Emmanuel Macron en Polynésie : Programme et enjeux de la visite du président de la République

©Jacques Witt / Pool / Bestimage

Emmanuel Macron en Polynésie : Programme et enjeux de la visite du président de la République

Le chef de l’État est attendu samedi 24 juillet en fin d’après-midi à l’aéroport de Tahiti-Faa’a, où l’attendra un accueil protocolaire et républicain, mais aussi un accueil typiquement polynésien fait de « ‘Orero », cet art oratoire tahitien qui transmet un message héréditaire, historique ou géographique. Il s’agira pour Emmanuel Macron de sa 9ème visite en Outre-mer en tant que président de la République.

Elle était attendue mais a plusieurs fois été repoussée, notamment en avril dernier alors que la crise sanitaire liée au Covid-19 forçait les pays à fermer leurs frontières et confiner leurs habitants. Cette fois-ci, rien ne saurait empêcher le président de se rendre en Polynésie française, cette Collectivité d’Outre-mer vaste comme l’Europe, et l’Élysée assure : ce déplacement ne changera qu’à la marge et uniquement sur le contenu du programme.

Il s’agira du 9ème territoire ultramarin visité par Emmanuel Macron durant ce quinquennat, après la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin, la Nouvelle-Calédonie, la Guyane, Mayotte, l'archipel des Éparses dans les TAAF et La Réunion. Le dernier président de la République à s’être rendu en Polynésie est François Hollande, en février 2016. Selon l’Élysée, cette visite officielle s’inscrit dans le cadre du tour de France des territoires entamé peu avant les échéances régionales et départementales. Une étape hors de l’Hexagone pour associer les Polynésiens, et plus généralement les Ultramarins, à cette course lente avant l’échéance présidentielle.

« Réaffirmer le lien avec les trois Collectivités d’Outre-mer du Pacifique »

Les messages à faire passer durant cette visite sont nombreux. Ils s’adressent autant aux Polynésiens qu’aux Ultramarins en général puisque, selon l’Élysée, le président entend réaffirmer sa proximité avec les Outre-mer, et les liens étroits entre l’État et l’ensemble des DROM-COM, alors que la crise sanitaire a plusieurs fois isolé ces territoires. De crise sanitaire il en sera d’ailleurs question avec la poursuite des efforts face au Covid, et alors même que le regain épidémique qui s’observe dans l’Hexagone trouve un écho en Polynésie, en Martinique, à La Réunion. Toujours sur le volet Covid, Emmanuel Macron ne manquera pas de rappeler la solidarité nationale envers ces territoires, tant économique que sanitaire.

Sur une échelle plus régionale, s’il était un temps évoqué que le président profite de sa visite en Polynésie pour faire un crochet par Wallis et Futuna, à l’instar de son prédécesseur, il devra se contenter d’un « regard » vers cet archipel qui fêtera le 29 juillet, le 60ème anniversaire de son statut de Territoire (puis Collectivité) d’Outre-mer. Un « regard » aussi vers la Nouvelle-Calédonie qui, en décembre prochain, se prononcera une troisième fois sur son avenir institutionnel. Une façon là encore de « réaffirmer le lien avec les trois Collectivités d’Outre-mer du Pacifique », quelques jours après un Sommet France-Océanie et alors que la région est le terrain de jeux d'influences géopolitiques entre la Chine, l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou encore, les États-Unis. 

Environnement, climat, culture, jeunesse et pêche

Sur des sujets plus spécifiques à la Polynésie, le président de la République s’exprimera sur les enjeux environnementaux et climatiques, en visitant par exemple un abri de survie anticyclonique sur l’atoll de Manihi dans l’archipel des Tuamotu ; ou encore culturels, en se rendant sur l’île de Hiva Oa aux Marquises -une première pour un président de la République-, autre archipel polynésien qui prépare sa candidature au Patrimoine mondial de l’Humanité, en tant que bien mixte nature et culture. 

Aux Marquises toujours, le président rencontrera les jeunes du Régiment du Service Militaire Adapté. L’opportunité de parler réinsertion, formation et maintien de la jeunesse dans ces îles éloignées et souvent dépeuplées. Au Monument aux Morts de Papeete, Emmanuel Macron rendra hommage au Bataillon du Pacifique qui, il y a 80 ans, s’est engagé aux côtés de la France libre. L’occasion de souligner la place importante des Polynésiens dans l’armée, environ 600 recrues, et de rencontrer les familles des soldats du Pacifique morts pour la France.   

Sur l’île de Moorea, située à une trentaine de minutes en Ferry depuis Papeete, le président s’exprimera sur une séquence davantage portée sur la recherche et la protection des récifs coralliens, avec la visite du Centre de recherches insulaires et Observatoire de l’Environnement (Criobe) et du futur « Fare Natura », un « écomusée » dédié à l’océan et dont l’architecture s’inspire du palmier voyageur et du coquillage. Et toujours en lien avec l’océan, le chef de l’État visitera le port de pêche de Papeete pour prendre le pouls de cette filière entièrement polynésienne et louée pour son « exploitation durable de la ressource (…) sans commune mesure dans le Pacifique ».

Il sera bien entendu question d’économie, avec l’exécutif local d’une part et les acteurs économiques d’autre part. La Collectivité d’Outre-mer a été touchée de plein fouet par l’arrêt brutal des liaisons aériennes commerciales, alors même que l’essentiel de son tissu économique repose sur le tourisme. Emmanuel Macron devrait aussi s’exprimer sur les Jeux olympiques, non pas parce qu’il effectue cette visite après un déplacement au Japon dans le cadre des JO, mais parce que l’île de Tahiti accueillera en 2024 les épreuves de surf des Jeux de Paris. Son premier déplacement à l'arrivée en Polynésie sera naturellement dédié aux soignants du Centre hospitalier de Polynésie française.

Essais nucléaires : « Une parole apportée à tous les Polynésiens »

Mais il est un autre sujet spécifique à la Polynésie qui ne bénéficiera pas d'une séquence dédiée dans le programme de cette visite présidentielle, mais qui revêt un aspect majeur dans les relations qu’entretient l’État avec ce territoire : la lourde histoire des trente années d’essais nucléaires. Selon l’Élysée, le chef de l’État restera dans la droite lignée de la table ronde qui a eu lieu à Paris entre le gouvernement et une délégation polynésienne. Table ronde durant laquelle quelques premières annonces ont été faites et à l’issue de laquelle le ministre des Outre-mer assurait qu’elles s’enrichiraient de nouvelles annonces avec le déplacement d’Emmanuel Macron.

Pour l’heure, le président de la République devrait évoquer le sujet dans son discours final mardi soir à Papeete. « Il y aura une parole apportée à tous les Polynésiens » a-t-on assuré, dans un souci de « prolongement du dialogue ». Il devrait évoquer « des actions très concrètes sur la mémoire, les indemnisations individuelles et collectives » et entend parler en « toute transparence ». D’après la presse locale, une manifestation serait en préparation pour la venue d’Emmanuel Macron, à l'initiative des organisations politiques, associatives et religieuses historiquement opposées aux essais. Deux premières manifestations ont eu lieu, le 2 et le 17 juillet, rassemblant près de 3 000 personnes à Papeete

Après ce discours final à Papeete, Emmanuel Macron présidera le Conseil des ministres en visioconférence depuis Tahiti, avant de rejoindre Paris.