En cette journée mondiale de l’eau, l’ONU met l’accent cette année sur la « valorisation de l’eau ». Quelle est la valeur de l’eau dans nos sociétés ? Que faisons-nous pour préserver ce capital naturel ? Des questions qui prennent une importance singulière en période de pandémie mondiale : le simple fait de se laver les mains est crucial par exemple pour contenir la propagation du COVID-19 et autres maladies infectieuses. Avec Suez Outre-mer, Outremers360 vous propose une plongée dans la gestion et la valorisation de l’eau en Outre-mer.
L’eau une ressource précieuse pour l’outre-mer
Les territoires ultramarins sont confrontés à des situations bien spécifiques - disponibilité de la ressource, sécheresses, inondations, cyclones destructeurs, tsunamis, pollutions, vétusté des infrastructures - qui appellent des solutions adaptées. Assurer la distribution de l’eau au robinet, en quantité comme en qualité, limiter les impacts des activités humaines pour préserver l’environnement, requièrent des moyens, des outils et des savoir-faire que la Guyanaise des Eaux (SGDE), la Martiniquaise des Eaux (SME), Karuker’Ô, la Polynésienne des Eaux (SPE) et la Calédonienne des Eaux (CDE) nous invitent à découvrir.
Préserver le capital naturel, valoriser les infrastructures et les services
Le défi de la Martinique : prévenir et gérer la pénurie d’eau
« La sécheresse exceptionnelle de 2020 a duré près de 12 semaines, jusqu’à 40 000 abonnés ont été touchés dans le Centre et le Sud. Une sécheresse historique en pleine pandémie de COVID-19 ! » déplore Patrice Ponnamah, directeur général adjoint de la Société Martiniquaise des Eaux. « Nos collaborateurs sont restés mobilisés 24/7 pour répartir au mieux le peu de ressource en eau disponible ».
Pour anticiper le Carême 2021, la SME déploie depuis plusieurs mois un plan d’actions préventives pour garder et acheminer l’eau dans les canalisations notamment en traquant et en réparant les fuites. En complément des prises d’eau dans les rivières qui perdent leur débit avec l’arrivée du Carême, des ressources supplémentaires sont recherchées, avec des forages dans les nappes d’eau souterraines, moins impactées par les problèmes de turbidité en cas d’intempérie.
De-saliniser l’eau de mer : une solution pour les îles en manque de ressources hydrauliques
A Bora Bora, grâce aux osmoseurs mis en place par la Polynésienne des Eaux (SPE) en 2001 à Anau et Faanui, l’île devient pionnière du dessalement d’eau de mer en Polynésie française : plus de 10 000 habitants et 800 bungalows des principaux hôtels de l’île sont ainsi alimentés en eau potable.
A Moorea, en face de Tahiti, ce sont 2 unités compactes Degrémont (UCD), une solution particulièrement adaptée aux îles, qui ont été installées par la SPE sur les communes de Papetoai et Haumi, pour alimenter en eau potable les foyers, les usines, le centre de recherche du CRIOBE, l’antenne de l’université de Berkeley, l’infirmerie, le service de l’équipement, la salle omnisport, les hôtels et pensions de familles, l’hôpital et les écoles primaires.
En Nouvelle-Calédonie et dans plusieurs îles du Pacifique sud, ce sont 7 usines de dessalement qui ont été mises en service par la Calédonienne des Eaux et Aqua Nord. Ainsi, à Ouvéa, atoll de la mer de Corail de 132 km2, pas de lentille d’eau douce. Il faut donc dessaliniser l’eau de mer pour obtenir de l’eau potable. Trois usines de dessalement permettent de produire les ressources en eau potable nécessaires aux 3 400 habitants. La distribution est assurée à l’hôtel Paradis, plus gros consommateur de l’île, ainsi qu’aux habitants d’Ouvéa, desservis par deux camions citernes.
Covid-19 : acheminer l’eau pour lutter contre la pandémie
En Guyane, près de 40 000 personnes ne sont pas alimentées en eau potable : ce sont les habitants des quartiers dits « informels » ou de zones non desservies par les réseaux dont certaines ne sont accessibles que par pirogue. Ainsi, pour fournir de l’eau potable aux 140 habitants d’un village isolé (village Favard) et garantir un service public d’alimentation en eau potable équitable sur l’ensemble du territoire de la Communauté d’agglomération de Cayenne et du littoral (CACL) la Société Guyanaise des Eaux (SGDE) a installé une micro-filière de traitement produisant de l’eau potable à partir d’eau de surface.
Éric Pellet, responsable de l’agence territoriale Est et CACL de la SGDE, rappelle que, dans le contexte sanitaire particulier du COVID-19, « au-delà du plan de continuité d’activité qui a fortement mobilisé les équipes pour garantir la production et distribution de l’eau, la SGDE, à la demande de l’Etat et des collectivités, a déployé en urgence des installations de fourniture d’eau aux quartiers d’habitats spontanés qui représentent plusieurs dizaines de milliers de personnes sans accès à l’eau potable. 27 rampes de distribution d’urgence par exemple ont été mises en service tandis que, dans le village amérindien de Trois Palétuviers sur le fleuve Oyapock frontalier avec le Brésil fortement touché par le COVID-19, la SGDE posait une conduite et installait des compteurs ».
En Guadeloupe, de nombreux foyers sont régulièrement privés d’eau potable en raison d’un réseau fuyard qui nécessite la mise en place de tours d’eau. Confronté à la pandémie COVID-19, le préfet de Guadeloupe réquisitionne différents acteurs de l’eau en avril 2020 pour une mission « Urgence Eau ». Le groupe SUEZ et sa filiale locale, Karuker’Ô mobilisent 35 experts et en quelques mois, plus de 4000 fuites sont réparées, permettant de sauvegarder près de 20.000 m3 d’eau / jour.
Épurer les eaux avant de les rendre à la nature
Le traitement des eaux usées s’améliore en permanence, avec des innovations issues de découvertes récentes et de nouvelles technologies. Sur les stations d’épuration de James Cook et de Baie Sainte-Marie en Nouvelle-Calédonie, les eaux usées sont épurées biologiquement puis clarifiées avec des membranes d’ultrafiltration dont la porosité est inférieure à celle de la peau.
Ces membranes forment une barrière physique capable de retenir tous les micro-organismes, bactéries et virus, en laissant passer les sels minéraux. Grâce à ce traitement ultramoderne, la station répond aux dernières normes européennes de traitement et permet de rejeter des eaux de type eau de baignade. La qualité des eaux du lagon calédonien, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, est ainsi protégée et améliorée.
Pour Dumbéa, située à la croisée des quatre communes du Grand Nouméa et qui connaît une formidable expansion démographique, la Calédonienne des Eaux a conçu la plus grande station d’épuration de Nouvelle-Calédonie. Dimensionnée pour répondre à l’extension de la commune dans le respect de l’environnement, elle utilise un procédé naturel de traitement à boues activées, amélioré par l’ajout de technologies innovantes pour la déshydratation des boues.
Réutiliser les eaux usées traitées pour préserver les ressources
Quant à Bora Bora, la « Perle du Pacifique », c’est la première île de la région à réutiliser ses eaux épurées après ultrafiltration (traitement via des membranes de haute technologie) pour des besoins industriels. L’île accueille 100 000 touristes par an et attire les plus grandes chaînes hôtelières du monde. Cette eau recyclée est destinée en priorité à l'arrosage des espaces verts des hôtels. Mais grâce à sa qualité, son utilisation a pu être étendue à la protection incendie, au nettoyage industriel, au lavage des bateaux - notamment les navettes d’Air Tahiti - et aux engins de chantier et de construction.
La place centrale de l’eau dans les cultures ultramarines
L’eau a façonné les cultures des outre-mer. Elle peut y être rare (sécheresse), parfois menaçante (inondations, cyclones, tsunamis), mais elle est toujours précieuse. La mer est omniprésente dans la vie, la culture et l’histoire des ultramarins. Face à l’urgence de protéger le capital naturel en restaurant la biodiversité, véritable richesse des outre-mer, la prise de conscience et l’engagement de chacun, mais aussi les savoirs ancestraux, respectueux de la nature, ont toute leur place aux côtés des solutions technologiques innovantes.