TRIBUNE. Délais de paiement outre-mer : une situation qui ne doit plus durer ! par Hervé Mariton, Président de la FEDOM

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TRIBUNE. Délais de paiement outre-mer : une situation qui ne doit plus durer ! par Hervé Mariton, Président de la FEDOM

Hervé Mariton, Président de La FEDOM (Fédération des Entreprises des Outre-mer) alerte sur le statu-quo concernant les délais de paiement dans les collectivités des Outre-mer. Le Président de la Fedom souligne une situation qui « empire et approche le point de non-retour dans certains cas». Dans cette tribune pour Outremers 360, Hervé Mariton rappelle quelques pistes identifiées et invite urgemment « le Gouvernement à entamer un dialogue nécessaire avec toutes les parties prenantes pour répondre à l’urgence.»

 

En outre-mer, la commande publique représente historiquement et structurellement un enjeu majeur pour les entreprises de toutes tailles, notamment celles des secteurs du BTP et des services (distribution d’eau potable, collecte et traitement des déchets), et par là-même, pour l’emploi marchand. Or, les factures et situations de travaux afférentes aux contrats publics sont trop souvent payées avec un retard tel (cela se compte souvent en années !) que la situation sur certains territoires approche le point de non-retour.

Depuis les années 2000 et jusqu’à aujourd’hui, le délai de paiement client moyen dans le secteur de la construction dans les départements et régions d’outre-mer se situe en moyenne à près de 90 jours ! Et encore, il ne s’agit là que d’une moyenne qui cache des situations individuelles extrêmes mais fréquentes d’entreprises qui peuvent avoir un montant de créances échues, pour certaines anciennes de 4, 5, 7, 10 années, représentant une année entière de chiffre d'affaires.

Ce n’est pas un sujet nouveau. Il est même ancien, porté par la FEDOM et par les organisations socioprofessionnelles patronales ultramarines, depuis longtemps, bien trop longtemps. Il ne cesse d’empirer et rien, ou presque rien, n’a été fait sur ce sujet pour y répondre de manière vigoureuse et structurelle.

Combien de temps faudra-t-il observer avant de déplorer le départ définitif de tel acteur majeur et indispensable dans le secteur du BTP parce qu’il aura accumulé des créances échues à hauteur de plusieurs millions d’euros pour une seule filiale sur un territoire ? Combien de temps faudra-t-il observer avant de déplorer la liquidation de telle ou telle TPE dans le secteur des services, lassée d’attendre d’être payée, freinée en conséquence dans l’embauche de salariés, contrainte à augmenter ses prix pour « anticiper » un retard de paiement, retardée dans la reconstitution de ses fonds propres, forcée au non-paiement de ses cotisations sociales ; tout ceci un temps seulement avant de disparaître ?

C’est finalement la confiance des citoyens et des acteurs économiques envers les collectivités locales, l’Etat, la puissance publique, qui s’érode ; ce qui ajoute au problème une dimension sociale majeure.

L’enchevêtrement de procédures inabouties et la dilution des responsabilités, très défavorables aux entreprises, contribuent à expliquer que rien n’incite les collectivités territoriales ultramarines à régler les factures des entreprises dans les délais prévus par les textes mais au contraire à leur faire supporter leurs insuffisances de trésorerie. S’agissant des hôpitaux placés sous tutelle de l’Etat, le Gouvernement a une responsabilité majeure directe à laquelle il ne peut pas se soustraire.

L’article 47-2 de la Constitution rappelle pourtant que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ». Il est vrai que le sujet demande du courage politique, de la détermination, de la constance et le sens du dialogue ; loin des « coups de mentons » et des « coups de com ». Mais ce que l’on tolère avec une certaine forme de nonchalance outre-mer, apparaîtrait comme parfaitement insupportable en métropole, à situation équivalente de retards de paiement.

Face à une telle situation devenue intenable, des pistes ont été identifiées, expertisées par la FEDOM ; certaines d’entre elles ont été reprises dans le rapport de Dominique Pannier, conseiller maître à la Cour des comptes et Philippe Debrosse, inspecteur général de l’administration « Les délais de paiement des collectivités locales Outre-mer » publié en octobre 2019. Elles visent :

  • d’une part, à restaurer une culture du respect des engagements contractuels et de la réglementation en matière de délais de paiement par le recours à certaines contraintes administratives et la mise en place d’un processus permettant à l’entreprise de récupérer dans les délais le montant de sa créance;
  • d’autre part, à imposer, en parallèle, une plus grande responsabilisation et une plus grande transparence du donneur d’ordre défaillant.

Nous appelons instamment le Gouvernement à s’y pencher, à y travailler et à entamer un dialogue nécessaire avec toutes les parties prenantes pour répondre à l’urgence.

 

Hervé Mariton,
Ancien ministre,
Président de la FEDOM