Premier port des Outre-mer dans une zone stratégique, le Grand port maritime de la Réunion a su tirer parti de sa position géographique depuis sa création en janvier 2013, souligne un rapport de la Cour des comptes publié ce 31 mars, qui salue notamment la croissance du trafic, la régénération de l’outil industriel, et un bon fonctionnement des instances de décision. Toutefois des difficultés demeurent, comme la gestion des ressources humaines, un projet stratégique insuffisamment clarifié, et le renforcement général du pilotage.
Le Grand port maritime (GPM) de la Réunion, premier port d’Outre-mer par l’importance de son trafic, joue un rôle crucial pour l’île en tant que principal point d’entrée des flux commerciaux avec la zone indopacifique et l’Hexagone, relève la Cour des comptes dans son introduction. En plus de gérer l’approvisionnement énergétique, les matières premières et les biens consommés localement, il exporte l’essentiel des productions de l’île. Ce port polyvalent est aussi un hub pour les porte-conteneurs de la région, la principale base de la Marine nationale des territoires ultramarins, un port de croisière, de pêche hauturière et de plaisance, ainsi qu’un centre de réparation navale.
Malgré deux changements à la tête du directoire et à la tête du conseil de surveillance, qui auraient pu entraîner des bouleversements stratégiques, « le grand port a su conduire une politique de développement dynamique et efficace, combinant un effort d’investissement constant et soutenu, afin de valoriser et régénérer son outil », poursuit la Cour, ainsi qu’une politique tarifaire équilibrée, respectueuse des intérêts économiques des différents acteurs.

« Le trafic est passé de 4 millions de tonnes (Mt) en 2013 à 5,2 Mt en 2023, dépassant même 6 Mt en 2021. Financièrement, le grand port a accumulé les résultats positifs, dépassant même les 6 millions d’euros de résultat net à trois reprises. Les fonds propres se sont accrus, grâce aussi à la politique de l’État, qui a renoncé à percevoir des dividendes pendant la période. La valeur des actifs a progressé de 17,5% et s’approche aujourd’hui des 400 M€ ».
L’outil industriel a subi une transformation notable grâce à l'installation de nouveaux portiques, la rénovation de nombreuses infrastructures et quais, ainsi que l'acquisition d'équipements modernes tels que des grues et des silos à glace. Ces améliorations permettent de répondre efficacement à la croissance et aux mutations des activités. « À la différence d’autres équipements du même type, le grand port a remarquablement surmonté la crise sanitaire. Son rôle dans les relèves d’équipage des navires commerciaux de la zone pendant cette période lui a même fourni l’occasion d’accroître son rayonnement », constate le rapport de l’institution.
« Ce bilan positif, au terme de dix années, ne doit cependant pas occulter une baisse récente des résultats du port ni le maintien de certaines difficultés », tempère néanmoins la Cour des comptes. Premièrement, le devenir de la zone arrière-portuaire de Port Est reste indéterminé, malgré les initiatives de l’État visant à trouver un consensus entre les différents acteurs locaux. Seconde difficulté, la gestion des ressources humaines, qui présente plusieurs lacunes : « effectifs marqués par une certaine ancienneté et un recrutement parfois endogame ; politique sociale assez avantageuse pour les personnels, conduisant à une progression de charges à surveiller ; recours excessif aux heures supplémentaires et aux contrats à durée déterminée », précise le rapport.

Troisième point, « le positionnement stratégique du grand port, dans un contexte de forte concurrence au sein de la zone indopacifique ». Pour rester compétitif face aux défis émergents, le port doit s'adapter en optimisant ses infrastructures, en renforçant l'attractivité de ses services, et en développant de nouvelles capacités de rayonnement. Dans cette perspective, la gestion de l'exiguïté du foncier disponible joue un rôle clé.
Dernière difficulté, le projet d’acquisition de dock flottant, en passe d’aboutir après son commencement en 2019. L'équipement destiné à améliorer la capacité de réparation navale à Port Réunion, attendu début 2025, suscite des interrogations en raison de son coût élevé, de son retard, de préoccupations liées à sa vétusté et de conditions d'exploitation encore floues, d’après la Cour des comptes.
« D’une part, le montant des investissements consentis pour l’acquisition du dock a conduit à une tension de trésorerie importante au cours de l’exercice 2023, en raison du retard dans le versement des subventions », ce qui implique que les conditions de recours à des lignes de trésorerie soient clarifiées. « D’autre part et surtout, la rentabilité de cet investissement est très incertaine », déplore le rapport. D’où la nécessité de renforcer les conditions de réception et d'exploitation du dock flottant, ainsi que son plan d'affaires, en apportant des garanties sur le carnet de commandes, les modalités d'exécution et la tarification des prestations.

Pour finir, la Cour des comptes formule une série de recommandations. Parmi ces dernières : « Assurer une parfaite information du conseil de surveillance sur les perspectives financières du GPM ; Aboutir dans la mise en œuvre du plan d’action achats de 2020 ; Maîtriser la hausse des dépenses de personnels et limiter le cumul des dispositifs d’intéressement s’ajoutant aux autres primes ; Renforcer la fonction ressources humaines par la création d’une direction de ressources humaines ; et Faire procéder à un état des lieux par un expert indépendant avant réception du dock et mettre en place les actions nécessaires pour défendre les intérêts financiers du grand port maritime de la Réunion ».
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PM