Interview. Guadeloupe -Joëlle Bah-Dralou, journaliste : « Donner la parole aux personnalités audacieuses, passionnées pour nourrir nos quotidiens»

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Interview. Guadeloupe -Joëlle Bah-Dralou, journaliste : « Donner la parole aux personnalités audacieuses, passionnées pour nourrir nos quotidiens»

Habitée par sa passion de l'écriture, la journaliste guadeloupéenne Joëlle Bah-Dralou aime mettre en lumière des « personnalités audacieuses » par leurs parcours, distiller ses bonnes adresses culturelles et gastronomiques. Sur son blog Elle dit 8 et son émission Entrevue, elle fait rimer la culture avec le partage. Pour Outremers 360, elle revient sur son parcours, son regard sur la culture ultramarine et ses futurs projets.

 

Joëlle Bah-Dralou : Je suis journaliste indépendante. J'ai toujours été attirée par l'écrit, par les mots de façon générale. Lorsque je me suis installée à Paris il y a quelques années, j'ai démarré par un blog lifestyle, Elle dit 8. Pour moi, c'était l'occasion de partager les thématiques qui me plaisaient comme la culture, les voyages. C'est ainsi que je débute cette activité et très rapidement, j'ai été contactée pour écrire des articles pour la presse écrite. J'ai collaboré avec le magazine Diva en proposant des rubriques culturelles sur des idées-sorties, ou sur des livres. J'ai eu une immense opportunité d'interviewer madame Maryse Condé à son domicile dans le Marais. 

Jusque là, j'étais autodidacte mais j'ai voulu aller au bout des choses. C'était le moment de passer à l'étape supérieure en m'inscrivant à l'Ecole Supérieure de Journalisme de Paris pour un master. Et j'ai adoré ! Durant mes stages, j'ai travaillé avec Médiaphore, avec le magazine en ligne Yonder spécialisé dans le tourisme de luxe. Parallèlement, j'ai continué à développer mon blog. 

Ensuite, en rentrant aux Antilles, j'ai été contactée pour une émission qui se lançait sur la chaîne Eclair TV pour une chronique lifestyle où je parlais de mes bonnes adresses. J'ai commencé comme ça avec le lifestyle, mon domaine de prédilection ; j'ai intégré la culture et le tourisme dans une émission intitulée « Les experts au féminin» jusqu'au décès du président de la chaîne. 

Le blog a été une porte d'entrée dans le monde de l'édition. Cela a été une grande chance pour moi. J'adore écrire des livres et des guides de voyage. J'ai pu écrire le guide de voyage Guadeloupe l'Essentiel aux Editions Nomades. J'étais très contente parce que les éditrices de l'époque m'ont laissé carte blanche. C'était la première fois qu'elles consacraient un guide à des îles. 
J'ai eu l'opportunité de redécouper le guide à ma guise, j'ai adoré cet exercice. Ce guide m'a ouvert d'autres portes, aux éditions Gallimard notamment, où je vis une belle aventure.

En ce moment, je présente et produis une émission en ligne sur YouTube qui s'appelle Entrevue, où je vais à la rencontre de personnalités que j'estime audacieuses et qui sont susceptibles d'éveiller cette petite flamme en nous quand parfois on manque d'ambition, de motivation. 

Outremers 360 : Quel est le fil conducteur de tous ces projets que vous menez avec votre blog Elle dit 8 et votre émission Entrevue ? 

Joëlle Bah-Dralou : C'est l'envie de partager tout simplement ! Sur mon blog, la dynamique était de partager les bons plans. J'avais mis en place la rubrique « Paroles de blogueuses» où je mettais en avant des blogueuses voyages et culturelles nous parlant de leurs bonnes adresses, de leur expatriation. J'ai toujours aimé donner la parole à des personnes que je trouve intéressantes pour nourrir nos quotidiens. 

L'émission Entrevue a été la suite logique de cette démarche. J'ai commencé avec Nicholle Kobi que j'avais rencontré en Guadeloupe lors de sa venue pour une exposition et pour une séance de dédicaces autour de son livre. Je me suis dit qu'elle serait une excellente première invitée pour l'interviewer sur son expérience avec Netflix, son aventure en Afrique du Sud, sa vie à Harlem. Je voulais savoir comment une illustratrice française d'origine congolaise avait eu un contrat avec la série Grey's Anatomy. J'ai voulu savoir quelles étaient les clés qu'elle pouvait nous donner pour que nous puissions aussi aller au bout de nos rêves. Ensuite, j'ai poursuivi avec des invités ultramarins que je trouvais audacieux dans ce qu'ils entreprennent.

Joëlle Bah-Dralou avec Nicholle Kobi lors de son émission Entrevue

Outremers 360 : Personnellement, qu'est-ce-qui vous inspire pour dénicher toutes ces personnalités pour votre émission ? 

Joëlle Bah-Dralou : Alors je ne suis pas forcément attirée par les personnes qui ont une actualité brûlante. Ce qui m'intéresse, ce sont vraiment leurs actions qu'elles mènent au quotidien. Parmi mes invités, il y a eu par exemple Laure Tarer que j'ai rencontrée à Eclair TV. Elle a une réelle passion qui l'anime pour la promotion de la littérature caribéenne. C'est le cas aussi de ma rencontre avec la fille de Maryse Condé avec son association Kaz à Condé. La passion. Voilà, c'est l'un des premiers critères de choix. 

Outremers 360 : Vous êtes justement une passionnée par la culture et plus particulièrement la littérature caribéenne. Comment est née cette passion ? 

Joëlle Bah-Dralou : Petite, je me souviens que mes parents avaient des livres de Maryse Condé dans nos bibliothèques. C'est pour cela qu'en début d'interview, je parle avec émotion de mon interview avec Maryse Condé pour le magazine Diva. J'ai grandi avec elle. Ma mère m'a initiée à cette littérature avec Simone Schwarz-Bart, Maryse Condé, Gisèle Pineau. J'ai été biberonnée à cela.

Outremers 360 : Avec vos rencontres, vos voyages, quelle est votre vision du milieu culturel et plus particulièrement du milieu culturel guadeloupéen ou ultramarin ?

Joëlle Bah-Dralou : Comme vous le dites, je suis une grande voyageuse. 
La Culture, pour moi, est intrinsèquement liée aux voyages. J'aime l'ouverture sur le monde, en Guadeloupe, aux Antilles, dans la Caraïbe. Je suis toujours sensible aux démarches qui appellent à cette ouverture. 
 Je sais que l'on est très centré sur le patrimoine local, cela est important mais j'aime ce petit plus.Lorsque nous habitons sur des territoires comme des îles, des archipels, je trouve qu'on peut très vite se laisser enfermer. Quand des artistes font voyager notre tradition, notre patrimoine à l'extérieur, je suis super fière de cela.

Outremers 360 : Dans les secteurs que vous suivez (la gastronomie, la culture, les voyages) quelles sont les dernières nouveautés qui vous ont séduit ? 

Joëlle Bah-Dralou : Alors en gastronomie, je suis particulièrement fière de voir nos chefs s'illustrer à l'extérieur, dans l'Hexagone, au Canada. Et en ce moment, je suis un chef qui s'appelle Gregory Vingadassalon. Il travaille à Bordeaux au restaurant de l'hôtel Burdigala. C'est une fierté d'avoir des pépites comme celle-là. 

Il y a également l'artiste que j'ai invitée dans Entrevue, Kelly Sinnapah Mary, qui a récemment exposé à New York et dont l'exposition s'achève prochainement à Soho. C'est une femme qui est passionnée, qui fait rayonner la Caraïbe, encore peu connue chez nous à tort, mais elle est déjà plébiscitée par des collectionneurs internationaux. Autant d'exemples d'ouverture où l'on montre qu'on apporte notre touche au monde.

Outremers 360 : Pour cette année 2024, quels sont vos futurs projets ou numéros pour votre émission Entrevue ?

Joëlle Bah-Dralou :  Entrevue va revenir très rapidement. Côté réalisation, Charles a de nouvelles idées à developper pour l'émission. Nous avons en commun un projet qui s'intitule « Préface noire» où on va mettre en avant des auteurs, des textes, des livres, de la culture caribéenne, ultramarine, africaine, noire, américaine. 

Je m'intéresse à toutes les littératures ; mon mari s'est dit que pour être identifiable, nous devrions proposer un créneau précis. J'ai remarqué depuis que je suis rentrée aux Antilles que mes interlocuteurs sont très à l'écoute dans ma newsletter des auteurs caribéens ou afro-américains que je peux partager. Ils aiment les thématiques qui sont abordées. Avec «Préface noire», nous avons  l'idée de développer des livres audios, le studio étant déjà en place. Les auditeurs pourront retrouver nos voix  mais nous avons déjà contacté différentes voix avec des comédiens et tout un cercle de personnes pour des livres audios avec des auteurs ultramarins. L'objectif est de compléter ce que font les maisons d'édition traditionnelles.

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Outremers 360 : Y aurait-il d'autres projets littéraires ? Un projet futur d'écriture de nouveaux ouvrages?

Joëlle Bah-Dralou : Après les guides de voyage, écrire un roman me titille ! Et forcément, j'ai des idées comme ça qui mûrissent en moi depuis quelques années. Et je me dis qu'il serait peut-être temps de les mettre en forme. Je pense que ce sera mon plus gros challenge à venir.

Outremers 360 : Quels conseils pourriez-vous donner à la jeunesse guadeloupéenne et/ou ultramarine de façon large ?

Joëlle Bah-Dralou : Se former. Nous sommes à l'ère d'Internet. On pense pouvoir tout maîtriser grâce à Internet, grâce à YouTube. Je fais partie de l'ancienne école et il me semble important d'aller au bout des choses. Si vous voulez être cuisinier, on peut démarrer comme autodidacte mais il faut aller se frotter aux professionnels, faire des stages ou des immersions auprès de chefs confirmés pour s'imprégner des techniques. Ce ne sera que positif et bénéfique.