Le candidat pro-chinois Mohamed Muizzu a remporté ce samedi 30 septembre la présidentielle aux Maldives en devançant nettement le chef de l'État sortant Mohamed Solih, qui a œuvré au renforcement des liens avec l'Inde, allié traditionnel de l'archipel de l’océan Indien.
Selon les résultats de la commission électorale, Mohamed Muizzu, 45 ans, a obtenu 54,06% des suffrages face au président sortant de 61 ans qui a aussitôt concédé sa défaite en adressant ses « félicitations » à son rival, sur X. La victoire de Mohamed Miuzzu pourrait déboucher sur un rapprochement avec Pékin, dans une région hautement stratégique. Haut lieu du tourisme de luxe, cet archipel de l'océan Indien se situe sur l'une des routes maritimes les plus fréquentées du monde dans une zone où l'Inde et la Chine rivalisent d'influence.
Le vainqueur de la présidentielle, dont le parti était entré dans l'orbite de Pékin pendant le mandat de son mentor Abdulla Yameen (2013-2018), a notamment défendu sans réserve les largesses financières accordées par Pékin dans le cadre des « nouvelles routes de la soie », gigantesque projet chinois d'investissements dans les pays en développement. Quand il était au gouvernement d’Abdulla Yameen, Mohamed Muizzu, actuellement maire de Malé, l'île-capitale de l’État insulaire, avait par ailleurs été le fer de lance d'un projet de pont financé par la Chine, pour un coût de 200 millions de dollars, reliant la capitale au principal aéroport du pays, situé sur l’île voisine d’Hulhulé.
Le premier tour de la présidentielle lui avait déjà donné une confortable avance (46,1% contre 39,1%) face au président sortant Ibrahim Mohamed Solih qui s'est efforcé, pendant son mandat, d'améliorer les relations tendues avec New Delhi. En concédant sa défaite, Mohamed Solih a tenu « à féliciter la population qui a participé à un processus démocratique et pacifique ». Le taux de participation s'est établi à 85% pendant le second tour, pendant lequel l'organisme de surveillance Transparency Maldives a relevé quelques incidents de « violence électorale ». La police a annoncé avoir arrêté 14 personnes pour violation des règles électorales.
Les Maldives tiraillées entre Pékin et New Delhi
En 2018, Mohamed Solih avait remporté une victoire surprise à la présidence en succédant à Abdulla Yameen, qui purge actuellement une peine de 11 ans de prison pour corruption et blanchiment. Il avait reproché à son prédécesseur d'avoir poussé le pays dans le piège de la dette chinoise en empruntant massivement pour les infrastructures.
À l’époque, le virage du gouvernement de Abdulla Yameen au profit de Pékin avait alarmé New Delhi, qui partage les inquiétudes occidentales face à l'affirmation croissante de la Chine dans l'océan Indien. À son arrivée au pouvoir, Mohamed Solih a rapidement agi pour rétablir les relations de l'archipel avec New Delhi, en invitant le Premier ministre indien Narendra Modi à assister à son investiture et en permettant de renforcer sa petite présence militaire. Pendant la campagne pour sa réélection, il a cherché à rallier des soutiens en faisant campagne sur des questions locales telles que le logement.
Le parti de Mohamed Muizzu avait, lui, centré le débat sur la diplomatie en critiquant le rapprochement de Mohamed Solih avec l'Inde, un pays au poids politique et économique démesuré aux Maldives et objet d'une désaffection ancienne. Son parti du PPM et des groupes militants ont régulièrement organisé des manifestations exigeant une réduction de l'influence indienne dans la nation musulmane.
Pendant la campagne, les alliés de Mohamed Muizzu ont affirmé que son élection contribuerait à débarrasser le pays de toute ingérence étrangère. Mohamed Muizzu a pourtant ouvertement fait part de ses projets de suivre la ligne pro-Pékin de son mentor Yameen. « Nous sommes impatients de revenir au gouvernement en 2023 (...) pour écrire un nouveau chapitre de liens forts entre nos deux pays », avait-il déclaré lors d'une réunion avec des membres du Parti communiste chinois l'an dernier.
Pendant la campagne, l'ancien ministre des Affaires étrangères Ahmed Shaheed avait toutefois assuré à l'AFP que le prochain président « devra trouver un équilibre entre les intérêts de l'Inde et de la Chine ». « Vous ne pouvez pas rejeter l'Inde et survivre », avait-il prévenu.
Avec AFP