À l’issue d’une réunion interministérielle (Transports, Industrie et Outre-mer) avec la direction d’Air Austral, ce mardi à Paris, le gouvernement a demandé à la compagnie réunionnaise en difficulté un plan de retournement sur trois ans. En attendant sa présentation prévue fin avril, l’État se dit prêt à ne pas assigner la compagnie « au titre du passif public qui a été constitué ».
L’État promet un accompagnement d’Air Austral, mais un accompagnement, prévient-on, « exigeant ». La compagnie, qui a bénéficié de 120 millions de prêts pendant la crise sanitaire, puis d’un abandon de créances de 100 millions d’euros, avant un nouveau soutien de 55 millions d’euros de ses actionnaires au moment du plan de restructuration de la compagnie en janvier 2023, demeure en grande difficulté.
Et l’enjeu est grand. Air Austral, avec ses plus de 800 salariés, est un grand pourvoyeur d’emplois à La Réunion. Compagnie régionale, elle assure la desserte et le développement économique et touristique de La Réunion depuis Paris -en concurrence avec Air France, Corsair et French bee-, tout en ouvrant l’île sur l’océan Indien. Elle est aussi un acteur majeur du désenclavement de Mayotte, puisque seule compagnie à opérer des vols directs entre l’archipel et Paris.
Soulignant « un suivi un particulier et significatif de la compagnie », l’État « a souhaité voir toutes les parties prenantes, que ce soit les actionnaires, la compagnie, leurs conseils, parce qu’Air Austral rencontre des difficultés, et c’est le moment d'aborder cette question et de voir comment on trouve ensemble des moyens pertinents pour dépasser cette difficulté ». Pour ce faire, le gouvernement a donc demandé à la compagnie un plan de retournement sur trois ans, à présenter fin avril.
« Prise de conscience tardive »
« La survie de la compagnie nécessitera des efforts de toutes les parties prenantes, à commencer par la compagnie elle-même et ses actionnaires » insiste le gouvernement, qui regrette des « erreurs de prévisions, et de non mise en œuvre de mesures qui auraient dû être mises en œuvre dans le cadre de la précédente restructuration ». On évoque aussi « la prise de conscience tardive des risques encourus par la compagnie, que ce soit du Conseil de surveillance ou de la direction de l'entreprise ». Le gouvernement a donc besoin d’un plan « solide et pérenne » pour « objectiver la situation », « fiabiliser les prévisions » et « rassurer les créanciers ou tout apporteur d'argent frais ».
Début mars, la direction de la compagnie a validé un plan de restructuration, assorti d’un nouveau soutien de ses actionnaires à hauteur de 10 millions d’euros, accompagné également de réduction des coûts, de baisse « significative » du coût de la masse salariale ou encore de suppression de lignes non rentables. « Une bonne chose » estime l’État « parce que ça montre qu'il y a la prise en une prise de conscience des difficultés actuelles d'Air Austral ».
Néanmoins, le gouvernement doute de la pérennité de ce plan à long terme. « Raison pour laquelle on demande de mettre en place et de dessiner un plan de retournement », avec nomination d’un auditeur indépendant. En attendant, il n’y aura pas de nouvelles aides de l’État. En revanche, « ce que l'État est prêt à faire, c'est accepter de ne pas assigner Air Austral au titre du passif public qui a été constitué ». Quant au délai choisi pour présenter ce plan, c’est-à-dire un mois, il est motivé par l’arrivée des fonds annoncés par les actionnaires et la nécessité d’en informer tous les salariés de la compagnie.
« La situation financière de la compagnie nous inquiète, avec des enjeux notamment de trésorerie qui ne sont pas simples à gérer à très court terme, dans une industrie où il y a un fort besoin de trésorerie pour réussir à maintenir l'activité. (…) L'objectif, c'est de se mettre d'accord sur un plan de retournement à l'issue duquel, effectivement, il y aura besoin de réinjecter des fonds. À date, on estime que c'est aux actionnaires de le faire parce que l'État est contraint par les règles d'aides d'État » développe-t-on, tout en précisant que l’arrivée de nouvelles aides « dépendra aussi du plan de retournement qui sera présenté ».
« Les efforts seront faits »
À ce jour, le gouvernement n’a pas souhaité se prononcer sur le montant de la dette de la compagnie, détenue aujourd’hui à 55% par la société RunAir, rassemblant des investisseurs réunionnais, et à 44% par la Sematra, société d'économie mixte (Région, Département, Caisse des Dépôts). En début d’année, le chiffre de 65 millions d’euros de dettes avait été avancé, mais « c'est un peu prématuré de commenter sur ce genre de chiffre parce qu'on n'a pas d'informations complètement consolidées » estime le gouvernement.
Interrogé à l’issue de cette réunion, la présidente de la Région Réunion Huguette Bello, à ce titre présidente du Conseil de surveillance de la compagnie, a salué l’accompagnement de l’État, illustré notamment pas la présence de trois ministres -Transports, Industrie et Outre-mer- à la table des discussions. « Sensibilisé sur la situation que traverse Air Austral, l’État a donné son feu vert pour accompagner Air Austral dans son plan de restructuration. C’est cela que nous voulons souligner, c’est cela qui est important », a-t-elle déclaré.
« Les efforts seront faits. Nous avons accepté ce plan de restructuration » présenté par le Directoire d'Air Austral début mars, « l’État va nous accompagner et nous y mettrons toute notre âme » a insisté la présidente de la Région qui rappelle « la situation difficile que nous avons hérité, des erreurs faites par nos prédécesseurs » et l’importance de la compagnie pour l’île : « Les Réunionnais sont très attachés à Air Austral, qui est pour eux ce qu’Air France est à la France entière ».