Dans son rapport pour avis sur la Mission Outre-mer du projet de loi de finances pour 2023, la Commission des affaires économiques du Sénat s’est déclarée en faveur des crédits de la Mission Outre-mer, non sans émettre certaines réserves. La rapporteure, Micheline Jacques (LR), sénatrice de Saint-Barthélemy, formule par ailleurs « dix recommandations pour porter l’action en faveur des territoires ultramarins à la mesure des enjeux auxquels ils font face ».
« Le budget de la mission « Outre-mer » est proposé, à périmètre constant et hors fonds de concours, à hauteur de 2,93 milliards d’euros (Md€) en autorisations d’engagement (AE) et 2,76 Md€ en crédits de paiement (CP) pour 2023, en augmentation respectivement de 298 et 285 millions d’euros (M€) en valeur. En raison d’un ajustement de périmètre sans aucun impact sur les bénéficiaires, les crédits réellement inscrits s’élèvent à 2,67Md€ en AE et 2,49Md€ en CP, en légère hausse, mais qui ne sera pas de nature à compenser l’impact de l’inflation attendue en 2023 », estime en introduction le rapport de la Commission des affaires économiques du Sénat, avant de décliner ses analyses.
La première, le constat de situations d’inégalité et de fragilité dans les territoires. Le secteur du tourisme demeure dans une situation difficile, et celui de la construction se trouve dans une position intermédiaire, alors que la plupart des autres filières ont connu un fort rebond depuis la crise due au Covid. Par ailleurs, le taux de chômage poursuit une baisse plus lente que dans l’Hexagone. « Passée la crise COVID, la hausse des coûts ainsi que les conséquences de la guerre en Ukraine font désormais figure de principales incertitudes pour les entreprises, notamment dans le BTP et dans le secteur agricole », constate l’auteure du texte. Les principaux postes d’augmentation étant l’énergie, les matières premières et le fret.
Le rapport comporte un chapitre sur le logement, notant que les besoins des DROM sont considérables, particulièrement en logements sociaux (LS) et très sociaux (LTS), tant sur le plan de la construction que sur celui de la rénovation. « L’union sociale de l’habitat (USH) estime le déficit actuel de logements sociaux à 110 000. (…) Pour 2021, les données du ministère font état de 3335 LS et LTS financés. Pire encore, le nombre de logements effectivement livrés poursuit sa baisse entamée en 2017, pour s’établir en 2021, selon l’USH, à 3036. Ils étaient 5187 en 2017 », note le document. En outre, demeure le problème de la lutte contre l’habitat insalubre. Aussi, pour la rapporteure, des assises de la construction en Outre-mer sont nécessaires.
Autre enjeu d’importance, celui de l’attractivité en Outre-mer, qui implique des formations et des accompagnements adaptés, surtout pour les jeunes chez qui le taux de chômage reste important. Dans cette perspective, le rapport se félicite de la montée en puissance du Service militaire adapté (SMA), et de l’augmentation des crédits accompagnant ce dispositif. « Il est par ailleurs essentiel que ces dispositifs permettant d’accompagner l’insertion des jeunes en difficulté fournissent des formations adaptées aux besoins des territoires, de nombreuses entreprises déclarant, comme en Hexagone, éprouver des difficultés pour recruter de la main d’œuvre qualifiée », relève le texte.
La rapporteure souligne ensuite que les territoires ont besoin de formations de haut niveau localement. Elle s’étonne par exemple de « la quasi absence » d’écoles d’ingénieurs dans les Outre-mer, alors qu’il existe de fortes demandes en compétence. « Cela doit questionner l’efficacité des aides mises en place pour ces jeunes, mais aussi l’étendue de l’offre de l’enseignement supérieur », ajoute-t-elle. « En effet, les territoires ultramarins ne disposent pas non plus d’écoles de commerce en dehors des écoles de gestion et de commerce, pas plus qu’ils ne disposent d’instituts d’études politiques, alors que ces écoles sont nombreuses en Hexagone. » D’où sa recommandation de développer l’offre de l’enseignement supérieur en Outre-mer, par bassin géographique, et notamment la création d’écoles d’ingénieurs.
Enfin, le rapport insiste sur la nécessité d’accompagner les mobilités depuis, vers et entre les territoires ultramarins. L’Agence pour la mobilité Outre-mer (LADOM), contribuant à la continuité territoriale du pays, porte donc une forte responsabilité. « De manière générale, et tout en saluant la réforme des dispositifs d’aide de 2021, la rapporteure regrette que les effets de l’inflation ne soient pas pris en compte dans les crédits dédiés à la continuité territoriale (…). En effet, l’inflation vient rogner progressivement l’efficacité de certaines aides proposées par l’agence, dont les montants sont essentiellement fixés en valeur absolue. Un recalibrage s’impose », conclut-elle.
PM