Du 21 mai au 31 août à Venise, en Italie, en marge de la célèbre Biennale, une exposition photographique enrichie de vidéos - « Shame, European Stories » (Honte, histoires européennes) - sera consacrée à une centaine de personnes ayant été victimes de maltraitance et d’abus en Europe lors de leur enfance. Valérie Andanson sera à Venise cette fin de semaine.
Le projet « Shame, European Stories » a vu le jour grâce à un entrepreneur suisse fortuné, Guido Fluri, qui a passé son enfance balloté entre foyers d’accueil, familles d’accueil et grands-parents. Révolté par ce qu’il a vu dans les foyers, il lance une fondation qui porte son nom afin de réévaluer et modifier le fonctionnement de ces structures. En 2021, son initiative est reprise au niveau européen sous l’intitulé « Justice Initiative ». C’est dans ce cadre continental qu’a été pensée l’exposition de Venise. Pour la France, on compte quatre co-responsables du projet, dont la Réunionnaise Anne David de la Fédération des Enfants Déracinés des DROM (FEDD).
Le photographe et vidéaste qui a conçu l’exposition est l’Italien Simone Padovani, qui a travaillé pour des agences internationales telles que Getty Images et Universal Pictures. Ses photos ont été publiées notamment dans le New York Times, National Geographic, The Guardian, Der Spiegel, et bien d’autres médias de renommée mondiale.
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Sur sa page Facebook, la FEDD annonce que « notre Fédération sera représentée par Valérie Andanson, exilée dans la Creuse à trois ans et Javier, cofondateur de l'association RAÏF, enfant volé du Guatemala. Leurs photos seront exposées ainsi que celle de Sylvie Arcos, exilée en Bretagne à trois ans. » « En tant que directrice de campagne en France nommée par la Fondation Guido Fluri pour ce grand projet européen, Valérie Andanson représentera également l'Association France Initiative Justice », ajoute l’organisation.
Jointe au téléphone par Outremers 360, Valérie Andanson, qui est la porte-parole de la FEDD, déclare très emue que c'est grand moment pour elle et que « la Fédération a décidé d’ouvrir un combat ouvert sur le plan européen pour lutter contre les abus envers les enfants. C’est une joie d’être associée à cette exposition qui permet une forte visibilité ». « Un autre temps fort va être organisé le 3 septembre à l’Hôtel de ville de Paris », précise-t-elle. « Ce sera un premier colloque européen sur cette thématique où les enfants de la Creuse seront associés ».
Un rappel concernant ces « Réunionnais de la Creuse ». Entre 1962 et 1984, selon des chiffres désormais officiels, exactement 2015 enfants ou adolescents furent littéralement enlevés à leurs parents, dans des familles pauvres de La Réunion, par les services locaux de l'Aide sociale à l'enfance. Certains étaient aussi orphelins. Dans le cadre d'une politique de migration initiée par l’ancien Premier ministre et député de l’île Michel Debré, il s’agissait de peupler des départements ruraux de l’Hexagone en proie au déclin démographique, comme par exemple la Creuse, qui accueillit une bonne partie des enfants déportés. L’Aide sociale faisait en général croire aux parents que leurs enfants allaient faire de bonnes études.
Arrivés en France, les mineurs étaient dispersés, au mépris de leur fratrie, dans des régions différentes. La quasi-totalité furent coupés de tout contact avec leurs parents, et à nombre d’entre eux fut imposé un nouveau patronyme. Placés dans des familles d’accueil, souvent dans des fermes, ces enfants réunionnais durent travailler, exploités et souvent maltraités physiquement et psychologiquement. Ce n’est qu’au début des années 2000, une fois adultes, que leur parole commença à se libérer et qu’ils demandèrent des comptes à l’Etat. Aujourd’hui, ils essaient toujours de se reconstruire…
► Pour aller plus loin : la Fédération des enfants déracinés des DROM
PM