Après une semaine de bilatérales avec le ministre des Outre-mer Manuel Valls, la délégation du FLNKS, menée par le député Emmanuel Tjibaou, a dressé son bilan et son calendrier, avec en ligne de mire le déplacement officiel du ministre sur l’archipel, à partir du 22 février.
C’est dans la salle Lafleur-Tjibaou de l’Assemblée nationale que la délégation du FLNKS -composée d’Emmanuel Tjibaou, Omayra Naisseline, Roch Wamytan et Alosio Sako- a donné rendez-vous à la presse hexagonale pour « faire un état des objectifs qui étaient les nôtres et les perspectives à engager sur la suite du processus », après la semaine de bilatérales entre Manuel Valls et les partenaires politiques calédoniens.
« L’objectif pour nous était de déterminer le postulat de départ des négociations », ainsi que « le contenu, le format et le calendrier » de ces négociations, a rappelé Emmanuel Tjibaou, mandaté par le dernier congrès du FLNKS. « En l’espace de deux ans, il y a eu des choses engagées de part et d’autre, et qui nécessitaient d’être clarifiées, si on avance dans cette perspective de reprise des discussions », a ajouté le député de l’Union calédonienne, siégeant au GDR.
Le FLNKS assure avoir « renoué le dialogue sans a priori » à l’égard de l’actuel locataire de la rue Oudinot qui, en tant que Premier ministre, avait eu la main sur le dossier calédonien et présidé plusieurs comités des signataires de l’Accord de Nouméa. Et le Front a bien naturellement exposé les motions de son dernier congrès, notamment « la volonté d’inscrire notre trajectoire dans la perspective engagée dans les deux Accords, Matignon-Oudinot -paix et rééquilibrage- et Nouméa -décolonisation-. Nous avons rappelé que c’était la base de notre discussion, qu’il n’y a pas de retour en arrière ».
Une « base validée publiquement » par Manuel Valls a salué Emmanuel Tjibaou. « Les accords de Matignon et de Nouméa, avec la perspective du processus de décolonisation sont (…) le socle de nos discussions. Elles sont mon ADN » avait en effet déclaré mardi dernier le ministre des Outre-mer, lors des QAG, interpellé d’ailleurs par Emmanuel Tjibaou.
Selon l’ancien président du Congrès calédonien, Roch Wamytan, Manuel Valls « a reconnu que le processus de décolonisation est inachevé », assumant au passage une « responsabilité partagée » à la fois de l’État et des partenaires politiques calédoniens. « Il faut donc poursuivre le processus de décolonisation et d’émancipation de la Nouvelle-Calédonie » ; « faire en sorte d’achever le transfert de compétences », y compris régaliennes ; revenir à « l’impartialité de l’État », le tout sous la supervision de l’ONU et du droit international.
Une condition importante pour le FLNKS : « le droit international est un bouclier pour nous » estime Omayra Naisseline, qui salue « les échanges riches avec le ministre » et assure que « les bilatérales avec l’État vont se poursuivre ». « L’État s’entête dans son droit, mais il y a aussi le droit international qui défend la dignité du peuple autochtone » ajoute le président du RDO, Alosio Sako, rappelant que la Nouvelle-Calédonie demeure inscrite sur la liste onusienne des territoires à décoloniser. Par conséquent, le FLNKS demande la participation d'experts onusiens aux négociations entre l'État et les partenaires calédoniens.
Emmanuel Tjibaou a, également rappelé la trajectoire du FLNKS : la pleine souveraineté avec éventuellement des accords avec la France. « La souveraineté partagée ne peut être qu’une phase transitoire. C’est le processus amorcé en 1983 à Nainville-les-Roches, qui a commencé en 1988 et qu’on finalise aujourd’hui. C’est là où on demande à l’État d’assumer ses responsabilités, nous on n’a pas changé de discours (…). Si aujourd’hui, on doit négocier, c’est sur quelle durée cette transition se fait ».
Sur le manque de neutralité des précédents gouvernements, critiqué par plusieurs formations politiques indépendantistes comme non indépendantistes, Emmanuel Tjibaou souligne un Manuel Valls qui « prend compte l’équidistance » entre l’État et ses partenaires politiques, « gage de responsabilité ». Mais il prévient : au-delà des « paroles », il faudra des « actes ». « Édouard Philippe avait sécurisé cette impartialité, qui s'est par la suite effilochée », a par ailleurs remarqué le président du groupe Gauche démocrate et Républicaine, André Chassaigne, présent à cette conférence.
Pour la suite, « les discussions doivent se faire à Nouméa » rappellent les membres de la délégation, accueillant la venue prochaine du ministre comme « une réponse positive » à cette demande. En attendant l’arrivée de Manuel Valls, la délégation du FLNKS doit rendre compte de cette semaine de bilatérales à son bureau politique, avant de « rapidement statuer sur la suite à donner aux échanges avec l’État ». Reste en suspens la question du président du FLNKS, Christian Tein, toujours incarcéré à Mulhouse, et dont la participation aux discussions figure parmi les revendications du Front indépendantiste.