Mayotte : Contre les violences, le nouveau commandant de la gendarmerie appelle « à la coopération de la population »

©France Mayotte Matin

Mayotte : Contre les violences, le nouveau commandant de la gendarmerie appelle « à la coopération de la population »

Le Général Lucien Barth vient de succéder au Général Capelle à la tête de la gendarmerie de Mayotte. Il entend poursuivre ce qui a été initié et renforcer la lutte contre l’économie informelle qui attire l’immigration clandestine, et appelle à la coopération de la population contre les violences. Une interview de notre partenaire France Mayotte Matin.

Vous êtes arrivé le 2 août, Où exerciez-vous avant ?

Général Lucien Barth : J’arrive de la région de Corse, j’étais commandant en second de la gendarmerie. Sur la totalité de ma carrière, j’ai 31 ans de gendarmerie, j’ai passé 1/3 du temps sur les iles. J’ai été commandant de compagnie en brousse en Nouvelle-Calédonie, j’ai exercé comme commandant en second du Com-gend en Martinique. Mayotte est ma 3e affection insulaire d’affilée. Je n’ai jamais servi à Mayotte mais j’ai une certaine expérience des îles.

Quel est votre feuille de route ? Quels sont vos objectifs ?

Ils m’ont été fixés par le préfet de Mayotte et le général Lavergne qui commande la gendarmerie en Outre-mer. Ils ne sont pas différents de ceux du général Capelle. Il s’agit de consolider la sécurité des mahorais en privilégiant au maximum la liberté d’aller et venir et de tenir les axes structurants pour l’activité de Mayotte.

Il s’agit également de participer à la LIC et de permettre le bon déroulement de l’année scolaire puisque le sujet de la jeunesse rythme la vie de l’île. En termes de police judiciaire, c’est à la fois de judiciariser les troubles à l’ordre public autant qu’on le peut, c’est-à-dire interpeller les fauteurs de trouble et les présenter à la justice et agir sur l’économie souterraine liée à l’immigration. C’est un enjeu auquel on va s’attaquer avec une action renforcée à compter du début septembre.

Cela rejoint les annonces de Gérald Darmanin en juin dernier ?

Exactement, c’est la continuation de Wuambushu, une première phase était tournée sur la sécurité avec le renforcement massif de l’ordre public tout en maintenant nos efforts sur les 3 piliers annoncés.

On va s’attacher grâce à un renforcement de notre capacité judiciaire à lutter de manière déterminée contre l’économie souterraine liée à l’immigration clandestine. Je recevrai des renforts des début septembre : 15 militaires, officiers de police judiciaire très expérimentés qui vont renforcer les personnels présents pour mener des actions sur des dossiers.

Est-ce la réactivation du GIR à Mayotte ?

C’est une réactivation du GIR qui a été actée, cette action va être renforcée par ces 15 militaires qui vont fonctionner en task force. L’idée est d’avoir un impact fort sur l’économie souterraine liée à immigration dans un délais de 4 mois, il faut aboutir à la résolution d’affaires dans un temps court. On lutte contre l’immigration clandestine en ramenant l’ordre public, mais aussi en luttant contre ce qui rend attractif l’immigration clandestine. Tous ceux qui tirent un bénéfice de l’immigration clandestine doivent se sentir en insécurité.

Quelle coopération judiciaire avec les Comores sur ces sujets d’économie souterraine ?

C’est un sujet que je ne peux pas évoquer avec vous.

Allez-vous poursuivre ce qui a été engagé par votre prédécesseur ?

Je ne change rien et je m’inscris dans la continuité de mon prédécesseur dans ce qui fonctionne et je lui rends hommage. La sécurisation des sites touristiques a bien fonctionné et cela permet d’assurer ou de rassurer la population sur leurs loisirs. Ce sont des opérations qui participent à la sécurisation de l’espace public.

Comment les actions de la gendarmerie s’articulent-elles avec le grand public ?

La gendarmerie vit avec la population, elle partage ses préoccupations et ses centres d’intérêt. On ne peut pas agir seuls, nous avons besoin de la population pour faire remonter les informations pour agir au bon endroit et au bon moment, pour agir contre ceux qui commettent des délits et des crimes. Dès que la loi est respectée bien évidemment, nous appelons de nos vœux la coopération avec les collectifs, les associations, les élus et la population.

Après le départ des effectifs de l’opération Wuambushu, on parle de renfort d’un escadron. Quand arrivent ces gendarmes ? Quand vont-ils partir ?

L’escadron en renfort est arrivé, il est opérationnel depuis hier et va renforcer le dispositif de la rentrée scolaire. Je n’ai pas de dates de départ pour le moment.

Le sujet des violences conjugales et des agressions sexuelles sur les mineurs est prégnant à Mayotte, comment la gendarmerie accueille-t-elle les victimes ? On peut être intimidé de devoir parler à un gendarme.

Dans toutes les brigades de Mayotte, il y a des enquêteurs et enquêtrices formés pour recueillir la parole des victimes. Une victime est accueillie, un processus se met en place pour la rassurer et ensuite, entendre ce qu’elle a à dire dans les conditions les moins traumatisante pour elle. Le premier niveau ce sont les brigades, appuyées si besoin par les gendarmes de la maison de protection des familles. C’est une vraie plus-value. Je ne doute pas que le volume des affaires que nous aurons à traiter va augmenter sensiblement dans les années à venir car la parole va se libérer. On l’a observé ailleurs en Outre-mer et en métropole et c’est clairement une priorité.

Comment vivez-vous ces premiers jours au Comgend à Mayotte ?

Quand on est affecté sur Mayotte, on est affecté sur un territoire à enjeux pour y apporter quelque chose de concret à la population. Je parle des gendarmes qui travaillent à la sécurité des mahorais tant ceux qui sont partis, que ceux qui sont là ou qui vont arriver ; je salue leur engagement et leur détermination ici plus qu’ailleurs on a besoin de notre engagement individuel.

L’enjeu est plus lourd et plus profond, on n’est pas affecté par hasard on a envie d’y être pour ajouter sa pierre à l’édifice. J’avais envie de venir très clairement. Depuis 2008, je suis sur le terrain de manière continue et j’apprécie cette forme d’expression professionnelle que je qualifierai de privilégiée : être en prise avec le quotidien, avec la population que l’on doit protéger et rassurer. J’étais volontaire pour commander la gendarmerie de Mayotte. Au regard de l’intérêt que le Gouvernement porte à l’évolution de cette île, c’est un défi professionnel que j’avais envie de relever et je suis très honoré d’avoir pu recevoir ce commandement, je le dis en toute humilité.

Propos recueillis par Anne-Constance Onghéna pour France Mayotte Matin