Transport maritime dans les Outre-mer : La transition énergétique, une réponse aux enjeux sociétaux

Transport maritime dans les Outre-mer : La transition énergétique, une réponse aux enjeux sociétaux

La 2ème édition des Assises Économiques des Outre-mer s’est tenue il y a quelques jours. Organisées par le groupe Ouest-France, Le Marin et Ilago, en partenariat avec la FEDOM, le Cluster Maritime Français et le Ministère des Outre-mer, et également Outremers360, cette nouvelle édition 100% digitale a permis d’aborder les enjeux des territoires ultramarins autour d’une grande thématique : « Entreprendre ensemble ». Les challenges environnementaux autour de la question du transport maritime dans les outre-mer ont occupé une place importante dans les débats.

Le 6 décembre dernier, l’économie bleue a été l’une des grandes thématiques des Assises Économiques des Outre-mer, et notamment le calendrier environnemental de l'Organisation Maritime Internationale (OMI). Le compte à rebours vers la décarbonisation du transport maritime est lancé. Quelles seront les conséquences et les innovations pour les ports ultramarins ? La question a été posée à Claire Martin, Vice-présidente du groupe CMA CGM, et à Jean-Rémy Villageois, directeur général du Grand Port Maritime de la Martinique.

Vers un transport maritime décarboné

On ne présente plus CMA CGM, acteur majeur du transport maritime dans les Outre-mer : né en 1978, le groupe possède aujourd’hui près de 600 navires qui interviennent dans plus de 400 ports, dont les ports ultramarins. Aussi, quand il est question d’environnement et de mesures pour réduire les émissions de dioxyde de carbone, l’acteur est aux premières loges et ses actions sont plus que scrutées. « Nous avons engagé depuis déjà quelques années une véritable transition vers un transport maritime décarboné », explique Claire Martin, Vice-présidente du groupe CMA CGM. « Notre objectif, c’est d'être au global net 0 en 2050, ce qui est un vrai challenge, mais on a déjà démarré ». 

En effet, dans le cadre du 76ème Comité de la protection du milieu marin, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) avait adopté des mesures pour tenter de mettre en place une stratégie de réduction de l’intensité carbone des navires d’ici 2030. Parmi elles : la mise en place en 2023 d’équipements permettant aux navires de réduire leur intensité carbone. Verdir les flottes est donc une priorité pour l’OMI.

Le reformatage des navires peut avoir néanmoins des conséquences, notamment sur les lignes maritimes. « Nous avons déjà pris un certain nombre de décisions, par le passé, comme le choix précurseur de partir sur la technologie GNL, en sachant que le GNL est un carburant de transition. On en a 32 qui sont dans la flotte et on en aura d'ici 3, 4 ans autour 80. On a pris la décision, cette année, d'avoir 7 navires au GNL qui seront positionnés sur les lignes Antilles-Guyane », indique Claire Martin.

Les carburants alternatifs seront donc de plus en plus privilégiés. Dans cette course pour réduire les émissions de dioxyde de carbone et pour préserver la biodiversité, les infrastructures portuaires sont également directement concernées. « Les scientifiques l'ont démontré, la nature à la capacité d’absorber le carbone, il est donc important de jouer sur les deux leviers pas seulement dans le grand large mais également dans les zones portuaires », a conclu la vice-présidente de CMA-CGM qui a néanmoins rassuré quant à la question des délais de livraison liés aux transports des aliments. « On se prépare depuis plusieurs mois pour respecter les timings des transports pour les productions agricoles, souvent fragiles ».

Les ports à l’heure de la transition énergétique

Les acteurs du secteur maritime doivent donc s’adapter et totalement intégrer dans leurs projets l’impact environnemental. « Du point de vue des ports, et en particulier de celui de la Martinique, on voit cela d'un très bon œil. C'est un formidable accélérateur de projets qui sont déjà prévus de longue date », explique Jean-Rémy Villageois, directeur général du Grand Port Maritime de la Martinique. « Il va falloir accélérer les programmes de renouvellement des outillages de modernisation. Il va falloir allonger les quais de façon à pouvoir traiter ce nouveau trafic. Pour ce qui est de la Martinique, c'est dans notre projet stratégique depuis quelques années. On est prêt au niveau administratif, au niveau technique, au niveau des marchés, et donc maintenant, il convient d'avancer de façon à résoudre les problématiques de plan de financement ».

Répondre aux attentes liées aux enjeux environnementaux, penser la transition énergétique tout en répondant aux besoins des populations et des acteurs locaux… Pour Jean-Rémy Villageois, il s’agit d’une formidable opportunité. « Le port n'a pas attendu les évolutions maritimes pour engager des travaux, mais nous avons une occasion exceptionnelle et un levier supplémentaire pour poursuivre et accélérer nos programmes ».

En effet, les travaux engagés au port de la Martinique ont permis, selon son directeur, de faire un gain d’économie de l’ordre de - 12 à -15% fin 2022, si l’on compare aux chiffres de la consommation de 2018. Et les chantiers lancés sont encore nombreux : innover en investissant tout en pensant à l’environnement, voilà l’un des grands enjeux. 

À la question : « En Métropole, dans les ports, on parle beaucoup de production d'hydrogène… Est-ce que ça intéresserait un port comme la Martinique, de la production d'hydrogène, et si possible vert ? ». La réponse de Jean-Rémy Villageois était claire : « La production d'hydrogène a déjà démarré à Fort-de-France. La raffinerie SARA a installé la première pile à hydrogène, c’est une première mondiale. Nous avons engagé des travaux un peu plus novateurs à base d'hydrogène vert. Je n'en dirai pas plus mais c'est l'avenir et nous sommes évidemment extrêmement intéressés ».

Abby Saïd Adinani