Piste longue à Mayotte : « C’est plus contraignant avec l’apparition du volcan sous-marin, mais c’est faisable »

Piste longue à Mayotte : « C’est plus contraignant avec l’apparition du volcan sous-marin, mais c’est faisable »

Dans son quatrième dossier de présentation, la direction générale de l’aviation civile revient sur la prise en compte des risques naturels. Sans surprise, l’éruption récente du volcan sous-marin complique quelque peu la construction de la piste longue. Toutefois, Christophe Masson, le délégué à la piste longue de l’aéroport de Mayotte, confirme la faisabilité de ce projet d’aménagement. Il était interrogé par nos partenaires de Mayotte Hebdo.

Mayotte Hebdo : En 2020 et 2021, des études et analyses approfondies sur les risques naturels ont été menées. Quelle information principale en avez-vous tiré ? 

Christophe Masson : Nous retenons principalement la prise en compte des conséquences de l’activité volcanique apparue en 2018. C’est assez fondamental par rapport à la définition des caractéristiques de la piste longue… Le site est par conséquent plus contraint sur différents aspects. Premièrement, il y a la stabilité du platier, la plateforme sur laquelle nous allons déposer le remblai. Il faut qu’il tienne dans le temps et qu’il ne s’affaisse pas. En deuxième, il y a la carapace de protection du remblai-digue supportant la piste.

Le nouveau volcan peut engendrer des séismes. Et ceux de magnitude supérieure à 6 peuvent entraîner des effondrements sous-marins de matériaux, de l’ordre de 260 millions de mètres cubes. En cas d’effondrement, cela provoque tout naturellement un tsunami. Pour résister à l’action des vagues sur les digues, il faudrait des accropodes (blocs artificiels) de 16 mètres cubes pour le scénario 2. Troisièmement, il y a l’altimétrie (hauteur). Même si c’est plus contraignant, le projet reste faisable, c’est important de le souligner !

À l’horizon 2125, l’hypothèse d’augmentation du niveau des eaux est de 2.28 mètres par rapport à la situation actuelle : 78 centimètres de subsidence, 1.25 mètre dû au changement climatique et 25 centimètres d’incertitude altimétrique. Ces données font froid dans le dos, non ?

Rien qu’en 2019, Petite-Terre s’est enfoncée de 19 centimètres à cause du volcan sous-marin. D’ici 100 ans, soit la durée de vie des grandes infrastructures telles que la piste longue, il y aurait l’équivalent de trois fois ce phénomène. Certes, nous parlons d’une perspective sur un siècle, mais nous sommes obligés de regarder sur du long terme. Et toutes ces données sont malheureusement assez réalistes !

La hauteur au-dessus du niveau de la mer de la piste actuelle est au minimum à 2.7 mètres dans la partie nord et au maximum à 7.2 mètres au sud. Dans le projet, cela grimpera à 7.5 et à 8.8 mètres. Cet écart s’impose en raison de l’activité volcanique, dont la conséquence est déjà visible : lorsqu’il y a de gros coefficients de marée, une partie de la piste est inondée…

La réalisation de la piste longue concerne la hauteur de la piste, la stabilité du platier et la carapace de protection du remblai-digue supportant la piste. En raison des risques cycloniques et tsunamiques, mais aussi de l’évolution du volcan sous-marin, il apparaît désormais impensable d’envisager le scénario 1 qui comporte l’allongement de la piste actuelle à l’extrémité sud….

Nous convergeons de plus en plus vers le scénario 2. Mais nous attendons encore les derniers éléments environnementaux. Dans les deux cas, prolonger vers le sud est plus pénalisant pour le fonctionnement du lagon. Par contre, il y a un avantage pour le scénario 1 sur l’extrémité nord car il a moins d’impact visuel. Le dossier sur ce sujet devrait sortir dans les prochaines semaines.

D’un point de vue technique, comment seront pris en compte la réalisation d’un pré-chargement du remblai ? Et quelles seront les conséquences sur le calendrier ?

La réalisation d’un pré-chargement se fait couramment dès lors que nous sommes confrontés à des sols argileux. Cela consiste à déposer un premier volume important de matériaux sur l’argile. Nous le laissons se tasser avant d’ajouter une deuxième charge qui sera stabilisée. Ce ne sera pas forcément compliqué puisque nous travaillerons d’une extrémité à une autre, donc cela laisse le temps de sécher. Toutefois, tout dépendra encore une fois de l’approvisionnement en matériaux…

Propos recueillis par Mayotte Hebdo.