Les premiers réfugiés climatiques guyanais seront-ils les Kali’na d’Awala-Yalimapo ?

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Les premiers réfugiés climatiques guyanais seront-ils les Kali’na d’Awala-Yalimapo ?

En Guyane comme ailleurs, la mer monte sous l’effet du réchauffement climatique. Une situation longtemps sous-estimée.

 

Malgré les cris d’alarme des années 2000, la question fut longtemps laissée sous silence du fait d’une grande habitude de l’importante érosion du littoral. Ces mouvements sont d’ailleurs encore aujourd’hui l’objet de sérieuses recherches de la part du BRGM qui, malgré l’urgence, pense les prolonger jusqu’en 2025.

Le littoral guyanais est un cas

L’Amazone qui se jette au nord du Brésil dans l’Atlantique façonne et transforme en permanence le littoral constitué de vasières mobiles, de mangroves instables et de cordons littoraux sableux. En s’accumulant à la côte, les sédiments d’origine amazonienne forment d’immenses « bancs de vase ». Ils peuvent s’étendre en longueur sur plus de 60 km et en largeur sur plus de 30 km. Ces plateformes vaseuses peuvent avoir jusqu’à 5 m d’épaisseur, se déplacent d’est en ouest à une vitesse estimée entre 2 à 5 kilomètres par an, et sont en constante transformation. Ces bancs se couvrent de mangroves, pour l’année suivante se transformer en une plage de sable fin qui demain sera dévorée par les flots et à nouveau, redeviendra un champs de vase, où proliféreront les palétuviers

Voir aussi « Guyane littoral en mouvement » , éclats de planète, production Dominique Martin Ferrari, réalisation Emmanuel Réau , diffusion FranceÔ, https://vimeo.com/43861992

Aujourd’hui la situation se lit autrement. La mer semble modifier durablement le trait de côte.

De Mana à l’embouchure du Maroni, tout bouge. Jusqu’en 1980, le littoral de Mana était composé d’une mosaïque de zones humides, et de mangroves en bord de mer. Dans les années 80, s'installent sur cette côte des rizières, une activité agricole intensive mal adaptée aux réalités. Entre 2000 et 2016, en l’absence de banc de vase protecteur, la côte reculait sans cesse et en 2010 on notait la disparition définitive des rizières de la « savane Sarcelles ». Alors, le Conservatoire du littoral met en place entre Mana et Awala , un des dix projets ADAPTO français (projet ayant pour ambition de prendre en compte les dynamiques littorales). Débarrassé des rizières, réouvert à la mer, le polder s’étend sur plus de 17km de côte et fait l’objet  d’un projet agroécologique, comptant sur un retour du fonctionnement naturel de l’érosion et le rôle de protection de la mangrove qui se restaurerait, atténuant ainsi la houle. En premier lieu, il est envisagé de développer des élevages de buffles et de zébus bien adaptés aux conditions guyanaises. Ensuite, pourrait se développer l’écotourisme avec des points d’observation de l’avifaune.

 Plus loin , la mer grignote la plage du village d’Awala Yalimapo, la « plus belle plage » de Guyane

La pointe Vigie protège encore la plage d’AWala Yalimapo grâce à la puissance du Maroni. Habituellement le banc de vase permet la reconstitution du littoral. Or il n’en est rien !

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A Awala- Yalimapo, la plage s’est réduite au point que le site historique de ponte des tortues luths s’est transformé endune verte. Les luths désertent Awala pour la plage de Rémire-Montjoly, plus à l’est où elles retrouvent le sable

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La disparition de la plage d’Awala pose questions aux habitants du village. Deviendront-ils les premiers réfugiés climatiques de Guyane ? Les Kali’na et les bushinengués peuvent-ils d’ailleurs être assimilés à cette catégorie, eux qui nomades à l’origine, savaient suivre le mouvement de l’océan avant d’être sédentarisés ? Pour nombre d’entre eux n’étaient-ils pas également venus se réfugier une première fois sur ces lieux seulement à partir de 1986 fuyant la guerre civile du Surinam (1988/1992) ?

Sur place on ne se contente plus des rumeurs, deux ou trois mètres de plage partent chaque année. Lors de la dernière grande marée, les habitants ont eu les pieds dans l’eau, la route a été inondée comme le transformateur. Les kali’nas réclament à leur maire Jean Paul Fereira, une réunion qui ne voit pas le jour, et craignent la disparition des maisons construites par leurs parents ou leurs grands-parents. Ils sont nombreux à refuser un déplacement « le long de la route ou à 50km »

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A Awala-Yalimapo, la crainte se dirige surtout vers l’Etat qui risque de choisir ce qui lui coûtera le moins cher à savoir déplacer le village plutôt que faire une digue ou de réensabler. « Conforter la plage permettrait de gagner trois ans mais dans quatre à cinq ans il faudra envisager de déplacer le village » prédit-on à la DGTM, tout en comptant sur les qualités de résilience des Amérindiens  qui « peuvent rester sans bouger sur un site inondé trois jours uniquement avec de l’eau et des vivres ». Ce qui permettrait de n’agir qu’en cas d’inondations extrêmes……

 
Dominique Martin-Ferrari