[PORTRAIT] Le Guadeloupéen Thomas Plocoste à la tête du laboratoire KaruSphère, veut faire le lien entre la recherche et le monde des entreprises

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[PORTRAIT] Le Guadeloupéen Thomas Plocoste à la tête du laboratoire KaruSphère, veut faire le lien entre la recherche et le monde des entreprises

 À 41 ans, le Professeur Thomas Plocoste est devenu, au fil des années, une figure incontournable de la recherche, notamment dans le domaine de la pollution atmosphérique en zones tropicales. C’est en fondant son laboratoire de recherche KaruSphère que cet originaire de la Guadeloupe veut apporter sa pierre à l’édifice. Objectif : se faire l’interface entre le monde de la recherche fondamentale et le monde entrepreneurial, en proposant des solutions innovantes grâce à la recherche appliquée.

 

C’est en décembre 2023 que Thomas Plocoste est récompensé par le CASODOM  (Comité d'action sociale en faveur des originaires des départements d'outre-mer en Métropole) à l’occasion de la 10ème  cérémonie des « Talents de l’Outre-mer ». Ce consultant en Géosciences qui s’est distingué dans la catégorie « enseignement supérieur et recherche » n’en est pas à son coup d’essai : Fondateur-Dirigeant de son laboratoire en 2018, il obtient en décembre 2022, l’HDR qui l’habilite, 4 ans plus tard à diriger des recherches scientifiques grâce aux travaux menés au sein de sa structure. Décrit par le CASODOM comme « un très bel exemple de 'rester au pays', le laboratoire qu’il a fondé s'est rapidement imposé dans le monde de l’entreprise et de la recherche, devenant une référence dans son domaine, au niveau régional mais également international. « Nous avons de nombreuses problématiques climatiques et environnementales à l’échelle locale », explique le professeur. « Nous subissons pas mal de phénomènes naturels, comme les brumes de sables, qui entraînent des problématiques cruciales. Nous vivons dans une zone où le taux d’asthme est extrêmement élevé. Notre but est de réussir à faire du transfert technologique, c'est-à-dire qu’à partir de nos travaux de recherche, nous puissions développer des outils connectés, adaptés à nos territoires et aux problématiques que les zones tropicales rencontrent. Cela ne nous concerne pas uniquement. La zone Caraïbe, l'Amérique latine, jusqu’au Sud des États-Unis sont également touchés ».

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La recherche au service des entreprises

Au départ, KaruSphère se voulait un bureau d'études et de recherche. La crise Covid a bouleversé les plans du chercheur et de son équipe. La recherche prend le pas sur le reste. Cinq ans plus tard, le laboratoire de recherche est désormais positionné dans l’analyse scientifique de la géoscience caribéenne et est reconnu mondialement comme une référence dans les domaines de la pollution de l’air et du changement climatique en zone tropicale. « Souvent, Le monde de la recherche et de l’entreprise ne se comprennent pas. Nous nous faisons le relais entre ces deux mondes. Peu de personnes nous attendaient là, mais les prix que nous avons décrochés, et les publications scientifiques que nous faisons régulièrement parlent pour nous ». En 2021, le Dr Lovely Euphrasie-Clotilde, membre de l’équipe de recherche, est récompensée par le prix des jeunes Talents France, porté par l’entreprise l’Oréal et l’Unesco, pour ses travaux sur l’étude du transport des poussières désertiques, phénomène qui contribue à l’augmentation de la température atmosphérique. Aujourd’hui, plusieurs compétences composent l’équipe dont 3 chercheurs qui publient régulièrement dans des revues internationales de renom.  Malgré tous ces succès, Thomas Plocoste n’en oublie pas ses ambitions, premières : faire des choses compliquées, mais accessibles et qui servent à tout le monde. « Sur nos plateformes, nous informons régulièrement le public de ce que nous faisons. C’est important de montrer cette vision pragmatique de la recherche. Nous faisons des choses qui nous servent ou qui vont nous servir ». Et si le Guadeloupéen déplore certaines contraintes d’ordre administratif, cela ne l’empêche pas de vouloir viser encore plus loin, pour l’avenir.

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 L’excellence guadeloupéenne au service du monde

Si ces dernières années ont permis à l’équipe du Professeur d’asseoir leur crédibilité et leur notoriété, le déploiement de KaruSphère n’en est qu’à ses débuts. « L’idée, c’est de faire avancer la science, mais dans un deuxième temps, nous voulons développer des produits innovants. Nous avons proposé des travaux qui ont intéressé, maintenant nous devons répondre à des attentes concrètes sur le terrain. Je pense à la question de la qualité de l’air, qui impacte tout le monde. Sur ces problématiques, il ne faut pas oublier la réalité locale. Oui, nous sommes Français, Européens... Mais nous sommes aussi des territoires insulaires, et il faut tenir compte de la réalité du terrain ». Et ce terrain, Thomas Plocoste le connaît bien, lui qui n’a jamais quitté son territoire pour poursuivre ses études, après son Bac. « J’aime l’idée d’être à contre-courant de tous ces discours qui nous incitent à partir, d’aller prendre de l'expérience ailleurs. J’ai eu des opportunités, mais j’ai toujours trouvé chaussure à mon pied, sur mon île, donc je suis resté. Je ne dis pas qu’il ne faut pas partir. Je dis juste que cela ne devrait pas être une obligation. J’ai construit ma propre voiture, je la connais par cœur, et s’il y a un problème, je peux gérer alors que ceux qui ont l’habitude de rouler en Ferrari, et bien quand on leur donne une Twingo, cela peut être un peu compliqué », conclut-il en souriant. Le prix remporté il y a quelques mois à l’occasion des Talents de l’Outre-mer vient conforter le Guadeloupéen dans son combat de se mettre au service de son territoire à travers la science.

Abby Said Adinani