Dans une configuration économique internationale difficile, les entreprises réunionnaises ont fait, comme les autres, peser l’augmentation générale des coûts au consommateur. Dans l’île, l’indice des prix à la consommation a progressé de 3,6% en 2022 après +1,4% l’année précédente, selon la dernière étude de l’Institut d’émission des départements d’Outre-mer (IEDOM). Mais si la hausse des prix a contribué à une progression des chiffres d’affaires, elle a paradoxalement fait reculer légèrement leurs taux de marge. Explications.
La reprise économique post-Covid et la guerre en Ukraine ont continué d’entraîner de fortes tensions sur les cours internationaux de l’énergie et des matières premières en 2022. La Réunion n’a pas échappé à cette conjoncture, qui s’est traduite par des hausses du coût des intrants (achats de marchandises et de matières premières, ndlr). Sur l’année considérée, ces derniers « ont respectivement augmenté de 8,6% et 2,9% en moyenne. La hausse du coût total des intrants varie selon les secteurs : +39,8% pour le secteur du tourisme, +20% environ pour les secteurs des services aux entreprises, de l’industrie et de l’agriculture et pêche, +12,1% pour la construction, +9,1% pour le secteur du commerce, +6% pour les autres services », précise l’IEDOM.
Cela a mécaniquement impliqué une augmentation des prix de vente, qui a elle-même entraîné en partie une hausse du chiffre d’affaires (CA). Ainsi le CA des entreprises réunionnaises de l’échantillon étudié par l’IEDOM a connu une croissance de 7,1% en moyenne en 2022, contre +8,6% en 2021 et -3,7% en 2020. L’analyse de l’institut est claire : « l’enquête de conjoncture de l’IEDOM montre qu’une grande majorité des entreprises ayant subi cette inflation des intrants décrite précédemment a répercuté, au moins partiellement, cette hausse dans leurs prix de vente. (…) La hausse des prix de vente a donc in fine contribué à l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation. Celle-ci a atteint +3,6% en moyenne annuelle 2022 après +1,4% en 2021 ».
L’augmentation du CA des entreprises varie selon les secteurs. La progression a été la plus forte dans les activités touristiques qui ont bénéficié du retour des visiteurs après le Covid : « le CA des entreprises du secteur a bondi de 28,4% sur un an : +25% dans l’hébergement-restauration, +28,2% dans la location de voitures de tourisme, +65% pour les agences de voyages. Le CA du secteur du tourisme reste cependant inférieur de 13% à son niveau de 2019 », constate l’IEDOM. Viennent ensuite les services aux entreprises (+9,2%), l’industrie (+8,7%), le commerce (+7,2%) et le secteur de l’agriculture, de la pêche et des industries agroalimentaires (+5,5%). La construction est le seul secteur qui voit son activité diminuer avec un chiffre d’affaires baisse de 1,5%, du fait de la hausse des coûts des intrants.
Toutefois, si la valeur ajoutée des entreprises réunionnaises a continué à progresser (+3,2%) en 2022, c’est à un rythme très inférieur à l’année précédente (+10,3%) et sensiblement moins vite également que leur CA. « Cette évolution s’explique par le fait que les entreprises ont absorbé une partie du renchérissement du coût des marchandises et des matières premières. Par ailleurs, les charges de personnel ont progressé en 2022 (+6,5%) pour les entreprises de notre échantillon. Cette hausse s’explique moins par les revalorisations salariales, qui ont été plutôt modérées (+0,8% en moyenne entre 2021 et 2022) que par la progression des effectifs qui a été importante (+5,7%) dans les entreprises de l’échantillon », explique l’IEDOM.
Aussi, du fait du ralentissement plus rapide des bénéfices d’exploitation par rapport à celui de la valeur ajoutée, le taux de marge médian des entreprises réunionnaises a reculé de deux points. « Il passe ainsi de 30,5% en 2021 à 28,5% en 2022. À titre de comparaison, ce taux s’établit à 25% au niveau national en 2022 (comme en 2021) pour les petites et moyennes entreprises (qui constituent l’essentiel de l’échantillon des entreprises réunionnaises) », souligne l’étude. La diminution du taux de marge médian concerne tous les secteurs. Elle est plus fortement marquée dans les secteurs de l’industrie et du tourisme (respectivement -2,7 points et -2,5 points de pourcentage), ainsi que de l’agriculture, de la pêche et des industries agroalimentaires (voir graphique ci-dessus).
Dans ce contexte, note l’IEDOM, la trésorerie des entreprises réunionnaises s’est dégradée. Trois facteurs contribuent à ce tassement, écrit cet organisme : « (1) la trésorerie s’est contractée sous l’effet de la hausse des coûts des intrants ; (2) une partie des prêts garantis par l’État (PGE) non consommée au début de la crise sanitaire a d’abord renforcé les trésoreries des entreprises réunionnaises. Puis le remboursement de ces prêts a mécaniquement réduit leurs disponibilités en 2022 ; (3) enfin, les stocks ont progressé fortement sur la même période (+14%), ce qui a accru les besoins de financement à court terme ».
PM