Économie : Trois modèles de développement minier et métallurgique calédoniens

Mine de Thiébagi ©SLN

Économie : Trois modèles de développement minier et métallurgique calédoniens

La conclusion de l’accord sur la reprise de l’usine du Sud a introduit un nouveau modèle de développement minier et métallurgique en Nouvelle-Calédonie. Au total, les trois établissements industriels font apparaître trois modèles sociétaux et capitalistiques distincts. Portrait de cette diversité par notre partenaire Actu.nc.

 SLN : Le modèle semi-libéral 

Après la quasi faillite de la « vieille » SLN en 1975 lorsqu'elle appartenait encore au groupe Rothschild, la SLN a connu bien des évolutions. En 1974, elle est sauvée par Elf Aquitaine et Imétal, puis filialisée en 1985 par Eramet. Aujourd’hui, la SLN est détenue également à 34% par les trois provinces calédoniennes réunies dans la Société Territoriale Calédonienne de participation industrielle (STCPI) et par Eramet. La SCTPI figure également au capital d’Eramet, aux côtés de l’État et d’actionnaires privés. L’ensemble, qui présente cette particularité d’actionnariat public, est géré selon les règles capitalistiques traditionnelles, Eramet étant côté en bourse. 

Le site de Doniambo (SLN) à Nouméa ©SLN

Koniambo : Majorité à la puissance publique 

L’usine « du Nord » répond à un modèle incluant une majorité détenue par la puissance publique dans l’entreprise. C’est la SMSP qui y porte les intérêts de ses principaux actionnaires publics, Sofinor à 87%, Sodil à 5%, ainsi que des intérêts privés dans un capital qu’elle détient à 51%, les 49% revenant au géant suisse Glencore. Ce dernier a porté le financement de la construction de l’usine, ainsi que les pertes d’exploitations.

Ce modèle est repris pour une usine off-shore, construite en Corée du Sud, à Gwangyang avec comme partenaire Pohang Iron and Steel Company (Posco) à 49%, et suivant le même schéma de financement. L’essentiel de la valeur ajoutée est effectué en Corée, au bénéfice de Posco, et SMSP bénéficie de la distribution des dividendes. Les conditions de travail, et donc de production de nickel en Corée, ne répondent pas aux mêmes normes qu’en Nouvelle-Calédonie.

Koniambo ©Koniambo Nickel SAS

Des accidents survenus à Gwangyang en novembre et décembre dernier ont causé 5 morts chez les travailleurs, qui viennent s’ajouter à des accidents mortels survenus sur les deux sites industriels du groupe. Actuellement, les syndicats et Posco s’affrontent sur les conditions de sécurité dans le travail. POSCO refuse au KMWU (le syndicat coréen des travailleurs de la métallurgie) l’accès aux lieux des accidents et n’autorise pas ses experts en sécurité à participer aux enquêtes. La direction ne dévoile pas les causes réelles des accidents à l’issue des enquêtes, exposant ainsi d’autres travailleurs aux mêmes risques qui ont tué leurs collègues.

Le syndicat a récemment déclaré : « Permettre à un syndicat démocratique d’agir librement est une condition préalable à la mise en place d’un système de sécurité crédible dans les usines sidérurgiques. Or, plutôt que de collaborer avec le syndicat, pour sécuriser ses installations, POSCO a licencié trois activistes syndicaux parce qu’ils ont dénoncé ses projets pour com- battre le syndicat ».  

Prony Ressources : Le nouveau modèle 

L’accord récent sur la vente de l’usine du Sud par Vale au groupe Prony Resources a donné naissance à un troisième modèle de développement minier et métallurgique. Il est fondé sur 3 piliers. Le premier est que la majorité est détenue par des intérêts calédoniens « non diluables », intérêts dans lesquels on retrouve les collectivités provinciales, les salariés et les collectivités kanak du Sud. Les actionnaires calédoniens ne devraient pas être appelés en cas de difficultés financières. 

Le second est que les titres miniers seront amodiés en faveur de l’exploitant par une société semi-publique, Sud Nickel à laquelle la province délègue les titres, et qui sera rémunérée pour ses « locations » à hauteur minimale de 500 millions par an, ce plancher pouvant varier avec le cours du nickel. Sud Nickel comprend les provinces Sud et Iles, ainsi que les représentants des collectivités kanak et environnementales du Sud. 

Le troisième est que, jamais dans l’histoire d’une société minière et métallurgique calédonienne, l’enjeu environnemental n’a été placé aussi haut. L’objectif, intégrant la production d’énergie, est de produire le nickel probablement le plus « vert » au monde. 

Un modèle rentable ?

L’enjeu économique est évidemment un enjeu de durabilité, fondé sur la rentabilité des investissements. Il est essentiel. Cette rentabilité est la plus problématique pour l’usine de Koniambo. Elle est activement recherchée par SLN qui a mis en œuvre un plan de compétitivité ambitieux pour l’instant inachevé. Elle est espérée par Prony Resources dont l’exploitation a été allégée par la fermeture de l’unité de raffinage, et dont le Nickel Hydroxyde Cake est promis à un beau succès commercial. Le bon sens veut évidemment que le modèle qui associera rentabilité et durabilité sera le meilleur. 

Actu.nc