Addictions en Nouvelle-Calédonie: Ivana Obradovic « Une situation épidémiologique à surveiller de près en Nouvelle-Calédonie»

Addictions en Nouvelle-Calédonie: Ivana Obradovic « Une situation épidémiologique à surveiller de près en Nouvelle-Calédonie»

© Actu.nc

Un bilan de la situation des addictions dans les Outre-mer a été publié en juin dernier. Réalisé à l’initiative de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), il propose une synthèse de l’ensemble des données ultramarines produites entre 2000 et 2019. Ivana Obradovic est directrice adjointe de l’OFDT. Elle répond aux questions de de notre partenaire Actu.nc sur la situation en Nouvelle-Calédonie.

Sur quelles données vous appuyez-vous pour dépeindre la situation en Nouvelle-Calédonie ?

Pour la Nouvelle-Calédonie, les sources d’enquête les plus récentes sont le Baromètre santé 2010 de l’Agence sanitaire et sociale de la Nouvelle-Calédonie (ASSNC) et l’enquête ESCAPAD de l’OFDT, qui a interrogé 451 jeunes Néo-Calédoniens de 17 ans en 2017. C’est la troisième fois que l’OFDT mène cette enquête parmi les adolescents de cette collectivité à statut particulier, après les enquêtes 2005 et 2008, ce qui permet des comparaisons dans le temps. L’état des lieux a également intégré les résultats d’autres enquêtes, menées par l’Inserm par exemple, comme l’étude Situation sociale et comportements de santé des jeunes en Nouvelle-Calédonie.

En Nouvelle-Calédonie, quelles sont les conclusions principales qui ressortent ?

Alors que les autres territoires ultra-marins présentent des niveaux de consommation générale-
ment bien en deçà de la moyenne métropolitaine, ce n’est pas le cas de la Nouvelle-Calédonie, y compris parmi les adolescents.

En matière de tabagisme d’abord, la Nouvelle-Calédonie compte plus de fumeurs que partout ailleurs dans l’Hexagone : 41 % de fumeurs à 17 ans vs 25 %.

En matière d’alcool, la Nouvelle-Calédonie occupe, là encore, une position particulière au sein des Outre-mer : l’expérimentation est massive dès 17 ans et l’usage quotidien deux fois supérieur à celui de la Métropole (3 % vs 1,3 %).

Enfin, la Nouvelle-Calédonie détient le record national d’usage régulier de cannabis parmi les adolescents.

La diffusion de ce produit dans la population est très forte : plus de la moitié des jeunes l’ont essayé à 17 ans (+ 16 points par rapport à̀ la Métropole). Mais surtout, l’usage régulier de cannabis, souvent problématique, touche plus de 10 % des jeunes.

Par ailleurs, les écarts dans les niveaux d’usage entre les filles et les garçons apparaissent encore plus marqués qu’en Métropole. Par exemple, les niveaux d’alcoolisation régulière importants restent marqués par un différentiel de genre important (10 % chez les garçons vs 5 % chez les filles).

Observe-t-on une évolution dans les pratiques addictives en Nouvelle-Calédonie ?

Les évolutions observées suggèrent une situation épidémiologique à surveiller de près dans les Outre-mer, en particulier en Nouvelle-Calédonie. Alors que les niveaux de consommation de substances psychoactives à l’adolescence ont baissé en métropole dans la période récente, ils n’ont pas faibli en Nouvelle-Calédonie entre 2005 et 2017. Le tabagisme s’y maintient à un niveau particulièrement élevé (plus de 40 % de fumeurs à 17 ans), bien qu’il soit en recul dans la quasi-totalité des Outre-mer.

De plus, les comportements d’alcoolisation intensive et précoce ne cessent d’augmenter depuis 2005 : un adolescent sur dix déclare au moins dix épisodes d’alcoolisation ponctuelle importante dans le dernier mois, ce qui est nettement plus élevé que dans la plupart des territoires français.

Ces consommations vont de pair avec des dommages socio-sanitaires importants, en particulier en termes de mortalité routière : la Nouvelle-Calédonie présente un des plus hauts taux mondiaux de mortalité par accident sur la route, en particulier chez les jeunes. Enfin, depuis 2005, la Nouvelle-Calédonie enregistre des niveaux d’usage de cannabis en hausse parmi les jeunes générations, à contre-courant de l’évolution observée en Métropole. Il en va de même de la diffusion de certaines drogues illicites, par exemple la cocaïne ou le LSD dont l’expérimentation progresse chez les jeunes.

Propos recueillis par Sylvie Nadin d’Actu.nc

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