Budget 2022 en Polynésie : Les grandes orientations du gouvernement local

©Assemblée de la Polynésie française

Budget 2022 en Polynésie : Les grandes orientations du gouvernement local

À l’Assemblée de Polynésie, le gouvernement local a présenté et commenté les grandes orientations budgétaires, tablant sur une croissance de 2 à 3% en 2022. Quelques annonces – augmentation du Smig, réformes, schémas directeurs et plans d’actions divers – peu de chiffres pour l’instant, et un inventaire des freins conjoncturels ou structurels à la modernisation de l’économie. Les détails de notre partenaire Radio 1 Tahiti.

Édouard Fritch, président de la Polynésie, a ouvert la séance avec un résumé du rapport d’orientation budgétaire remis aux élus, et d’abord un point sur l’environnement économique : tant au plan international que local, ce sont d’une part la capacité à se préserver du covid et d’autre part les mesures de soutien budgétaire qui vont déterminer la vigueur de la reprise. Si les grandes économies prévoient une croissance de l’ordre de 5 à 6% en 2022, « la reprise devrait être plus faible pour les économies des petits États insulaires, particulièrement dépendantes du tourisme ». 

Le rapport n’envisage pas de réelle reprise du tourisme international, ici ou ailleurs, avant 2023. Le gouvernement table donc sur deux hypothèses volatiles : une augmentation du PIB de 2 à 3% l’année prochaine, et le « sens collectif et communautaire » des Polynésiens : « Je ne peux pas et je ne sais pas (…) bâtir une stratégie de lutte basée sur l’individualisme de nos concitoyens » déclarait ce matin Édouard FritchUne remarque qui semblait s’adresser autant à la population qu’à ses propres troupes, et Teva Rohfritsch a clairement dit que le Tapura Huiraatira, parti majoritaire du président Édouard Fritch, « ne pouvait pas se payer le risque de circonvolutions internes », en référence à certains membres du parti refusant la vaccination.

Concernant la reprise, quatre facteurs de risque sont identifiés : sanitaire, si la Polynésie devait subir une autre vague épidémique ; économique, car les marchés émetteurs de touristes sont eux-mêmes fragilisés ; social, « car la flambée des prix sur de nombreux produits importés va nécessairement se traduire par de l’inflation et donc par des pertes de pouvoirs d’achat », et énergétique car la remontée brutale du cours du pétrole et du gaz, si elle devait se poursuivre, aurait des conséquences sur les tarifs de l’électricité dès le début de l’année prochaine.

La dette : « J’assume ce choix »

Le pic de la dette sera atteint fin 2022 avec plus de 150 milliards d’encours (1,257 milliard d’euros), mais Édouard Fritch relativise ce montant en retranchant les 17 milliards (142,46 millions d’euros) prêtés à la CPS et la partie du 2ème PGE qui ne sera pas encore mobilisée l’année prochaine : la dette est ainsi ramenée à 112 milliards (près d’1 milliard d’euros), un montant inférieur aux recettes, ce qui fait dire au président du Pays que l’encours de la dette reste « dans les ratios acceptables pour une collectivité de notre taille ». 

Pour lui, « l’enjeu majeur n’est pas le montant de l’encours de la dette mais le poids de cette dernière sur le budget, c’est-à-dire l’annuité de la dette », qui représentait déjà en 2020 un peu moins de 8,8 milliards de Fcfp (73,744 millions d’euros) soit 16,2% des dépenses d’investissement. « Le poids net des PGE sur le budget général de la collectivité est estimé à moins d’1,2 milliard par an (un peu plus de 10 millions d’euros) » affirme Édouard Fritch, qui considère que c’était ça ou avoir « des milliers de chômeurs », une économie incapable de redémarrer, la fermeture d’Air Tahiti Nui et la cessation de paiement de la CPS. 

« Laisser sombrer nos comptes sociaux revenait à projeter nos familles dans l’indigence (…). C’est un risque que je ne pouvais pas prendre et j’assume ce choix ». Pour l’ancien ministre de l’Économie et des Finances, Teva Rohfritsch, la dette polynésienne est soutenable, mais elle souligne l’urgence des réformes dont on parle depuis des années.

Les trois orientations 2022

Les trois axes de l’action gouvernementale en 2022 sont définis comme la relance de l’économie et de l’emploi, la résilience, et la cohésion sociale. Sur le chapitre de l’emploi, Édouard Fritch annonce, sans la chiffrer, une hausse du Smig pour le 1er trimestre 2022, et la poursuite de la réforme du code du travail. Quant à Teva Rohfritsch, il a remis sur la table la question de la création d’une caisse de chômage en Polynésie : si la crise devait se poursuivre, « le Pays-providence ne peut pas systématiquement pallier ces difficultés ».

La réforme de la fiscalité, qui fait l’objet d’une présentation à huis clos vendredi matin, doit « simplifier et assurer la performance du système fiscal polynésien » pour aboutir à une « fiscalité moderne et équitable ». En attendant d’en voir les effets, le Pays table sur une augmentation des recettes fiscales de 4%, soit « une augmentation de plus de 10 milliards des recettes de fonctionnement » et promet des crédits de paiements supérieurs à ceux de 2021.

Quant à la cohésion sociale, un nouveau plan « Génération 2021-2041 » pour endiguer la violence chez les mineurs, fait son apparition : lutte contre les addictions et l’oisiveté, responsabilisation des parents, esprit citoyen. Le combat contre les violences intrafamiliales est aussi listé dans l’inventaire des vœux pieux, ainsi que la lutte contre l’obésité, notamment l’obésité infantile.

Pour Nuihau Laurey, représentant non-inscrit et opposant, « les orientations proposées dans ce rapport constituent des ajustements techniques (…). Aucune n’est critiquable en soi, de nombreuses sont mêmes nécessaires. Cependant, ce ne sont que des adaptations techniques par rapport à un système économique et social qui, pour nous, est à bout de souffle et qui exige non pas des changements, mais des ruptures ». 

Quant au Tahoeraa Huiraatira, Geffry Salmon, il a d’abord critiqué le chef du gouvernement pour son indécision face aux « carabistouilles » de son vice-président et de son « inamovible » président de l’assemblée. S’il souscrit au constat établi par le rapport d’orientation budgétaire, il estime que la partie traitant des orientations « relève de l’œuvre littéraire ». Teura Iriti, également membre du Tahoeraa Huiraatira, avait une approche plus philosophique et a trouvé « beaucoup plus d’humanité » que d’habitude dans le discours présidentiel. Le dernier mot revient à celui qui tient les cordons de la bourse : « la prudence, en 2022, sera encore de mise », a déclaré Yvonnick Raffin. 

Caroline Perdrix pour Radio 1 Tahiti