Les différentes étapes de la départementalisation de Mayotte racontées par le Mahorais Ismaël Chakrina dans son essai « La consultation du 2 juillet 2000 »

Les différentes étapes de la départementalisation de Mayotte racontées par le Mahorais Ismaël Chakrina dans son essai « La consultation du 2 juillet 2000 »

Après « Mayotte au sein de la République : les deux référendums de 1976 », un premier ouvrage où il proposait un éclairage nouveau sur la question mahoraise, le Mahorais Ismaël Chakrina récidive avec « la consultation du 2 juillet 2000″, un nouvel essai paru aux éditions Jets d’Encre relatant les différentes étapes qui ont conduit à la départementalisation de Mayotte. Un récit passionnant et très documenté sur le chemin tortueux menant jusqu’à la départementalisation de « l’île aux parfums » en 2011.

Chargé de mission des grands projets au département de Mayotte depuis 2016 après avoir été directeur de la bibliothèque de prêt de 2004 à 2016, actuel 4ème adjoint au maire de Sada, une ville de plus de 11 000 habitants, autant dire que Ismaël Chakrina, ce Mahorais de 47 ans né à Mamoudzou, la capitale de Mayotte, connaît un rayon sur la question mahoraise et notamment sur le long processus qui a amené « l’île aux parfums » à devenir le 101è département français.

Colonie française depuis 1841, Mayotte a revendiqué très tôt le statut de département français. En 1958 déjà, à la suite de l’installation de l’administration française à Moroni, capitale de l’archipel des Comores, cette revendication se faisait déjà très pressante menée par des notables mahorais. Plus tard, dans les années 60 et 70, la combattante pour les Droits des femmes, Zéna M’Déré, à la tête du mouvement des « Sorodats » – connu aussi pour mouvement des « Chatouilleuses » – avait pris à son compte cette revendication. Une revendication d’autant plus prégnante au sein de la société mahoraise que pas très loin, à l’île de la Réunion, la population avait accédé depuis bien longtemps (mars 1946) au statut de département français en même temps que les Antilles-Guyane.

Une revendication ancienne

Comment cette revendication a pu prendre presque un demi-siècle pour aboutir, alors que dans leur grande majorité, les Mahorais n’ont pas cessé de réclamer les mêmes droits que les autres territoires français ? Quelles sont les étapes et les retournements de situation qui ont finalement mené à la consultation de juillet 2000 ?

Des éléments de réponse précis et fortement documentés sont apportés par Ismaël Chakrina dans son essai paru aux éditions Jets d’Encre intitulé « La consultation du 2 juillet 2000 » qu’il présente comme un « tremplin pour la départementalisation de Mayotte ».

Ainsi, l’auteur rappelle que par deux fois, en 1974, à 63,8% des suffrages exprimés, puis en 1976 à 99,4% lors du second référendum, les Mahorais refuseront l’indépendance votée par la population de l’archipel des Comores qui comprenait alors 4 grandes îles (La Grande Comore, Mohéli, Anjouan) et Mayotte, l’île la plus au sud de l’archipel et la plus ancienne. Une indépendance qui sera finalement accordée au reste de l’archipel en 1975.

A cette occasion, les Mahorais n’avaient pas manqué de réaffirmer leur volonté de rester  dans l’ensemble français et d’accéder au statut de département. Ils ont failli avoir gain de cause lorsque en 1979, un projet de loi relatif à cette question a été déposé à l’Assemblée nationale par le gouvernement dirigé à l’époque par Jacques Chirac. Mais ce projet a été remisé, les parlementaires avaient cependant consenti de reporter à 5 ans la date de consultation de la population locale sur une transformation en département de Mayotte ou éventuellement l’adoption d’un statut différent.

Une départementalisation à marche forcée

Finalement, ce n’est qu’en juillet 2000 qu’interviendra cette consultation locale qui verra 72,94% des électeurs se prononcer alors en faveur de l’inscription de Mayotte au statut de « collectivité départementale ». Une loi qui affirme dans son article premier que « Mayotte fait partie intégrante de la République et ne peut cesser d’y appartenir sans le consentement de sa population ». Et ce n’est qu’en 2009 que la question de la création d’une collectivité unique régie par l’article 73 de la Constitution, exerçant les compétences d’un département et région d’outre-mer sera posée avec une départementalisation effective de Mayotte qui intervient en 2011.

Il faut toutefois croire que ce long processus et ce cheminement tortueux n’auront pas permis de réussir cette départementalisation puisque la Cour des comptes qualifie ce changement de statut de « fuite en avant » et de réforme « insuffisamment préparée et pilotée », dont le « coût et les risques financiers n’ont pas été évalués« . Mayotte présente en effet sur le plan économique un retard de développement important et des inégalités sociales si criantes qu’il a aujourd’hui le triste privilège d’être le département le plus pauvre de France avec un taux de pauvreté qui s’élève à 84%. Un bien triste record. De là à
penser que Mayotte n’a pas suffisamment bénéficié des avantages que lui confère son statut de département français, il n’y a qu’un pas que certains n’ont pas hésité à franchir.

E.B.

« La consultation du 2 juillet 2000 »
Un tremplin pour la départementalisation de Mayotte
Ismaël Chakrina
Editions Jets d’Encre