Sur fond de tensions logistiques internationales, l'armateur CMA CGM a plus que doublé son bénéfice net au deuxième trimestre à 7,6 milliards de dollars, mais prédit une "normalisation" à moyen terme pour le secteur.
Ce résultat a été obtenu sur un chiffre d'affaires en hausse de 57% à 19,48 milliards de dollars, a précisé le numéro trois mondial du fret maritime, mettant toutefois en garde contre une dégradation des perspectives en raison de l'inflation et particulièrement la hausse des prix de l'énergie.
Subissant déjà "la congestion affectant les terminaux portuaires et les chaînes logistiques terrestres, qui se traduisent par un rallongement des temps de transit des navires", le groupe a vu ses volumes transportés (mesurés en EVP, "équivalent vingt pieds", unité de référence du secteur) chuter de 1,3% sur un an au deuxième trimestre, à 5,6 millions.
CMA CGM, qui a tiré profit comme l'ensemble du secteur de l'explosion des tarifs du fret lors de la pandémie de Covid-19, "est particulièrement attentif à l'évolution de la situation géopolitique actuelle et à ses conséquences sur les perspectives macro-économiques", a souligné le groupe dans un communiqué.
En effet, "la forte hausse du coût de l'énergie, conjuguée à l'inflation du prix de nombreuses matières premières, pèsent sur la consommation des ménages et pourraient dégrader la situation économique et les perspectives de croissance du commerce mondial", a-t-il développé.
L'entreprise a dit avoir décelé "un ralentissement de la consommation des ménages et donc une modération de la demande de transport maritime", baisse des tarifs du fret à la clé dans certaines zones géographiques.
"La baisse mondiale de la consommation déjà perceptible cet été entraînera une normalisation des flux au deuxième semestre 2022 et un fléchissement de la demande de transport", a prédit le PDG Rodolphe Saadé, cité dans le texte.
"Superprofits"
En six mois, le groupe basé à Marseille aura néanmoins engrangé 14,8 milliards de dollars, après un record de 17,9 milliards sur toute l'année 2021. Cela lui a valu de figurer, aux côtés de groupes pétroliers et gaziers, parmi les cibles d'une éventuelle taxe sur les "superprofits", demandée par l'opposition de gauche en France.
La Première ministre Élisabeth Borne avait indiqué la semaine dernière qu'elle ne fermait pas la porte à une telle taxation, mais qu'elle préférait que chaque entreprise qui le peut "baisse les prix pour le consommateur et donne du pouvoir d'achat à ses salariés".
CMA CGM a consenti plusieurs gestes ces derniers mois, dont une nouvelle baisse de ses tarifs au 1er août avec une réduction de ses taux de fret de 750 euros par conteneur 40 pieds vers la métropole et les Outre-mer, soit jusqu'à 25% de ses prix, au lieu de 500 euros prévus précédemment.
La compagnie avait également annoncé une baisse de 100 euros par conteneur 40 pieds pour toutes les exportations françaises. Elle n'a pas dévoilé de nouvelle mesure vendredi.
Fin juillet, M. Saadé s'était défendu devant le Sénat en soulignant qu'il était "prêt à aider", mais qu'il ne voulait pas être "le seul à payer" et se retrouver pénalisé face à la concurrence, notamment le danois Maersk et le suisse MSC.
Vendredi, CMA CGM a rappelé que "90% des bénéfices du groupe sont réinvestis afin de préparer les relais de croissance des années à venir et répondre aux enjeux environnementaux", en particulier des bateaux moins polluants. L'entreprise a aussi fait valoir qu'elle subissait l'augmentation des prix de l'énergie, un surcoût évalué à 1,1 milliard de dollars lors du premier semestre.
CMA CGM s'est distinguée ces derniers mois par une offensive de rachats (Colis Privé, Gefco, Ingram Micro CLS...), et de prises de participations dans des entreprises emblématiques comme Air France-KLM et Eutelsat. Elle a aussi affecté une partie de ses bénéfices à son désendettement : sa dette nette atteignait 5,4 milliards de dollars fin juin, une chute de 1,5 milliard en trois mois.
Avec AFP