Les représentants de NC Eco ont tenu une conférence de presse, ce lundi 4 novembre, afin de dévoiler le contenu d’un rapport de 140 pages listant leurs propositions pour transformer le modèle calédonien. Tour d’horizon des préconisations du monde économique censées « redresser » le pays avec notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
Réduction « drastique » des dépenses publiques
C’est le sujet prioritaire du rapport de 140 pages, fruit de « 1 000 heures de travail » mené en collaboration avec « 150 chefs d’entreprise », que NC Eco a remis récemment au gouvernement calédonien et à l’État, et bientôt au Congrès : la baisse des dépenses publiques.
« Elle est tout simplement nécessaire, inéluctable et obligatoire », assène David Guyenne, président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI), une des organisations membres de ce cluster créé en 2020 pour faire participer le monde économique à l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Les membres de NC Eco souhaitent que la Nouvelle-Calédonie emprunte une trajectoire de cinq ans pour que les dépenses publiques de fonctionnement, constituées en grande partie de la masse salariale, atteignent 12 % du PIB, contre 20 % aujourd’hui.
Pour y parvenir, « il faudra probablement réduire la voilure dans toute la gamme des services publics, améliorer leur performance ou en éliminer certains », suggère le président de la CCI, avant d’évoquer également l’option de « privatiser l’action publique ». Certaines dépenses publiques intéressent toutefois davantage les représentants du monde économique, qui veulent préserver le budget d’investissement des collectivités pour garantir une commande publique essentielle aux entreprises.
Refonte du système fiscal
L’autre cheval de bataille de NC Eco, c’est la « réforme de la fiscalité » calédonienne, que l’organisation appelle de ses vœux depuis sa création il y a quatre ans. Avec les évènements du 13 mai, « elle est devenue absolument nécessaire », affirme Mimsy Daly, présidente du Medef-NC.
La destruction de « plus de 20 000 emplois », la perte d’environ « 80 milliards » de recettes et les départs, estimés à « 10 000 personnes », ont mené à un total déséquilibre du système fiscal actuel, juge cette dernière. « En fait, tous les rendements fiscaux viennent de s’effondrer » et la Nouvelle-Calédonie « a perdu 20 % de sa création de valeur ». Or, « un territoire ne peut contribuer qu’à la hauteur de ce qu’il produit ».
Les acteurs économiques proposent ainsi de réduire fortement le nombre d’impôts et taxes, dont le nombre culmine aujourd’hui à 140. « Pour une île de 270 000 habitants, c’est inutilement complexe », dit Mimsy Daly, proposant de passer à « neuf impôts ». « L’objectif, c’est à la fois de rendre du pouvoir d’achat aux Calédoniens, puisque la réduction des prélèvements obligatoires sur les salaires va leur bénéficier directement, et d’avoir un système le plus simple et le plus lisible possible ».
Sauvegarder le modèle de santé
« Pour rebâtir un pays, il faut avoir une population en bonne santé », souligne Pierrick Chatel, secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Problème : le système de santé calédonien est en train de s’effondrer. Entre pénurie de personnel et difficulté à financer les différentes caisses, « on est confronté à plusieurs murs qui se rapprochent en même temps ».
NC Eco propose d’instaurer des « conditions attractives » pour maintenir les professionnels de santé sur le territoire et de réduire là encore les dépenses en matière de santé en évitant toutefois « le renoncement aux soins ». L’organisation envisage la mise en place d’une « cellule de crise » dotée de moyens financiers pour élaborer ce futur modèle.
Nouvelles filières et formation
Autre objectif essentiel, à plus long terme, pour le monde économique : identifier de nouveaux secteurs dans lesquels investir afin de diversifier l’économie calédonienne. Un sujet déjà évoqué par le gouvernement dans le cadre du plan de sauvegarde, de reconstruction et de refondation (S2R), dont NC Eco a été un contributeur majeur.
« Il faut identifier ces filières les plus pertinentes économiquement et leur offrir des perspectives », souhaite Guylain de Coudenhove, directeur de la Chambre d'agriculture et de la pêche (CAP-NC). Les contributeurs du rapport ont imaginé six critères pour identifier ces filières (création d’emplois, autonomie, inclusion sociale…) et ainsi flécher les financements. L’agriculture en fait notamment partie « car elle coche toutes les cases ».
Les acteurs économiques entendent également miser sur la formation et l’insertion professionnelle, considérant que les évènements du 13 mai sont aussi « un cri d’alarme lancé par la jeunesse », pense Élizabeth Rivière, présidente de la Chambre de métiers et de l'artisanat (CMA). « Il y a entre 600 à 800 jeunes qui quittent le système scolaire chaque année et qui n’ont aucun débouché ».
La solution, selon elle : « mettre en adéquation les compétences qui sont recherchées par nos entreprises et de s’appuyer sur les véritables besoins ». La reconstruction pourrait notamment créer de nouvelles opportunités. L’annualisation du temps de travail et l’instauration de « chèque emploi-services » font aussi partie des solutions proposées.
Transports, construction et énergie : des secteurs clés
Les acteurs du monde économique ont ciblé plusieurs domaines essentiels à la Nouvelle-Calédonie mais dont le modèle doit, là encore, être repensé. À commencer par les transports, qui pâtissent d’un « problème de gouvernance » et d’un « manque de mutualisation des moyens », estime David Guyenne. Les pistes de NC Eco : un « pilotage unique » de la politique de transport, un renforcement des liaisons maritimes entre les « principaux pôles économiques » et le transfert de l’activité d’Air Calédonie vers l’aéroport de La Tontouta.
Côté construction, le monde économique mise sur les chantiers de reconstruction, qui ne devraient toutefois pas intervenir avant un an. « L’objectif, c’est de redynamiser le secteur », insiste Mimsy Daly. Sans pour autant « construire à tout prix, mais juste là où c’est nécessaire, en questionnant nos modèles de construction, notamment le logement social ». Le rapport préconise l’instauration du prêt à taux zéro pour les primo-accédants et la « rationalisation du nombre d'organismes de logements sociaux ».
Enfin, concernant l’énergie, NC Eco suggère de tendre vers la décarbonation et davantage de compétitivité, en baissant les coûts de production, actuellement très élevés. « Il faut réduire la dépendance énergétique de la Calédonie, pour produire localement et à un prix plus abordable. »
Baptiste Gouret pour Les Nouvelles Calédoniennes