C’est une « transformation importante » si ce n’est « une révolution » que doit amorcer la compagnie aérienne pour éviter la cessation de paiements. Déjà en proie à des déficits chroniques, les exactions ont « anéanti » tout espoir de retour à l’équilibre cette année pour Air Calédonie dont l’activité est en chute libre depuis mai. Dans ce contexte, la direction a annoncé ce mercredi, des mesures d’urgence, à commencer par un vaste plan social qui vise à se séparer d’une centaine d’employés. Explications de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
Une crise qui s’ajoute à la crise
Covid, tensions sociales, blocages d’aérodrome… Les crises successives de ces dernières années avaient déjà plongé la compagnie aérienne dans une situation financière critique, impliquant de déclencher, fin 2023, une procédure de mandat ad hoc pour tenter de trouver un nouveau modèle économique pérenne, avec comme objectif un retour à l’équilibre d’ici la fin de l’année. Sauf que les exactions qui secouent le pays depuis le 13 mai ont apporté le coup de grâce en « anéantissant ces ambitions », se désole Daniel Houmbouy, directeur général de la compagnie.
Un trafic en chute libre
Si des ponts aériens ont été assurés entre Magenta -base aérienne d’Air Calédonie située à Nouméa- et La Tontouta, aucune activité commerciale n’a été réalisée par la compagnie entre le 13 mai et le 5 juin dernier. Et depuis, la reprise est « très timide » en particulier vers Ouvéa et l’île des Pins où, faute d’avions suffisamment remplis, les rotations ne sont plus quotidiennes.
Alors que les exactions ont mis durablement à terre le tourisme, que le secteur économique ainsi que les administrations sont sinistrés, limitant considérablement les déplacements professionnels, et que bon nombre de Calédoniens, dont les îliens, vont voir leur pouvoir d’achat fondre comme neige au soleil, les prévisions d’activité sont des plus moroses.
Ainsi, Air Calédonie (Aircal) table sur une chute de son trafic de près 70 % d’ici décembre par rapport au niveau d’avant crise, soit une baisse globale estimée de 35 % sur l’année 2024. En clair, alors que la compagnie misait sur une fréquentation de 430 000 passagers, la fréquentation devrait péniblement atteindre la barre des 300 000 clients cette année, ce qui représente un manque à gagner de 1,7 milliard de francs.
Une centaine d’employés licenciés
Au regard de ces estimations qui restent « ambitieuses » en vue d’une relance économique du pays, la compagnie est « prise de court » et doit amorcer une « transformation importante et presque une révolution pour éviter la cessation de paiements » car « aujourd’hui c’est une question de survie » de la société, assure Daniel Houmbouy, qui annonce devoir prendre des « mesures d’urgence ».
La première de ces décisions est de lancer un vaste plan social, qui vise à se séparer d’un tiers des employés, soit une centaine de personnes. Ces licenciements devraient prendre effet d’ici le mois de septembre. Contrairement aux décisions prises durant la pandémie, la direction précise ne plus avoir les moyens de financer un plan de départs volontaires.
Suspension des investissements et location d’avion
Au-delà de cette réduction drastique de la masse salariale, Aircal annonce l’arrêt de tous les investissements (hors maintenance) et entreprend des démarches pour obtenir des reports d’échéance (notamment auprès des fournisseurs et des prêteurs).
Par ailleurs, la compagnie a demandé à son actionnaire (dont la Nouvelle-Calédonie) l’octroi d’une subvention d’urgence de 600 millions de francs « pour soutenir la trésorerie ». Sur ce sujet, s’il n’y a pour l’heure aucun versement de cette enveloppe, Daniel Houmbouy glisse que le gouvernement lui a fait part de son « souhait de soutenir » la société, qui recherche également des leviers financiers auprès de l’État, à commencer auprès de Bercy.
Par ailleurs, Aircal annonce être en discussion afin de louer l’un de ses 4 ATR (une option également évoquée par Aircalin pour répondre à ses difficultés) à des compagnies régionales, dont certaines seraient d’ores et déjà intéressées, selon la direction, qui explique qu’au vu des précisions de trafic à venir, à savoir 300 000 passagers en 2024 ainsi qu’en 2025, seuls deux des quatre avions que compte sa flotte sont nécessaires pour assurer le trafic. Car si aucune ligne n’est pour l’heure supprimée, le nombre de rotations est lui nettement revu à la baisse.
Vers une fusion entre Aircal et Aircalin ?
Si l’ensemble de ces mesures et demandes sont rapidement mises en œuvre, la compagnie assure pouvoir tenir durablement et envisage même de pouvoir retrouver l’équilibre budgétaire d’ici fin 2025. Néanmoins, si les résultats ne sont pas probants, un « deuxième train de mesures » pourrait encore être annoncé par la direction dans le courant de l’année.
Une crise qui remet en lumière le projet d’un éventuel rapprochement, si ce n’est d’une fusion entre Aircal et Aircalin, toutes deux en proie aux difficultés financières et aux baisses d’activité. Un sujet évoqué par deux fois par le président du gouvernement lui-même, ce jeudi 18 juillet, lors de l’examen du budget supplémentaire de la Nouvelle-Calédonie au Congrès.
La direction confirme d’ailleurs « explorer toutes les synergies possibles », y compris une future exploitation des deux sociétés sur un seul et même aéroport, celui de La Tontouta. Des réflexions qui n’ont encore rien de concret, mais sur lesquelles les acteurs concernés devraient avancer « dans les prochaines semaines », à en croire les directions des deux compagnies aériennes.
Faut-il craindre une hausse du prix des billets d’avion ?
La direction d’Aircal assure qu’aucune hausse du prix des billets d’avion n’est à l’étude. En revanche, un travail est en cours pour réviser l’offre commerciale. L’objectif est de pouvoir rapidement proposer une « grille tarifaire élargie » qui permettra d’offrir des « prix attractifs » avec des conditions spécifiques (tarif sans bagage par exemple) et toute une gamme d’options. « L’objectif est de proposer un large choix pour le client en fonction de ses besoins, aussi bien en termes de prix qu’en termes de service », précise la compagnie.
Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes