Mineurs délinquants, rétention, suppression des visas territorialisés... l'Assemblée valide plusieurs mesures de la loi Mayotte

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Mineurs délinquants, rétention, suppression des visas territorialisés... l'Assemblée valide plusieurs mesures de la loi Mayotte

Dans des débats parfois tendus entre la gauche d'un côté, et le bloc central et le RN de l'autre, les députés ont validé mardi plusieurs articles du volet immigration du projet de loi de "refondation" de Mayotte, notamment certaines dispositions concernant des mineurs.


Cette loi de programmation doit selon l'exécutif paver le chemin à la "refondation" du territoire, plus de six mois après le passage ravageur du cyclone Chido. L'Assemblée a rétabli mardi, à l'initiative du gouvernement et des groupes de sa coalition, un article prévoyant qu'un étranger majeur puisse se voir retirer un "document de séjour" lorsque le mineur dont il a la charge "constitue une menace pour l'ordre public".
La mesure serait appliquée lorsque la "soustraction par l'étranger majeur à ses obligations légales compromet la santé, la sécurité, la moralité et l'éducation de l'étranger mineur" et "contribue directement" à son comportement. L'article est assorti de conditions, et son application serait par exemple différente pour les cartes de résident et les cartes de résident permanent.
La députée de Mayotte Estelle Youssouffa a notamment invoqué le "contexte" des "émeutes que nous connaissons très régulièrement à Mayotte".

La gauche, elle, s'est opposée à une "punition collective", selon les mots de l'écologiste Léa Balage El Mariky. "Que vont devenir les frères et soeurs de ces jeunes délinquants condamnés ? Que vont devenir les grands-parents qui sont soutenus par les parents ? (...) C'est ça votre modèle ?", a-t-elle lancé. "Les Français réclament de la fermeté et les Mahorais sont très largement favorables à cette mesure", a rétorqué Yoann Gillet (RN), soutenant la mesure.
Plus tôt, les députés avaient déjà rétabli un autre article controversé, permettant de placer dans une zone de rétention des mineurs accompagnant un majeur faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.

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Visas territorialisés 

L'Assemblée nationale a confirmé mardi sa volonté de mettre fin, en 2030, au visa territorialisé à Mayotte, qui empêche les détenteurs d'un titre de séjour mahorais de venir dans l'Hexagone, en adoptant un article du projet de loi de "refondation" du territoire. La suppression de ce titre de séjour spécifique est très attendue par les habitants de Mayotte qui y voient une injustice et un manque de solidarité de la France métropolitaine face à l'afflux massif d'immigrés clandestins venus notamment des Comores voisines.
"Pour le moment, le problème migratoire est cantonné à Mayotte et tout le monde utilise notre insularité pour nous laisser seuls face aux difficultés", a tancé Estelle Youssouffa, députée du département (groupe Liot), appelant à la "continuité territoriale".
La présidente du groupe RN Marine Le Pen a dit "comprendre" la position "d'une partie" des Mahorais, mais estimé que la disparition de ces titres risquait d'"aggraver la situation".

Aux bancs du gouvernement, le ministre des Outre-mer Manuel Valls a affirmé que ces structures seraient "d'une toute autre nature que les centres de rétention administrative" (CRA), dont elles seraient "indépendant(e)s". "L'intimité de chaque famille sera préservée (...) Il n'y aura aucun policier à l'intérieur des emprises, pas de grillages, pas de barbelés", a-t-il énuméré.

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Une "hypocrisie" pour Elsa Faucillon (PCF), qui a accusé les partisans de la mesure de vouloir "la perpétuation de l'enfermement des mineurs", en contournant l'esprit de la dernière loi immigration. Celle-ci interdit le placement en rétention de mineurs, avec une application pour Mayotte à partir de 2027. La présente loi repousse encore cette date à 2028.
Le placement dans ces zones devra durer "le temps strictement nécessaire" selon la nouvelle loi, avec un maximum de "quarante-huit heures", prolongeable de "vingt-quatre heures", en cas d'impossibilité matérielle de procéder à l'éloignement pour une raison étrangère à l'administration".

Le ministre a rappelé que l'exécutif "ne souhaitait pas" revenir sur ces titres de séjour, estimant que "le maintien de mesures spécifiques est nécessaire pour réduire (...) l'attractivité de Mayotte", mais constatant qu'un consensus s'était dégagé à l'Assemblée. Il s'est en revanche opposé aux amendements visant à accélérer leur disparition, tous repoussés. "Il doit y avoir une prise en charge nationale de la question de l'immigration et l'Hexagone doit prendre sa part de la question qui est posée à Mayotte", avait argué Antoine Léaument (LFI).

Les députés ont aussi validé des restrictions de l'accès au regroupement familial en cas d'occupation d'un logement "sans droit ni titre", ou relevant de "l'habitat informel", et la création d'une zone franche sur l'archipel pour relancer l'activité.

Contre des reconnaissances détournées de paternité ou maternité, l'Assemblée a également adopté plusieurs articles, notamment pour permettre dans certains d'allonger la durée de sursis à la reconnaissance en cas de suspicion de fraude, ou pour aggraver l'amende encourue en cas de mariage ou reconnaissance de parentalité frauduleux pour obtenir un titre de séjour ou la nationalité française.

Ils ont également approuvé l'ouverture à Mayotte dans certains cas d'une "aide au retour volontaire" pour favoriser les reconduites, la députée Estelle Youssouffa demandant à ce qu'elle ne soit pas accordée aux ressortissants comoriens.
Le rapporteur Philippe Gosselin (LR) a appelé à ne pas l'inscrire dans le texte, au risque d'une "fragilité juridique" constitutionnelle. "Le gouvernement s'engage à ne pas inclure les Comoriens parmi les nationalités éligibles" dans le futur arrêté ministériel", a ajouté Manuel Valls.
 

Avec AFP