Procès du RN : Marine Le Pen condamnée à cinq ans d’inéligibilité avec application immédiate

Marine Le Pen lors de son dernier déplacement à Mayotte, en janvier 2025 ©Facebook / Marine Le Pen

Procès du RN : Marine Le Pen condamnée à cinq ans d’inéligibilité avec application immédiate

Marine Le Pen a été reconnue coupable de détournement de fonds publics lundi par le tribunal de Paris, et condamnée à cinq d’inéligibilité avec application immédiate, la disqualifiant pour la Présidentielle de 2027. Elle est aussi condamnée à quatre ans de prison, dont deux ans ferme.

« Le tribunal a pris en considération, outre le risque de récidive, le trouble majeur à l’ordre public, en l’espèce le fait que soit candidate à l’élection présidentielle une personne déjà condamnée en première instance », a déclaré la présidente Bénédicte de Perthuis.

Cette annonce -avant le détail des peines- a laissé la salle sans voix. Après un moment de flottement, et alors que la présidente commençait à appeler les prévenus un à un, Marine Le Pen a échangé quelques mots avec son avocat, puis s’est levée et quitté la salle d’audience. Elle a ensuite traversé le tribunal sans un mot, puis est montée dans une voiture qui l’attendait, suivie d’une nuée de caméras. Elle s’est rendue aussitôt au siège parisien du RN.

Le peine de prison ordonnée contre Marine Le Pen est aménagée sous bracelet, a précisé le tribunal, ce qui veut dire qu'elle n'ira pas en prison. La peine sera, de toute façon, suspendue si elle fait appel du jugement, l'exécution immédiate ne s'appliquant que pour l'inéligibilité. Elle a aussi été condamnée à une amende de 100 000 euros. Son parti, également reconnu coupable, a été condamné à une peine de 2 millions d'euros, dont un million ferme, et une confiscation d'1 million d'euros saisis pendant l'instruction.

Le prononcé d’une peine d’inéligibilité « apparaît nécessaire », a justifié la présidente, soulignant la « gravité des faits ». Elle a mis en avant « leur nature systématique, de leur durée, du montant des fonds détournés » mais aussi de « la qualité d’élu » des personnes condamnées, et de l’atteinte portée « à la confiance publique et aux règles du jeu démocratique ».

Au terme de près de deux heures de lecture d’un jugement, le tribunal a considéré qu’un « système », « centralisé, optimisé » avait bien été mis en place pour permettre au Rassemblement national (ex-Front national) de faire « des économies » en payant, entre 2004-2016, des assistants parlementaires « fictifs » qui travaillaient en réalité pour le parti. Évoquant une « double tromperie », à l’égard du Parlement européen et des électeurs, la présidente a souligné que le « système » mis en place équivalait à un « contournement des règles des partis politiques et du fonctionnement démocratique ».

Au début de l’audience et devant Marine Le Pen, assise en veste bleue au premier rang, aux côtés notamment du vice-président du parti Louis Aliot, le tribunal a rapidement annoncé que les neuf eurodéputés poursuivis étaient coupables de détournement de fonds publics, et les douze assistants coupables de recel. « Il a été établi que toutes ces personnes travaillaient en réalité pour le parti, que leur député ne leur avait confié aucune tâche », qu’ils « passaient d’un député à l’autre », a-t-elle détaillé.

« Il ne s’agissait pas de mutualiser le travail des assistants mais plutôt de mutualiser les enveloppes des députés » pour faire faire « des économies » au parti en étant « directement financé par le Parlement européen », a-t-elle poursuivi, sous les protestations à voix basse de Marine Le Pen.

« Au cœur du système »

Cette dernière était « au cœur de ce système », encore plus quand elle a pris la suite de Jean-Marie Le Pen à la tête du parti à partir de 2011. « Elle s’est inscrite avec autorité et détermination dans le fonctionnement instauré par son père » dès 2004, a estimé le tribunal. « Que les choses soient claires », avait commencé la présidente, « personne n’est jugé pour avoir fait de la politique, ce n’est pas le sujet. La question, c’était de savoir si les contrats ont reçu une exécution ou pas ».

Il n’y a pas eu d’ « enrichissement personnel » mais « il y a bien un enrichissement du parti », martèle la présidente, notant aussi que les salaires octroyés aux assistants parlementaires était plus « confortables »  que ce que le parti aurait pu se permettre.

Au terme de deux mois de procès (30 septembre-27 novembre) et à la surprise générale, l’accusation avait requis à l’encontre de la cheffe de file de l’extrême droite une peine de cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire (s’appliquant immédiatement, même en cas d’appel) en plus de cinq ans de prison dont deux ferme (une peine aménageable), ainsi que 300 000 euros d’amende.

Selon un sondage Ifop pour le JDD publié ce week-end, si une élection présidentielle se tenait aujourd’hui, la cheffe de file du Rassemblement national arriverait largement en tête au premier tour, avec entre 34% et 37% des intentions de vote en fonction des candidats face à elle. Lors de la présidentielle de 2022, la candidate avait fait de bons scores en Outre-mer, arrivant en tête de scrutin au second tour aux Antilles, en Guyane, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon.

Si la décision de ce lundi l'écarte de facto de la prochaine présidentielle en 2027, Marine Le Pen peut aussi faire appel et espère une issue plus clémente. La présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale a reçu le soutien des chefs d'États et de partis d'extrême-droite en Europe, notamment ceux du Premier ministre hongrois Viktor Orban, du ministre italien de l'Intérieur, Mateo Salvini ou encore, du chef de file de l'extrême-droite néerlandaise, Geert Wilders. Quelques minutes à peine après l’énoncé du jugement, le Kremlin a aussi déploré une « violation des normes démocratiques ». 

Avec AFP