère à Nouméa
A Nouméa, la galère est loin d'être terminée. Depuis le 13 mai, le réseau du SMTU est à l'arrêt. Les autobus ont été épargnés mais le mobilier urbain et nombre d'infrastructures sont détruits. « On estime les dégâts, pour le moment, à près de 10 millions d'euros. Il faudrait un an à un an et demi pour tout refaire. Et il est clair qu'aujourd'hui, aucune des collectivités qui nous financent n'a les moyens », souligne Antoine Borius, le directeur du SMTU.
Problème supplémentaire, impossible de faire circuler les autobus tant que la sécurité n'est pas assurée. Les 20 000 usagers quotidiens du réseau sont donc sans solution et si l'amélioration de la sécurité devrait permettre aux autobus de circuler dans les mois à venir, ce sera « sur des axes stratégiques » uniquement. « Les gens devront donc effectuer un premier trajet par leurs propres moyens pour rejoindre leur arrêt et ce sera la même chose à l'arrivée », prévient Antoine Borius.
En attendant, l'absence de transports publics a jeté des milliers d'automobilistes supplémentaires sur les routes, créant par endroits d'importants embouteillages. Pour ceux sans solution, les bouteilles à la mer se multiplient sur des groupes de discussion dédiés sur les réseaux sociaux. De même que les offres de transporteurs privés, déclarés ou non.
Et par endroits, les habitants, notamment les plus fragiles, sont encore bien en peine de se ravitailler. A Rivière-Salée, l'un des quartiers les plus pauvres mais aussi les plus étendus de Nouméa, tous les commerces ont été incendiés ou pillés dès le début des émeutes.
Seule la pharmacie a miraculeusement survécu. Comme de nombreux calédoniens, Christelle, 50 ans, habitante du quartier, s'est retrouvée du jour au lendemain sans emploi. Alors, depuis trois semaines, pour survivre et « rendre service à nos petits papys et mamies », elle sillonne Rivière-Salée avec un camion aménagé en épicerie.
On n'y trouve que le strict nécessaire mais le commerce a déjà trouvé ses habitués. Trois coups de klaxons et les habitants sortent de chez eux, soulagés. « Si Christelle n'était pas là, je me priverais », reconnaît Rebecca, une habitante du quartier.
Avec AFP