À quelques jours de la rentrée des élèves, la gendarmerie de Mayotte, renforcée avant et peu après le cyclone Chido, est prête à élargir le dispositif pour assurer la sécurité autour des établissements scolaires dégradés. Le point avec le général Lucien Barth, commandant de la gendarmerie de l’archipel, interrogé par nos partenaires de Flash Infos / Mayotte Hebdo.
Flash Infos / Mayotte Hebdo : A peine le cyclone Chido passé, le samedi 14 décembre, quels étaient les ordres transmis aux gendarmes présents sur l’archipel ?
Lucien Barth : Les premiers ordres ne sont pas venus après, mais avant. Rapidement, on avait préparé notre manœuvre. Ce n’est pas la première fois que nous avons ce type d’événement climatique en outre-mer et notre première mission est de porter secours. On avait donc fait le plein de carburant, protéger les véhicules, vérifier que les groupes électrogènes fonctionnaient. Il fallait qu’on garde notre capacité de mobilité dès la fin de l’alerte violette (N.D.L.R. les véhicules ont autorisation de circuler pendant une alerte rouge).
A quelles difficultés avez-vous été confrontées aux premiers jours ?
Nous savions que nous allions perdre la liaison. Toutes les unités ont quand même travaillé en autonomie. On a formé des colonnes pour dégager les axes avec la direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer (Dealm), puis la Formisc (N.D.L.R. Formations militaires de la Sécurité civile). Le plus compliqué a été de ne pas pouvoir faire de bilan. On s’est rendu compte de l’ampleur des dégâts par un survol en hélicoptère.
Comme la population mahoraise, on a subi le cyclone. On a trois unités qui ont été détruites, la brigade de Koungou, la brigade nautique et celle de Combani-Tsingoni. Cette dernière a d’ailleurs été transférée à la Maison France Service pour assurer l’accueil. Elle ne pourra pas regagner ses locaux avant cinq à six mois. On a aussi 70 gendarmes qui ont tout perdu. Une partie à pu être relogée, mais une trentaine n’ont toujours pas d’hébergement.
Des pillages ont eu lieu rapidement dans les maisons dévastées et sans surveillance. Où en est-on de ce phénomène aujourd’hui ?
Qu’il y ait eu de la récupération illicite de matériaux, c’est indéniable. Je rappelle que notre but absolu était le secours aux personnes et le rétablissement des axes routiers (voir encadré). On a eu une cinquantaine de colonnes pour faire de la reconnaissance en tous lieux pour aller au contact des personnes. Ensuite, on a augmenté la sécurisation en multipliant les patrouilles avec les renforts. On a retrouvé un dispositif opérationnel que l’on connaît pour lutter contre l’ultra-violence. Il y a eu des cambriolages, mais sans violences. On n’a pas vu de phénomène de pillage de magasin qu’on peut connaître généralement après ce type d’événement climatique.
Même dans l’après-Chido, est-ce qu’il y a des secteurs où les troubles à l’ordre public ont repris ?
On n’est plus tout à fait dans la même situation que l’année dernière (N.D.L.R. le camp de migrants installé au stade de Cavani et plusieurs faits-divers avaient déclenché des barrages montés par la population en janvier 2023). Pendant le cyclone, on a eu des tentatives d’intrusion dans les magasins et des groupes qui se sont opposés aux forces de l’ordre. Mais dans l’ensemble, on a plutôt une phase de sidération, avant un retour timide de la délinquance que l’on connaît bien. Notre curseur, c’est le nombre de grenades lacrymogènes. D’octobre à janvier, on a eu deux-tiers de grenades en moins par rapport à la période précédente, il y a également eu un nombre de gendarmes blessés réduit de deux-tiers.
Vous avez obtenu des renforts rapidement. Combien de gendarmes comptez-vous sur l’archipel aujourd’hui ? Et pour combien de temps ?
Avant le cyclone Chido, on avait obtenu deux escadrons de gendarmes mobiles supplémentaires pour l’opération de Mavadzani. On avait atteint le nombre de 800 gendarmes. Je note d’ailleurs que celle-ci a eu lieu sans les violences que l’on nous promettait. La semaine suivant Chido, on a eu 350 renforts en plus. Avec 1.200 gendarmes, dont une partie qui assure la logistique, on arrive au chiffre de l’opération Wuambushu (N.D.L.R. entre avril et juillet 2023). Ces renforts seront sur place durant toute la phase de stabilisation qui pourrait durer plusieurs mois.
La rentrée des élèves commence le lundi 27 janvier. La sécurisation des établissements étant déjà une de vos missions importantes, de quelle manière va-t-elle être effectuée sachant que des collèges et lycées sont rendus plus vulnérables par les dégâts du cyclone ?
En effet, on a un dispositif adapté à la rentrée scolaire. Il est plus large que le périmètre autour des établissements, puisqu’il comprend les trajets en bus. Il est évident qu’avec l’affaiblissement de la sécurité passive des établissements, on va devoir le renforcer pour éviter les failles. On va faire un gros effort pour assurer la sécurité des enfants et de la population.
« 325 sécurisations » des distributions
Un mois après le cyclone Chido, la gendarmerie de Mayotte a établi un bilan de ses actions. Elle fait état de « 14 000 personnes contactées » pour rassurer la population et « 325 sécurisations »de distribution de vivres et d’eau. Outre le respect du couvre-feu à 22h qui est toujours en vigueur, les gendarmes n’ont pas laissé de côté la lutte contre l’immigration clandestine (une mission qu’elle partage avec la police), puisque 352 étrangers en situation irrégulière ont été appréhendés, ces dernières semaines.
Alexis Duclos pour Flash Infos / Mayotte Hebdo