Un collectif d’associations avait prévenu que si l’Etat ne changeait pas de façon drastique sa politique de lutte contre l’orpaillage illégal, une action en justice serait amorcée. Trois mois plus tard, et face au « silence de l’administration française » les six associations ont annoncé qu’un recours serait déposé dans deux semaines devant le tribunal administratif de Cayenne. Objectif : faire condamner l’Etat pour carences fautives, à la fois sur le plan des droits humains mais aussi des droits de la nature : empoisonnement au mercure, turbidité de l’eau, destruction des berges du Maroni. Explications avec notre partenaire Radio Peyi qui a interrogé Marine Calmet, présidente de Wild Legal, l'une des associations à l'origine de cette action.
Marine Calmet est juriste et présidente de Wild Légal. « L’Etat, dit-elle, ne peut plus se défausser de sa responsabilité ». « Nous avons déposé le 16 octobre dernier, un recours gracieux que nous avons adressé au Préfet de Guyane. C'est une procédure obligatoire à laquelle on demande à l'administration française de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre l'orpaillage illégal. Le silence gardé le Préfet et l'administration française vaut au bout de deux mois, refus d'accéder à notre demande. C'est cet acte de refus que nous attaquons aujourd'hui, nous n'avons pas eu de retour de la part des Ministères lorsque nous avons sollicité des entretiens. Par ailleurs, nous avons des signaux faibles par l'ARS, du fait d'avoir systématiquement des dépistages du mercure chez les femmes enceintes et les jeunes enfants. Nous voulons croire que le déplacement d'Elisabeth Borne via ses dernières annonces sur le renforcement des mesures militaires, techniques et humaines n'est pas complémentement décorrélé de notre action ».
Ce recours doit être un électrochoc, anticipe Marine Calmet. « Notre recours repose sur une compilation de nombreuses données que nous avons envie de montrer à la justice, de faire connaître auprès du grand public car la situation des Guyanais est trop peu connue malheureusement notamment de l'Hexagone. C'est un électrochoc pour faire réagir le Gouvernement, qu'il faut se remonter les manches afin de trouver un plan d'action qui soit véritablement efficace contre le fléau de l'orpaillage illégal. J'espère que le juge va accéder à notre demande, faire en sorte d'imposer à l'Etat des mesures supplémentaires, et qu'on rentre suite à un premier recours victorieux, je l'espère, dans une phase de collaboration, de travail, de concrétisation des demandes portées par les organisations parties au recours et de les Guyanais. Il s'agirait d'organiser un vrai débat régional autour de cette question pour que chacun puisse s'y associer et travailler à l'élaboration de mesures concrètes pour lutter contre l'orpaillage illégal.»
L’Etat doit revoir entièrement sa copie sur la stratégie mise en place, selon Marine Calmet. « Il y a de nombreuses jurisprudences sur les recours en carences fautives qui aboutissent à ce que les juges contraignent l'Etat à revoir ses politiques de lutte : le cas des algues vertes où l'Etat a été condamné, c'est le cas sur la pollution atmosphérique où l'Etat à été condamné à revoir ses mesures de protection de l'atmosphère pour protéger la santé des habitants des grandes villes directement impactées par la pollution de l'air. Nous voulons que le juge administratif contraigne l'Etat à revoir complètement sa copie en matière de stratégie de lutte contre l'orpaillage illégal à la fois sur le plan économique, sanitaire et environnemental. Si l'ensemble de ces volets ne sont pas revus, on se contente de mettre un pansement sur une jambe de bois».
Selon les derniers chiffres du Parc Amazonien de Guyane, 143 sites illégaux ont été recensés.