Le conseil d’administration d’Air Tahiti Nui, près de deux mois après avoir nommé Philippe Marie au poste de PDG, en remplacement de Michel Monvoisin, s’est réuni à nouveau ce mardi pour finaliser cette nomination, notamment en déterminant sa rémunération. Il présentera officiellement sa feuille de route et son plan d’action après sa prise de fonction officielle, mais Moetai Brotherson donne quelques pistes. Pour parer au plus pressé et assurer l’attractivité de la compagnie : amélioration du service. Pour assainir les finances : faire entrer un nouveau partenaire au capital. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.
Il était temps : Philippe Marie doit s’installer dans le cockpit d’Air Tahiti Nui le 1er juillet, mais depuis fin avril il attendait de savoir exactement dans quelles conditions de rémunération il allait le faire. C’est chose faite avec le conseil d’administration de la compagnie qui s’est tenu à la présidence ce mardi.
Le parachute cadré en conseil des ministres
La question n’allait pas de soi, explique le président du Pays qui siège au conseil d’administration d’ATN, notamment pour ce qui concerne les conditions de sortie des PDG. Des conditions de sortie qui sont à présent encadrées par le Pays -elles ne sont pas statutaires, et seul Cédric Pastour avait, en son temps, négocié dès son arrivée les conditions financières de son éventuel départ-. « Michel Monvoisin avait exprimé son souhait de pouvoir bénéficier de conditions de sortie », explique Moetai Brotherson. « Lors du précédent conseil d’administration, j’ai dit que je m’engageais à fixer par arrêté en conseil des ministres le maximum de ce qui peut être accordé. Et il est bien en-deçà de ce qui avait été évoqué au départ. »
Mathieu Béchonnet reste directeur général délégué
Mathieu Béchonnet, directeur général délégué et considéré comme la cheville ouvrière de la direction de la compagnie, reste en poste, « dans les mêmes conditions que précédemment » mais, précise le président du Pays, « s’en suivra une période de rodage où on va devoir vérifier qu’ils arrivent à fonctionner ensemble, ce qu’on souhaite tous, évidemment. » Un tandem qui n’allait pas de soi, disait la rumeur. « Je pense qu’il faut au moins six mois pour apprendre à bien se connaître et à savoir si on peut travailler ensemble. »
Malgré les nombreuses interventions de Nuihau Laurey, lui-même administrateur d’ATN, le Pays a fait le choix de ne pas modifier la gouvernance de la compagnie en nommant un président du conseil d’administration et un directeur général, alors que l’Assemblée de la Polynésie avait adopté un texte le recommandant pour les sociétés d’économie mixte (SEM). C’est donc toujours un tandem PDG-DGD qui dirige Air Tahiti Nui. « Notre souci était de ne pas non plus trop bouleverser l’organisation et le fonctionnement d’ATN », dit Moetai Brotherson. « Peut-être que ce changement de gouvernance interviendra d’ici quelque temps. »
« L’attention devra se porter sur toute la partie commerciale »
Car l’urgence n’est pas là, dit le président. Au vu de la concurrence -le président évoque notamment la montée en gamme d’Air France- « à la fois techniquement, en termes de timing et en termes de budget, ATN ne sera pas en capacité de répondre à cette partie-là de l’équation. Donc, l’attention devra se porter sur toute la partie commerciale, sur le service qui est apporté. »
Sur ce point Moetai Brotherson dit espérer une concertation avec les personnels d’Air Tahiti Nui. « Je suis sûr que nos PNC, nos PNT, tous les personnels d’ATN ont des idées sur des choses qu’on peut améliorer, des choses qui sont simples à mettre en œuvre. » Philippe Marie a déjà sa feuille de route : « Il est d’accord sur cette feuille de route et elle sera communiquée aux administrateurs, je pense qu’on la communiquera également aux médias dans les jours qui viennent, on attend simplement qu’il prenne ses fonctions », poursuit Moetai Brotherson.
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Le nouveau PDG devra donc construire son équipe dans les prochaines semaines, et surtout prendre la température dans cette entreprise dont la masse salariale avoisine les 800 millions de Fcfp annuels. « Il y a peut-être des gens qui ne sont pas là où ils pourraient donner le meilleur d’eux-mêmes, il faut identifier d’éventuelles frustrations, arriver à détecter d’abord les talents à l’intérieur de la compagnie. » Mais il ajoute aussi « Il y a certainement des postes sur lesquels il faudra aller chercher en dehors de la compagnie. Les compétences dans l’aérien international, c’est assez difficile à trouver. »
Faire entrer un nouveau partenaire au capital, et vite
L’un des éléments essentiels de cette feuille de route va être la recherche de nouveaux partenaires. Le Pays détient le maximum de parts autorisé, et le soutien financier sous différentes formes -prêts, provisions- est de plus en plus lourd. « Si possible des partenaires qui ont de l’expérience dans l’aérien international, pour qu’ils apportent non pas seulement du capital, mais une expérience du domaine et un savoir-faire qui puisse bénéficier à la compagnie », confirme Moetai Brotherson. « Les variations entre une situation positive et une situation négative, une situation négative et une situation catastrophique, ça peut aller très vite. Il y a plusieurs facteurs à ça. Il y a les taux de change, il y a l’évolution des marchés qui peuvent varier, il y a également la concurrence, il y a les hydrocarbures », souligne le président du Pays. Vingt-cinq ans après la création d’Air Tahiti Nui, la recapitalisation semble inévitable.
Déficits cumulés, endettement, trésorerie, les chiffres tirent la sonnette d’alarme, malgré les provisions et les garanties apportées par le Pays pour rassurer personnels, partenaires et fournisseurs. Si les capitaux propres descendent en-dessous des 50% du capital social, ce qui semble déjà être le cas, la loi impose une recapitalisation à réaliser dans un délai de deux ans, à l’issue de laquelle les parts du Pays seront diluées. Un nouveau partenaire au capital sera-t-il aussi une façon de rendre plus « facilement acceptables » les inévitables changements ? « Tout à fait », répond le président. La messe est dite, reste à trouver le partenaire providentiel.
Caroline Perdrix pour Radio 1 Tahiti